Benjamin Fondane et Stéphane Lupasco 3 0ctobre 44 - 3 Octobre 2004 Dominique Te
Benjamin Fondane et Stéphane Lupasco 3 0ctobre 44 - 3 Octobre 2004 Dominique Temple En 1998, un grand hommage était rendu à Benjamin Fondane, notamment par Michael Finkenthal qui publiait aux Editions Paris- Méditerranée l'esquisse d'un essai de Fondane sur Lupasco, le dernier essai inachevé de Fondane qui disait de la théorie de Lupasco : « Malgré des apparences modestes, une sobriété d'expression remarquable et beaucoup de pudeur dans ses prétentions, cette "nouvelle" théorie s'annonce comme un séisme susceptible de renverser de fond en comble non seulement les résultats jusqu'ici obtenus par la philosophie mais les critères mêmes qui ont autorisé ces résultats ». Fondane présentait ainsi la découverte de Lupasco : « Il remarque que la logique kantienne s'est arrêtée à mi-route. Elle pose un jugement synthétique qui lie entre eux des concepts hétérogènes qu'il ne contient pas, et qui les transcende, mais néglige de poser, du même coup, sa contre partie, "un jugement analytique, qui pût délier deux concepts homogènes, ou le prédicat contenu par identité dans un sujet, par un NON-LIEN qu'ils ne continssent pas en eux-mêmes et accorder ainsi une activité réelle à l'analyse bien qu'inverse de celle qu'il accorde à la synthèse". Et n'est-il pas évident que, s'il appartient à la pensée de poser entre les choses un LIEN, qui n'est pas en elles, c'est à elle, et à elle seule, qu'il appartient aussi de créer un non-lien qui sépare ces choses, et non à ces choses elles- mêmes ? C'est une réflexion soutenue et profonde sur ce "trou" du système kantien qui a mené Lupasco à la découverte de la nature du logique, qui est le véritable apport de son système, et aussi la persuasion prématurée - que, cette difficulté vaincue, plus rien ne s'opposerait, désormais, à ce que la logique, devînt l'existant et cessât d'être un connaître "fictif". En effet Kant ne s'était résolu à ce pis aller qu'à contre-coeur, sous la poussée de la pensée identifiante qui par sa simple démarche instituait un dedans et un dehors; que pouvait-il de plus que d'enlever à ce "dehors" le lien qui s'y trouvait et le restituer au logique ? Mais censé être le réservoir du divers, du non-être, le dehors ne restait que plus menaçant, plus irréductible qu'auparavant. Que se passerait-il songea Lupasco, à l'instar de Kant autrefois, si ce n'était pas la "nature" qui nous offrait le divers, le non-identique, et si c'était toujours notre logique qui créait le non-lien, de même qu'il crée le lien ? (... ) Il est persuadé que Kant n'aurait pas mieux demandé que de parvenir à ses conclusions à lui Lupasco, et que s'il les a manquées, ce fut uniquement faute d'avoir entrepris "l'étude préjudicielle" de ses points de départ (...) Mais pourquoi, encore une fois, ni les Grecs, ni les Scolastiques, ni Descartes pas même Kant -qui avait institué la Critique - n'ont jamais songé à entreprendre cette "étude préjudicielle". "Parce que, dit Lupasco, l'esprit humain fuit ce qui lui est révélé le plus infailliblement". C'est là une réflexion étrangère à la manière habituelle de Lupasco et qu'Aristote a eue aussi en son temps sans lui prêter plus d'attention que ne le fait Lupasco : "de même en effet que les yeux des chauves-souris sont éblouis par la lumière du jour, ainsi l'intelligence de notre âme est éblouie par les choses les plus naturellement évidentes" (Métaphysique 953 6.9-12) ». « Par malheur, ajoute Fondane, vainement rechercherait-on dans tous les ouvrage de Lupasco le moindre rappel de cette saine et solide intuition. Il l'a dite une fois, mais il n'y pense déjà plus. » Fondane a soulevé des objections à Lupasco, des objections non pas à sa découverte (la logique du contradictoire) mais à la philosophie avec laquelle il rend compte de sa découverte, la précision est importante : « Nous allons examiner maintenant si Lupasco n'a pas altéré par sa philosophie ce qu'il avait apporté de vraiment nouveau, à savoir son intuition (du contradictoire), et si, voulant fonder sur son intuition une "connaissance" il ne l'a pas trahie et compromise ». Plus loin, Fondane pose autrement la question : « En un mot, pour se définir le logique a-t-il besoin d'avoir recours au seul type de science permis à l'intelligence ? Si oui nous nous trouvons devant une logique de la contradiction définie par une logique de la non-contradiction et non devant une réalité contradictoire qui transcende la non-contradiction ». A cette époque, il est vrai, Lupasco pense que le logique est constitué de deux dynamiques antagonistes qu'il appelle l'hétérogénéisation et l'homogénéisation unies donc par leur contradiction mais celle-ci est inhérente à la conjonction de ces deux dynamiques : elle signifie la nature de leur conjonction (la conjonction contradictionnelle de base). Elle n'a pas de développement propre et ne définit pas une troisième polarité du devenir. L' entre ces deux dynamiques n'a pratiquement pas de consistance : il n'existe que deux matières et toute situation existentielle résulte d'une tension plus ou moins stable en faveur de l'une ou de l'autre de ces deux dynamiques. Revenons à la question de Fondane. Sommes-nous « devant une logique de la contradiction définie par une logique de la non- contradiction et non devant une réalité contradictoire qui transcende la non-contradiction ? » Lupasco pense à cette époque que l'histoire de notre univers est dominée par l'entropie, dit autrement que la matière vivante est rare, que la vie est presque un miracle. Il estime que l'homme est la fine pointe de l'évolution de la matière vivante, qu'il est le plus vivant de tous les vivants et qu'il affronte l'entropie majoritaire du monde extérieur. Le principe d'antagonisme (note 1) s'applique donc sous la forme suivante : le vivant est connaissant le monde extérieur sous une forme identifiante et cette «connaissance» correspond à ce que le monde extérieur est majoritairement (en tant qu'actualisation de l'entropie). Il y a accord entre la «connaissance» et cette réalité du monde extérieur. Mais, en même temps, le vivant n'est pas seulement vivant, puisqu'il n'actualise le dynamisme hétérogénéisant que de façon dominante sur le dynamisme homogénéisant, il est aussi en partie ce dynamisme, ce qui lui permet de prendre conscience de sa conscience par une conscience inverse (intuitive) et dès lors de tirer parti de ses connaissances du monde c'est-à-dire de les instrumentaliser et de les utiliser vis-à-vis du monde avec succès. Dès lors l'action, pour Lupasco, n'est pas seulement l'actualisation de "l'homogénéisation qui participe de façon minoritaire de l'équilibre du système vivant et qui lui donne sa stabilité, sa permanence, parmi les autres vivants", l'action permet au système humain d'imprimer sur le monde des fins qui répondent à des normes objectives régies par la logique de l'identité - et ceci afin de libérer sa propre énergie vitale de l'emprise du monde. Le monde artificiel créé par l'action peut même servir de coupe-feu à l'homogénéisation dominante du monde ambiant, ou de bouclier, pour le vivant, et l'avenir humain est une dialectique de la vie, mais cette dialectique se poursuit silencieusement, à l'ombre de ce qui se perçoit comme connu c'est-à-dire à l'ombre de ce qui est la connaissance objective toujours régie par la logique d'identité. Fondane se rebelle contre cette fatalité. Il est même amer contre Lupasco ou déçu de ce que Lupasco ne fasse pas un meilleur usage d'une découverte aussi importante que celle des "deux matières", sans se rendre compte qu'il est alors porté par la découverte de Lupasco. Á entendre sa critique on a la surprise de le découvrir plus lupascien que Lupasco, comme Lupasco était plus kantien que Kant, notamment lorsqu'il se demande de quel droit Lupasco postule la suprématie de l'entropie ? A quoi bon découvrir les deux dynamiques qui constituent désormais le logique, et leur contradiction comme l'âme de ce logique, si c'est pour faire de l'identité la polarité qui régit l'action, et de l'identité la seule manière consciente et pratique par laquelle l'homme puisse s'intégrer au monde ou le dominer ou s'en échapper ? Á quoi bon avoir dépassé Kant si c'est pour rendre les armes à un principe d'identité dont on vient de montrer par la théorie qu'il ne s'imposait pas comme la référence ultime de la pensée humaine, et pourquoi capituler devant ce principe d'identité au nom d'une raison on ne peut plus contestable : que l'on juge, sans preuve à l'appui, que l'homme est le plus vivant des vivants ? Fondane avance un deuxième argument qui a trait à la contradiction elle-même. Si cette contradiction est bien réelle, si c'est elle qui interdit à l'homogénéisation (ou éventuellement l'hétérogénéisation) d'imposer sa loi au monde d'une façon absolue, n'est-ce pas elle qui détiendrait le secret de l'éthique et non pas la norme qui régit l'action, et n'est-ce pas elle qu'il faut maintenir envers et contre tout au dessus du principe d'identité, même dans l'action ? On a cependant l'impression que Fondane défend ses arguments sans conviction comme s'il prévoyait que Lupasco saurait y répondre. Fondane, nous dit Finkenthal dans son introduction, en citant la lettre testamentaire envoyée de Drancy à uploads/Philosophie/ benjamin-fondane-et-stephane-lupasco.pdf
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- Publié le Apv 01, 2021
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