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www.revuedumauss.com www.jornaldomauss.org Qui sommes-nous ? Nous contacter GAZETTE SUPPLÉMENT LECTURES PUBLICATIONS ETHIQUE ASSOCIATION ECOLOGIE DOCTRINE ANTHROPOLOGIE PSYCHANALYSE ART ET LITTÉRATURE Rechercher : >> Bataille et Mauss : un dialogue de sourds ? Jean-Christophe Marcel Jean-Christophe Marcel interroge l’héritage mausssien de Bataille. Iඇඍඋඈൽඎർඍංඈඇ [1] C’est une habitude bien assise aujourd’hui que d’associer aux travaux de Georges Bataille le nom de Marcel Mauss (1872-1950), neveu et élève d’Émile Durkheim (1858-1917), le père fondateur de la sociologie universitaire en France. La référence à Mauss n’a en soi rien d’étonnant chez des auteurs de la génération de Bataille, tant il est vrai que le travail de son « disciple » a dans l’entre-deux-guerres un renom comparable à celui qu’avait eu jadis Durkheim. Cette consécration, Mauss la doit à sa réputation de penseur original et précurseur [2] doublé d’un orateur hors pair, ce qui lui vaut d’être entouré en permanence d’un petit cénacle d’étudiants fidèles [3]. Parmi eux, on retrouve Alfred Métraux qui parle pour la première fois des cours de son professeur à son ami Bataille [4] 3 et lui fait partager son intérêt pour cet « enseignement remarquable » [5]. C’est ainsi que, ayant fait connaissance avec la sociologie durkheimienne par personnes interposées [6], Bataille ne cessera jamais de considérer Mauss comme une référence incontournable. Si tout ceci est largement connu, on insiste toutefois beaucoup moins sur l’absence de réciprocité qui caractérise la relation entre les deux hommes. Car enfin, sauf erreur de notre part, Mauss ne mentionne jamais les travaux de Bataille, dont il ne pouvait ignorer, l’existence, ne serait-ce qu’à l’époque du Collège de Sociologie. Pourquoi ? Certes, le professeur n’entretenait de relations étroites essentiellement qu’avec ses élèves, et était mis au courant de leurs projets communs par Leiris et Caillois. Toutefois, cette explication nous semble insuffisante à épuiser la réalité de ce qui fut, nous semble-t-il, un dialogue de sourds, ou si l’on préfère un monologue. C’est qu’en fait rien dans le projet de Bataille ne pouvait trouver grâce aux yeux de Mauss. Malgré une référence commune à un fait social observé dans plusieurs sociétés archaïques, popularisé par Mauss et que la postérité allait continuer à sa suite à désigner par le terme de potlatch, la sociologie de Bataille se veut plus compréhensive en ce sens qu’elle cherche à connaître la signification que prend dans les esprits l’acte transgressif. Or la recherche de ce sens débouche sur une théorie du sacrifice qui se veut une clef de compréhension du lien social, parce qu’elle donnerait à voir un besoin vital, constitutif de la nature humaine, argument que Mauss ne pouvait cautionner. Révélatrice des interrogations d’une génération qui, face à la montée de ce qu’Halévy appela « l’ère des tyrannies » [7], cherchait de nouvelles façons de comprendre le monde, la pensée de Bataille heurtait sans doute le rationalisme irréductible d’un Mauss qui croyait encore dans les années 30 en le triomphe de la raison et du progrès. Uඇ ඍൾඑඍൾ ൿඈඇൽൺඍൾඎඋ Le point de départ de cet intérêt que Bataille porte à Mauss est selon ses termes « une étude magistrale » [8] que ce dernier publie dans l’Année sociologique et qu’il intitule « Essai sur le don, forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques [9]". Dans certaines tribus de Polynésie, d’Australie ou encore du Nord-Ouest américain, on assiste à une forme d’échange qui ne laisse pas de frapper les observateurs occidentaux, et dont le principe est le suivant. Plonger dans l’insalubre ou comment repenser le cycle de l’eau comme un cycle de don. Le développement est-il colonial ? The impact of technology on employment, economy and society. Interview 1 : Martin Ford Revenu universel - Sortir des faux débats Recognition Theory : Understanding Monetary System Conflict Ce qui circule entre nous en ligne Subsumant don et conflit : l’échange Pouvoir, domination, charisme et leadership Le regard des enfants d’Idoméni et d’ailleurs : Lévinas et la crise migratoire Les scarifications de "Mensuren" // Article publié le 14 avril 2007 Pour citer cet article : Jean-Christophe Marcel, « Bataille et Mauss : un dialogue de sourds ? », Revue du MAUSS permanente, 14 avril 2007 [en ligne]. http://www.journaldumauss.net/./?Bataille-et- Mauss-un-dialogue-de > SUPPLÉMENT DU MAUSS > ARTICLES NOTES [1] Un article publié dans la revue Temps modernes, no 602, décembre 1998 - janvier- février 1999, pp. 92-108. Paris : Les Éditions Gallimard. [2] Lévi-Strauss, pour ne citer que lui, dit de Mauss qu’il avait établi « le plan de travail qui sera, de façon prédominante, celui de l’ethnographie moderne au cours de ces dix dernières années » (Lévi-Strauss, « introduction à l’œuvre de Marcel Mauss », in Mauss, Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, 1985, p. xi). [3] « Peu d’enseignements sont restés aussi ésotériques », confirme Lévi-Strauss qui voit là une des principales raisons du succès de la pédagogie de Mauss (op. cit., p. ix). [4] Métraux, « Rencontre avec les ethnologues », Critique, no 195-196, août- septembre, 1963. [5] Bataille, « Le Sens moral de la sociologie », Critique, no 1, 1946, p. 58. [6] Au nom de Métraux, il faut ajouter ceux de Caillois et Leiris, tous deux élèves de Mauss. [7] Halévy, L’Ère des tyrannies, Paris, Gallimard, 1938. [8] Bataille, La Part maudite, Paris, éditions de Minuit, 1967, p. 105, no 1. Clans, tribus, familles « s’affrontent et s’opposent soit en groupes se faisant face sur le terrain même, soit par l’intermédiaire de leurs chefs, soit de ces deux façons à la fois » et échangent non seulement des biens et des richesses, mais aussi « des politesses, des festins, des rites des femmes, des enfants [...] des fêtes, des foires [...] [10] ". Toutefois, cet échange a ceci de particulier qu’il se fait « sous une forme plutôt volontaire, par des présents, des cadeaux [11]". Parfois, au heu d’offrir ces biens, on les détruit sous le regard de l’adversaire, à l’instar des Maori qui brisent leurs précieux cuivres blasonnés, et des Kwakiutl qui massacrent leurs meutes de chiens, voire leurs chefs. Ce qui frappe enfin, c’est le caractère agonistique de cette lutte pour les prestiges, qui cause parfois la ruine de la tribu entrée en potlatch et s’explique par ce que Mauss baptise l’institution du « donner-recevoir-rendre » : tout cadeau reçu doit obligatoirement être accepté sous peine de déchoir, et doit être rendu avec usure [12]". C’est surtout ce dernier aspect que Bataille retient du potlatch. Dans la destruction gratuite et sans limite des richesses accumulées, il faut selon lui voir un démenti cinglant à ce présupposé qui guide la théorie classique de l’économie, cette « conception de l’existence plate et insoutenable [13]" selon laquelle les individus sont motivés par la recherche d’une utilité maximale, ce par quoi il faut comprendre l’activité rationnelle qui pousse à obtenir pour soi tout le plaisir possible sous contrainte de moyens limités (en argent, en informations, en temps...) qui s’offrent à tout un chacun. L’ethnologie apporte donc la preuve que l’homme n’est pas naturellement un homo oeconomicus soucieux d’épargne et d’échange, et qu’en méditant les leçons du comportement des indigènes on peut sûrement apprendre beaucoup sur les sociétés contemporaines. Le problème ne devient plus en effet l’acquisition, mais bien la dissipation des richesses. En effet, nombre de nos conduites ont le même sens que celles que décrit le potlatch, si on garde en mémoire que « la perte rapporte à celui qui la fait » car le rang et la gloire sont conditionnés au mépris de l’accumulation [14]". Bien qu’adoptant un ton plus véhément, Bataille n’apporte toutefois rien de plus que Mauss à ce stade du raisonnement. Dൾඎඑ ංඇඍൾඋඉඋඣඍൺඍංඈඇඌ ൽංඏൾඋ඀ൾඇඍൾඌ : අൺ ඍඁඣඈඋංൾ ൽඎ ඌൺർඋංൿංർൾ La divergence de point de vue vient de l’interprétation à donner de la dimension religieuse qui se dessine lors de l’échange des dons. Mauss signale, en effet, que « le présent fait aux hommes » est aussi un « présent fait aux dieux » pour les inciter à produire l’abondance des richesses [15], en conséquence la destruction des êtres et des choses peut être assimilée à un sacrifice : « Ce n ’est pas seulement pour manifester puissance et richesse et désintéressement qu ’on met à mort des esclaves, qu ’on brûle des huiles précieuses, qu ’on jette des cuivres à la mer, qu’on met le feu à des maisons princières. C’est aussi pour sacrifier aux esprits et aux dieux, en fait confondus avec leurs incarnations vivantes, les porteurs de leurs titres, leurs alliés initiés [16]". Toutefois, cette forme de sacrifice n’est à ses yeux qu’une illustration de la théorie qu’il avait établie jadis avec Hubert : si on admet et conformément aux canons de la sociologie durkheimienne que le propre de toute religion est d’établir une séparation entre monde sacré et monde profane, le sacrifice consiste à opérer la communication entre ces deux univers par l’intermédiaire d’une victime, à qui l’acte du sacrifice confère sa nature religieuse [17]. L’objection de Bataille porte sur ce qu’il estime être la dimension transgressive du sacrifice. Il est en effet des cas où une bête mythique, incarnation plus ou moins uploads/Philosophie/ bataille-et-mauss-un-dialogue-de-sourds-revue-du-mauss-permanente.pdf

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