Prédication : Le cœur de l’homme Pasteur Florian Bille Le cœur… jamais un organ
Prédication : Le cœur de l’homme Pasteur Florian Bille Le cœur… jamais un organe n’a eu autant de symboliques, alors que sa fonction est plutôt purement pragmatique : celle d’une pompe, même si cette pompe est plus que vital. Le cœur n’est pas seulement cet instrument servant à envoyer du sang dans le corps, le cœur métaphoriquement ou symboliquement désigne plusieurs choses 1. Le lieu des sentiments : l’amour du prochain, la compassion, la charité, etc. 2. Le siège des sensations : peur, coup de cœur, angoisse, etc. Le stress positif ou négatif, la peur ou le coup de foudre par exemple peuvent augmenter sensiblement le rythme cardiaque et ainsi donner l’impression que le cœur est bien ce lieu d’émotions vives 3. Le cœur désigne aussi le centre : le cœur du problème, au cœur de la nuit, etc. Le sens du mot cœur est riche et varié et joue un rôle important dans notre monde contemporain pour exprimer le plus souvent des choses positives. En caricaturant un peu, derrière cette symbolique du cœur, il y a ce message véhiculé que « ce qui vient du cœur ne peut pas être mauvais, ni être une illusion ou un mensonge ». Evidemment, je pousse ici le trait à l’extrême mais il y a bien cette idée que le cœur est forcément vrai et pur. La parole du cœur est alors au minimum une parole de vérité subjective, une parole intouchable et inattaquable et c’est peut-être là une difficulté. La personne qui s’exprime avec son cœur, s’exprime avec une intériorité qu’il est difficile et malvenu de remettre en question. Un argument émotionnel venant du cœur peut parfois servir à bloquer tout débat 2 rationnel, comme si le cœur avait plus d’importance que la raison. Tout le monde connaît cette citation : « le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas… » Le cœur est pur, juste ; le cœur ne peut avoir que raison, même parfois contre la raison elle-même. Et par conséquent, la perversion et le mal ne peuvent pas venir du cœur. Le mal peut bien venir évidemment de l'absence de cœur ou d'un cœur endurci, mais, du cœur lui-même « rien de mauvais ne peut sortir ». Le cœur est vérité, le cœur est pur, limpide, clair, sans hypocrisie. Voici quelques exemples de citations que nous pouvons retrouver facilement dans l’ère du temps - Il faut apprendre à écouter son cœur, il sait nous guider sur la voie de la vérité et de l’amour. - L’esprit cherche mais c’est le cœur qui trouve. Et je terminerai par la plus jolie de ces citations, mais aussi celle qui m’interpelle et m’inquiète le plus… - La seule façon d'avoir ce que tu veux est de savoir ce que tu veux La seule façon de savoir ce que tu veux est de te connaître La seule façon de te connaître est d'être toi-même Et la seule façon d'être toi-même est d'écouter ton cœur. Voilà en résumé et en caricaturant, une espèce de pensée (si je peux appeler cela une pensée) postmoderne accordant une place prépondérante à la subjectivité du cœur. Je l’appellerai : la toute- puissance du cœur, car le cœur ne peut pas se tromper ; il est le concept unifiant l’être humain et la vérité. Quelle magnifique vision de la vie, celle de ce cœur tout-puissant, malheureusement, je vois plusieurs dangers de ce cœur tout-puissant : 1) Le risque d’un fort relativisme : il n’y a pas de vérités ni de discussions possibles, puisque chaque cœur a forcément raison… 2) Le risque d’un fondamentalisme : mon cœur a forcément raison envers et contre tout. 3) Un individualisme exacerbé. C’est mon cœur, la parole de ce cœur que je dois écouter et si ce cœur n’est pas entièrement tourné vers l’autre, alors il devient vite un cœur seul et égoïste qui ne s’écoute que lui. J’en arrive maintenant à la critique de ce cœur tout-puissant avec cette question essentielle. Si le cœur est bon et pur, où se situe alors le mal et la perversion ? Je vais vous proposer trois pistes qui, comme vous le verrez conduise à une forme d’impasse. 1. Le mal est souvent alors compris comme l'extérieur, puissance externe ou les forces maléfiques, l’exemple parfait est alors la figure du Diable. 2. Le mal peut aussi alors venir non de l'extérieur, mais de l'intérieur, plus précisément du corps qui est alors vu comme l'impur, le périssable ; ce qui sépare l'homme de l'âme et empêche celle-ci de s'accomplir pleinement. Ici, nous sommes dans une conception influencée à la fois par la gnose et la tradition néo-platonicienne avec une séparation forte entre l'âme et le corps, entre le spirituel et le matériel. 3. Le mal peut venir alors de la rationalité de la réflexion ou de la volonté de l’intelligence. L'anthropologique biblique, influencé à la fois par l'Ancien Testament et les paroles de Jésus ne défend pas une telle fonction symbolique au cœur, celle d’un cœur tout-puissant, au contraire, souvent le cœur dans la Bible n'est pas pur, c'est même parfois le lieu du péché. 4 Dieu se repent d’avoir créé l’homme et crée le déluge dont seul Noé et sa famille seront épargnés (Genèse 6,5) « Le SEIGNEUR vit que la méchanceté de l'homme se multipliait sur la terre: à longueur de journée, le cœur de l’homme n'était porté qu'à concevoir le mal » Evidemment, dans l’Ancien Testament le mal et la perversion proviennent de cœurs endurcis, comme celui du pharaon face à Moïse (Ex 7,3.13, etc.) ou de cœurs de pierre. Des cœurs de pierre que seul Dieu peut transformer en cœur de chair (Ezéchiel 36,26) : Je vous donnerai un cœur neuf et je mettrai en vous un esprit neuf; j'enlèverai de votre corps le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Mais ce n’est pas seulement, un cœur trop dur ou son absence qui œuvre au mal. Le mal s’inscrit dans le cœur même des hommes et alors c’est à la bouche de veiller à ce que le mal ne puisse pas émerger du cœur humain (Proverbes 12,23 et 17,3) - L'homme prudent cache ce qu'il sait, le cœur des sots crie leur folie. - Tu as examiné mon cœur; la nuit, tu as enquêté; tu m'as soumis à l'épreuve, tu n'as rien trouvé. Ce que j'ai pensé n'a pas franchi ma bouche. Le cœur dans l’Ancien Testament n’est pas perçu que négativement, il a également bien des fonctions positives, la prière du « shema Israël » recommande bien d’aimer son Dieu de tout son cœur, et je pourrais également citer bien d’autres passages mettant le cœur en valeur. Mais aujourd’hui, je vais me concentrer sur cette vision négative du cœur, car elle me paraît un bon antidote à ce que j’ai appelé précédemment le cœur tout-puissant. Jésus est bien l’héritier de cette tradition juive pour qui, le cœur n’est ni pur ni parfait, et que justement c’est souvent du cœur que sortent les mauvaises choses, surtout si la parole ne filtre pas les pensées du coeur : (Matthieu 12,34) « Engeance de vipères, comment pourriez-vous dire de bonnes choses, alors que vous êtes mauvais? Car ce que dit la bouche, c'est ce qui déborde du cœur. » Selon Jésus, c’est bien du cœur même que proviennent les intentions mauvaises, meurtres, adultères, inconduites, vols, faux témoignages, injures », comme il l’affirme dans l’évangile de Marc, au chapitre 7 en comparant de manière assez amusante le cœur avec la nourriture qui rentre dans l’homme. Ce n’est pas la nourriture qui rend l’homme impur, mais ce qui sort du cœur même de l’homme qui rend l’homme impur Jésus, en disant que le mal et le péché sont dans le cœur, affirme que l’impur n’est pas à l’extérieur de l’être humain et n’est pas un impur qui pourraient ainsi le contaminé de l’extérieur. Jésus balaie d’un seul coup, les lois sur la pureté et l’impureté inspiré du livre du Lévitique. Ce n’est ni les aliments, ni le sang d’une femme, ni les relations sexuelles, ni des épanchements qui rendent les hommes impurs, mais bien ce qui sort du cœur de l’homme… (Marc 7,18-23) « Ne savez-vous pas que rien de ce qui pénètre de l’extérieur dans l’homme ne peut le rendre impur, puisque cela ne pénètre pas dans son cœur, mais dans son ventre, puis s’en va dans la fosse. […] Ce qui sort de l’homme, c’est cela qui rend l’homme impur. En effet c’est de l’intérieur, c’est du cœur des hommes que sortent les intentions mauvaises. […] Tout ce mal sort de l’intérieur et rend l’homme impur. » Arrêtons-nous ici un instant pour réfléchir aux implications de cette anthropologie en particulier par rapport à la question du mal. Si le mal est au cœur de l’homme, alors il ne faut pas craindre une force maléfique extérieure comme Satan. Si le mal est dans le cœur de l’homme, ce n’est pas le corps qui est mauvais. Il n’y a pas uploads/Philosophie/ pne-predication-coeur.pdf
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- Publié le Nov 10, 2022
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