« LA SCIENCE DE L'IDÉE PURE » Jean-François Kervégan Centre Sèvres | « Archives

« LA SCIENCE DE L'IDÉE PURE » Jean-François Kervégan Centre Sèvres | « Archives de Philosophie » 2012/2 Tome 75 | pages 199 à 215 ISSN 0003-9632 ISBN 9770003963008 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2012-2-page-199.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Centre Sèvres. © Centre Sèvres. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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La Préface de la Phénoménologie de l’Esprit distingue ainsi la représentation (V orstellung), rapport immédiat d’un sujet fini à un être-là donné avec lequel elle procure tout au plus une certaine familiarité (Bekanntschaft), de la connaissance proprement dite (Erkenntnis); d’où la fameuse formule: « le bien connu (bekannt: familier) en général, pour la raison qu’il est bien connu, n’est pas connu (erkannt) 2». La connaissance proprement dite est d’abord le fait du travail de discrimi- nation et de classification (« l’activité du séparer ») opéré par l’entendement, lequel manifeste sa « puissance absolue » en apprenant à l’esprit fini à « regarde[r] [l]e négatif en face », à « séjourne[r] auprès de lui 3». Il convient, pour éviter les simplifications usuelles, de conserver en mémoire cet éloge adressé par Hegel à l’entendement. Il faut ensuite distinguer cette pensée d’entendement, qui élève les repré- sentations à l’universalité abstraite, du « penser pur », qui a pour vocation de rendre « fluides » les « pensées fixes » de l’entendement et de les transformer en « concepts » spéculatifs en épousant le mouvement même de ce qui est 4. Surmonter le rapport d’extériorité qui paraît exister entre les onta et le logos, élever la conscience au point de vue du savoir « pur » grâce à la description des expériences qui rendent cette élévation nécessaire, tel est l’enjeu de cette introduction au savoir logico-spéculatif que veut être la Phénoménologie de l’Esprit. Cette présentation des choses, justifiée du point de vue « propédeu- Archives de Philosophie 75 (2012) 199-215 1. Enz, § 19 Zusatz, W 8, p. 69; Encycl 1, p. 469. 2. PhG, GW 9, p. 25; PhE J/L, p. 92. 3. PhG, GW 9, p. 27; PhE J/L, p. 93-94. 4. PhG, GW 9, p. 28; PhE J/L, p. 95. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Bibliothèque Universitaire de Strasbourg - Benvenho Celia - 130.79.250.250 - 20/12/2019 14:42 - © Centre Sèvres Document téléchargé depuis www.cairn.info - Bibliothèque Universitaire de Strasbourg - Benvenho Celia - 130.79.250.250 - 20/12/2019 14:42 - © Centre Sèvres tique » qui est celui de l’ouvrage de 1807, comporte toutefois une équivoque: elle semble faire de la pensée spéculative l’aboutissement d’un processus de purification qui prendrait son départ dans la représentation sensible du « donné » en son immédiateté. Mais peut-on concevoir la science spéculative comme la seule raison rétrospective des « expériences » de la conscience? Ceci ne reviendrait-il pas à destituer le savoir logico-spéculatif de sa posi- tion absolue (qui ne fait évidemment pas de lui un savoir achevé)? Pour pré- venir ce risque, le « Concept préliminaire » de l’Encyclopédie présente la pen- sée logique comme le terme premier, la structure générative que présupposent, pour « nous », aussi bien la simple représentation en laquelle « le contenu se tient isolé en sa singularité » que les actes intellectifs qui ins- crivent cette représentation dans un horizon d’universalité formelle en éta- blissant « des relations de nécessité entre [ses] déterminations isolées 5 ». Enfin, le penser spéculatif (das Denken), doit être distingué de ce que Hegel qualifie de Nachdenken, c’est-à-dire de cette opération grâce à laquelle une subjectivité se saisit après coup de la vérité des choses en revenant sur ses propres actes, admettant par là leur extériorité et leur indépendance à son égard; la « pensée réfléchissante » est un re-penser, une pensée d’après. Sans doute, cette « rumination » est-elle, pour le sujet empirique, le seul moyen d’accéder au « substantiel », car elle entraîne « la refonte de l’immé- diat 6 ». Mais, du point de vue logico-spéculatif, le Nachdenken présuppose le Denken, tout comme le fini présuppose l’infini qui est sa propre pulsation immanente. Les pensées au moyen desquelles l’esprit cherche à consigner la vérité des choses sont un arrêt sur image: les traces instantanées du mouve- ment du penser authentique (spéculatif). En leur tout, elles constituent la sphère de la pensée finie, une pensée qui demeure arrimée à des schémas oppositifs bloquant le jaillissement fluide du processus qui les engendre: le couple sujet-objet en est l’exemple caractéristique, mais on peut aussi évo- quer l’opposition du fini et de l’infini, celle de la pensée et de l’être, ou encore celle du réel et du rationnel. D’une manière générale, toute structure de pensée dualiste relève d’une « métaphysique d’entendement 7 », et c’est la tâche de la pensée spéculative de dissoudre ces oppositions qui structu- rent la représentation des choses, la « réflexion » sur elles et les concepts d’en- tendement qui en résultent en mettant à jour la dynamique qui les porte et les « sursume ». Comme l’idée, qui en est l’expression condensée, le penser spéculatif est « essentiellement processus 8 ». 5. Enz, § 20 Anm., W 8, p. 72; Encycl 1, p. 286. 6. Enz, § 22 Zusatz, W 8, p. 78; Encycl 1, p. 473. 7. Enz, § 95 Anm., W 8, p. 200; Encycl 1, p. 358. 8. Enz, § 215, W 8, p. 371; Encycl 1, p. 449. 200 Jean-François Kervégan Document téléchargé depuis www.cairn.info - Bibliothèque Universitaire de Strasbourg - Benvenho Celia - 130.79.250.250 - 20/12/2019 14:42 - © Centre Sèvres Document téléchargé depuis www.cairn.info - Bibliothèque Universitaire de Strasbourg - Benvenho Celia - 130.79.250.250 - 20/12/2019 14:42 - © Centre Sèvres Accéder au savoir pur: Phénoménologie et Logique Du point de vue de ce que la Logique nomme le « savoir pur » (et la Phénoménologie le savoir absolu), les actes de la subjectivité finie (enten- dons: du sujet représenté comme extérieur à l’objectivité des « choses » et s’ef- forçant d’exercer une prise sur elles) présupposent l’identité dynamique de l’objectivité et de la subjectivité qu’est l’idée logique. Mais un tel point de vue ne peut être atteint ou même conçu que si l’on a déjà accepté de considérer ses pensées comme n’étant précisément pas ses pensées, mais « de la » pen- sée. En d’autres termes: la logique, comme onto-logique ou comme pensée de soi de l’être, est sans doute la condition de pensabilité de l’on ainsi que de tous les onta; mais, pour accéder à la conscience de ce que cette pensée est présupposée par nos pensées, il faut avoir parcouru et surmonté toutes les structures dualistes ou oppositives au moyen desquelles « l’esprit » (la subjec- tivité finie) appréhende « le monde » (l’objectivité ontologiquement hyposta- siée des choses). En d’autres termes, parce que la Logique présuppose « la libération par rapport à l’opposition de la conscience » qui affecte toutes les configurations de l’esprit fini, la Phénoménologie est la « déduction » du « concept de la science pure 9». Cependant, d’un autre point de vue (qui, pour Hegel, n’est pas incompatible avec le précédent), c’est le système entier des figures de la conscience qui, parce qu’il est un système et non une collection disparate d’expériences subjectives, présuppose le « mouvement des essentia- lité logiques »: la logique, note Hegel en préparant peu avant sa mort la réédi- tion de la Phénoménologie, se tient « derrière la conscience 10 ». Il semble donc bien y avoir une relation de présupposition circulaire entre la Logique, « science du vrai qui est dans la figure du vrai 11 », et la Phénoménologie en tant qu’elle expose le « devenir de la science en général 12 ». On pourrait être tenté de juger qu’une telle conception uploads/Philosophie/ aphi-752-0199-la-science-de-l-x27-idee-pure.pdf

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