Saint Thomas d'Aquin et ronto-théo-logie «Hoc ipsum esse, secimdum quod est in
Saint Thomas d'Aquin et ronto-théo-logie «Hoc ipsum esse, secimdum quod est in creaturis, ab ipso removemus ; et tunc remanet in quadam tenebra ignorantiae*. » 1. Construction de Ia question Ouelle que pertinente que reste Ia thèse d'une histoncité radicale de Ia vérité, Ia grandetu- d'une pensée ne s'en mesure pas moins a son aptitude à transcender les conditions histonquK de son açpanuon et de sa disparition pour ne cesser de reparaitre dans ^s debats et des querelles qui, au simple regard, n"eussent du ni Ia convoc^uer ni l'accueillir. Bref, une pensée grande parwent a suryivre a son epoque pour, comme intemporelle ou plutot obstinement rMurrente, prendre sa part à d'autres époques que Ia sienne et s en faire ma- chroniquement contemporaine. La pensee de s^t Thomas illustre par excellence ce paradoxe. EUe n'a en effet cesse, de ren^ssances en redécouvertes, de s'imposer même durant des siecles ou eUe n at^t, en príncipe, pas semblé pouvoir intervenir. En im mot, le thonusme ne consiste peut-être strictement qu'en une sene presque i^ter- rompue de « retours à saint Thomas », aussi declares dans Ia fidehte 1 Thomas D'AQUIN, Scriptum super Ubros SententiArum, I, d8, q &d 4 x * Cst ctrc même, selon aii'il est dans les créatures, nous Tôtons de Dieu; et il reste dono dans une ce^ taine ténèbre a'ignorance.» RT XCV (1995) 31-66 32 REVUETHOMISTE que divers dans les interprétations. Et notre temps ne fait pas excep- tion à ce réflexe, qui, après d'autres, prétend (au moins en esquisse) «retourner» à saint Thomas pour mieux investir aujourd*hui des debats aussi ignores de lui qu'inesquivables pour nous. De quels debats s'agit-il principalement ? On en peut énunaérer plusieurs, qui se sont succédé chronologiquement. Le réalisme contre le criticisme, Vanalogia entis^ puis Ia question de Têtre elle- même, sans parler du débat sur Ia « philosopliie chrétienne ». A ces lieux communs de ia discussion ou ne cesse de se redefinir le tho- misme, s'en ajoute aujourd*hui un nouveau : Ponto-theo-logie. Ayec ce concept, Heidegger met certes en oeuvre une nouvelle definition de Tessence de Ia métaphysique ; mais instaure aussi une hermeneu- tique de Thistoire de Ia philosophie, que sa puissance rend seule comparable à celle déployée par Hegel. En effet, pour autant que le concept d'onto-théo-logie définit strictement toute metaphys^ue et que chaque métaphysique se caractérise par sa necessaire impuiss^ce à penser comme telle Ia différence entre Tétant et Tetre, il faudrait en iniérer que, par sa constitution onto-théo-logique meme, aucune métaphysique n'accède à Têtre en tant que tel,^ m^s seulement a 1'être en tant qu'étant. La métaphysique se définirait comme Ia pensée qui ne revendique 1'être qu*autant qu'elle ne le pense pas, qui dit ce qu'elle n'atteint pas. Le meilleur indice de cette impuiss^ce provient de ce que. Ia plupart du temps. Ia formule meme de « 1 etre en tant qu'être » ne decèle en fait rien de plus que « l'etant en t^t qu'étant»; justement parce que lorsque nous prétendons - trop vite, trop superficiellement - penser et dire éíre, nous n'atteignons en réalité Jamais que Ia subsistance et Ia teneur d'un etant, Car i ne suffit pas d'invoquer 1'être pour le penser autrement que conime un étant ou au-delà de lui et de ses proprietes ; et celles-ci (su sistance, indépendance, acte, éternité, etc.) ne définissent eviden^ent jam^s 1'être, mais toujours l'étant seul. Que Ton s accorde Ia laci ite e qualifier cet étant du titre de 'Dieu' ne modifie en rien le f^t qu il ne s'agit encore là que des propriétés de l'etant, auxquelles 1 etre , ui, reste parfaitement irréductible, et Dieu totalement ^ranger. Par conséquent, si, d'aventure. Ia pensee de Thonias quin devait elle aussi partager le sort conunun des philosophies et appar tenir à Tonto-théo-logie (directement ou par des j riques fiables), elle en subirait un profond doimnage. a or parce qu'elle redeviendrait exactement ce que toiw les thomistes ^ jours voulu qu'elle ne soit pas : une simple fipre de Ia métaphysique parmi d'autres, avec lesquelles elle ferait desormais ^om re , ^s cette hypothèse, elle devrait nécessairement renoncer a a pre^ en lon de dominer de toute sa hauteur spéculative des esquisses anterieures de métaphysique et des dérives de Ia métaphysiq^ posterieure \P9^^ reprendre Ia typologie fortement normative de í histoire e a p i o sophie revendiquée dans cette optique). plus, puisque on o théo-logie ne pense par définition jamais Tetre qu en rappoit avec l*étant et se confondant avec lui, cette hypothese interdirait a Ia SAINT THOMAS D'AQUIN ET L'ONTO-THÉO-LOGIE 33 pensée de saint Thomas, si elle se 1'appropriait, de prétendre avoir atteint l'acte d'éíre, Vactus essendi, conime Ia définition propre de Dieu : car s'il pouvait éventuellement s'agir de Dieu, ce ne serait déjà rkii onnr\r(^ /niiA ét/ífit çiiorAm#»^ milic íl np íc^atíirail" une onio-ineo-iogie, cuc pcruicut luul a i cg<uu uca métaphysiques, puisqu'elle devrait renoncer à toute prétention d'atteindre Vesse - divin ou non, peu importe, car, en un premier temps, deviendrait problématique Ia distinction même entre em et esse, ou plutôt Tirréductibilité de Vesse à son interprétation ontique. Ainsi, au soupçon théologique d'avoir cédé à Tidolâtrie en ravafant Dieu au rang de Vesse, s'adjoindrait Taccusation, philosophique cette fois, d'avoir confondu 1'être avec Tétant, et, prétendant bien impru- demment avoir atteint celui-là, n'avoir en fait traité que de celui-ci. II s'agit donc d'im débat absolument décisif pour Ia vahdité presente et future de toute pensée qui voudra se reclamer comme thomiste, tant en théologie qu'en philosophie^. j i • j 'u Pourtant, aussi essentiel qu'il apparaisse aujourd'hui, ce debat resta longtemps étranger aux thomistes, occupes qu ils ^etaient soit aux querelles internes (les types d'analogie, le concept d et^t, etc^, soit a des polémiques rituelles contre Ia philosophie modeme. Et lorsque ce débat fut abordé, il le fut le plus souvent dans une altema- tive sommaire : ou bien le terme d'onto-théo-logie jouait comme un pur et simple signe d'infamie, suffisant pour disqualifier toute 1'entreprise thomiste par pure idéologie ; ou bien, par tactique, voire par bravade, il devenait un titre de gloire, que l'on assumait non s^s courage, quoique souvent sans discemement. Ces deux attimdes nous seir''^""" * #»i- ínnnerantes. oarce QU elles omettent caracteres uc i -od-- , - . - sément si les thèses de Thomas d'Aqiun en illustrent cert^ns et dans quelle mesure. À ces deux conditions seulement, d deviendra pen- sable sinon de répondre à Ia question, du moms d en mesurer les dimensions et les implications. ne releve pour ia theoIogie », íf«/tóíín ae imeraiure j comSSé cfans «Metaphysics and Phenomenology : a relief for Theology », Cnttcal Inqmry 20/4 (1994), Chicago ; et, on le verra, le présent travail. 34 REVUE THOMISTE 2. Les caracteres de l'onto-théo-logie Car, avant de répondre à Ia question, il faut rentendre correcte- ment, en roccurrence definir Tonto-théo-logie. Heidegger, dans sa conférence sur La Constitution onto-théologique de Ia métaphysique, prononcée et parue en 1957, élabore une telle définition : « La cons titution onto-théologique de Ia métaphysique procede de Ia puis- sance de Ia Différence, qui maintient écartes Tim de Pautre et^rap- portés Pun à Pautre Pêtre comme fond {Sein ais Grund) et Í*etant comme fondé {^eiendes ais gegründei) ainsi que conrnie fondateur {begründendes), maintien qu*assure Ia Conciliation {Austra^ Cette détermination indique donc une double fondation croisee. 1 ° L etre, en tant qu*il differe décidément de tout étant, se declare con^e rien d*étant, donc n'ayant rien d*un étant et surtout pas de 1 et^t mt « Dieu » ; au contraire en tant qu*im tel né^t d'etant, il P^ut fonder tout étant et tous les étants, y compris « Dieu » , parce qu il les rena aussi bien pensables (selon Pétant, voire un concept d etant) que possibles (concevables comme non contradictoires dans^ le concept). 2° Réciproquement, Pétant, en particulier le premier etant declare dans chaque métaphysique, non seulement fonde les autres etants a titre de cause première qui en rend aussi raison, mais ron e aussi Pêtre de Pétant en tant qu^il en accompUt a Ia perfectiqn et )usque dans Pexistence les caractéristiques etantite. es fondations principales (Ia deuxième se dedoub an^ msten articulées c&m lems fondations croisées par Ia f^^erence qm les distingue comme être et étant et, pour cela meme, es [ ] ParSl schéma implique deux types de consequences les unes explicitement assumées par Heidegger, les autres ^ ^ ^ con^i Phistoire de Ia phüosophie. - ^ selo^Tes" tution onto-theo-logique, une métaphysique g , ^ , r _ multiples sens d'une unique fondation ; car c e p r j • dation que s'en définissent les deux term| - son Ia fondatio^ conceptuelle f des étants par un étant causale et selon r^son «ufíisante (5^^ fondation qu'il par excellence. Plus i fondations croisées, conceptuelle revient de her ^tre . x pêtre même (et non seulement aux et causale : en effet, s'il advient c'est parce que ce etanis) de se trop^er fon f exemplairement ses caractères de dermer accqmpht 1 etre en / _ c'est-à-dire uploads/Philosophie/ artigo-do-marion-e-boulnois-sobre-ontoteologia-pdf.pdf
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- Publié le Nov 22, 2022
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