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HAL Id: hal-01414506 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01414506 Submitted on 14 Dec 2016 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Bonheur terrestre ou bonheur céleste ? le point de vue des écrivains Jean-Louis Benoit To cite this version: Jean-Louis Benoit. Bonheur terrestre ou bonheur céleste ? le point de vue des écrivains. En quête du bonheur, Beata Kedzia-Kebleko; Nelli Przybylska; Anna Kricka;Michal Bajer; Pierre-Frédéric Weber, Jun 2014, Szczecin, Pologne. pp.77-91. hal-01414506 1 Jean-Louis Benoit, Université de Bretagne-Sud, laboratoire HCTI, EA 4249 Bonheur terrestre ou bonheur céleste ? Le point de vue des écrivains Le dictionnaire Robert nous donne comme définition du bonheur : « état de satisfaction de la conscience ». D’autres précisent : « état durable de satisfaction ». La précision est capitale. Dès l’Antiquité les philosophes ont fait du bonheur un objet principal de leur réflexion. Le christianisme semble marquer une rupture avec cette focalisation. Il est souvent accusé de proposer un idéal de vie axé sur la vie éternelle, en contradiction avec le bonheur terrestre. Nous examinerons cette accusation. Nous essaierons de comprendre l’articulation entre l’absolu divin et le relatif humain. En d’autres termes la transcendance est-elle l’horizon nécessaire ou la limite territoriale du bonheur humain ? Le survol de quelques philosophies nous amènera à insister sur la position des écrivains dans ce débat. En parcourant divers siècles nous courons le risque de la schématisation, voire de l’erreur, mais nous espérons offrir des éléments de synthèse, tout en dégageant la spécificité de l’écriture littéraire dans la réflexion sur le bonheur. Les philosophes grecs ont presque tout dit du bonheur. Il est tentant de se référer à eux pour établir des faits et préciser des concepts. Les grands philosophes ont toujours médité à partir de ce principe : « Nous désirons tous être heureux ». L’épicurisme a particulièrement été associé à la recherche du bonheur1. Il est identifié au plaisir, un plaisir « stable » et durable. L’idéal du sage est loin d’être une recherche effrénée du plaisir. Les épicuriens ne méritent pas la réputation de « pourceaux » qui leur est faite. Seul Calliclès, dans le Gorgias de Platon défend un hédonisme sans scrupule, fait de l’accumulation des plaisirs, la libération des passions, la célébration de la Nature, sans considération pour la morale au service des faibles. Nietzsche saura se souvenir de cette libération et de ce refus de la morale, annonçant de manière prophétique notre époque. Chez Epicure, la recherche de tous les plaisirs est stigmatisée. La première définition du bonheur est l’absence de souffrance : l’ataraxie (absence des troubles de l’âme) et l’aponie (absence des souffrances du corps). Le sage doit donc renoncer à certains plaisirs nuisibles et « rapporter tout choix et tout refus à la santé du corps et à l’ataraxie, puisque telle est la fin de la vie bienheureuse2. » La définition du bonheur est donc négative. Cependant, c’est le plaisir qui le constitue dans la mesure où cette suppression de la douleur est déjà un plaisir et la garantie d’autres plaisirs qui ne mettent pas 1 Epicure, Lettres, Maximes, Sentences, Paris, LGF (livre de poche, 1994, 1999), Lettre à Ménécée, p. 129. 2 Ibid., p. 128. 2 en danger cette félicité harmonieuse. En tout cas, le bonheur se définit en termes d’économie du plaisir, valeur suprême qui nécessite quelques sacrifices et qui est l’objectif de toute vie humaine, sans horizon transcendant. Le bonheur pour Aristote est le bien suprême3. Cela est vrai au niveau individuel et collectif (celui de la cité). Cependant, le contenu concret de ce bonheur est variable et incertain, « non seulement d’un individu à l’autre, mais même souvent entre les jugements successifs d’un même individu qui désirera la santé s’il est malade, la richesse s’il est pauvre4 ». Kant insistera beaucoup sur le caractère contradictoire et précaire des désirs et des plaisirs qui constituent l’illusion du bonheur. On ne sait même pas par quel moyen atteindre ces objectifs instables et subjectifs. Quand bien même on arriverait à être riche et puissant, tout le monde sait que l’argent ne fait pas le bonheur. Kant distingue nettement l’homme heureux et l’homme bon5. Il est impossible d’être véritablement heureux si l’on n’est pas vertueux. Les stoïciens notaient déjà que la paix de la conscience est irremplaçable : avoir conscience de sa vertu c’est là le bonheur6. Kant présente une vision très élevée de la vertu et du devoir. Il est impossible de les sacrifier à des intérêts personnels douteux. Le souverain bien est l’union du bonheur et de la vertu. Hélas, le monde nous fournit trop d’exemples de justes malheureux et de méchants comblés par la vie et, parfois même, en paix, avec une conscience limitée dans ses exigences. C’est pourquoi Kant en vient à retrouver les principes de la religion chrétienne. Sa morale rejoint la morale évangélique et surtout sa métaphysique postule la foi et l’espérance religieuses. L’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme sont posées dans un acte de foi : « Donc le souverain bien n’est pratiquement possible que dans la supposition de l’immortalité de l’âme7. » Revenons à Aristote pour y découvrir une pensée orientée dans le même sens. Même s’il ne place pas le Bien dans le monde des Idées comme Platon, Aristote croit en l’existence d’un Bien unique. C’est, pour l’homme, l’accomplissement de sa nature. Tous les biens matériels, qui sont utiles, ne peuvent être essentiels à la définition du bonheur. L’excellence de l’homme sera de mener une vie vertueuse et droite, marquée par la prudence dans les choix et les objectifs, une vie soucieuse de l’intérêt d’autrui puisque l’homme est un animal politique, c'est-à-dire fait pour vivre dans la cité. Cependant, le bonheur absolu n’est pas réductible à 3 Aristote, Ethique à Nicomaque, éd. R. Bodéüs, GF, 2004, I, 5, 1097 b, p. 67. 4 Ibid., p. 54. 5 Kant, Métaphysique des mœurs. Fondations, éd. Alain Renault, t. 2, GF, 1994, p. 228. 6 Cité par Kant, Critique de la Raison pratique, PUF, 1966, p. 200. 7 Kant, Critique de la raison pratique, PUF, 1966, p. 132. 3 cette perfection morale qui reste de l’ordre de l’action. Le vrai bonheur est une conquête, un accomplissement de la part divine qui est en l’homme. L’exercice de la pensée philosophique, privilège de l’humanité, lui permet d’accéder à cette contemplation de la vérité divine : « Ce n’est point en tant qu’homme qu’on vit ainsi, mais en tant qu’on dispose en soi de quelque chose de divin8. » L’ambition de la pensée est donc bien cette contemplation bienheureuse : « Autant qu’on le peut, il faut s’immortaliser et tout faire pour vivre ce qu’on a de plus fort en soi9. » On comprend que la théologie chrétienne trouve dans la pensée d’Aristote un fondement rationnel que la Révélation va confirmer. Saint Thomas d’Aquin fait constamment référence au « Philosophe », c'est-à-dire à Aristote, dans sa longue réflexion sur la béatitude (le bonheur) qu’il développe dans la Somme Théologique10. La béatitude est la fin de l’activité la plus élevée et la plus parfaite de l’homme. Le bien suprême que la raison lui permet de contempler est la vérité divine. Thomas s’emploie à démontrer que les autres satisfactions ne permettent pas à l’homme d’atteindre cette paix et cette permanence que seule procure la contemplation de l’absolu. Retenons de ces quelques exemples que les philosophes ont besoin de rattacher le bonheur à la dimension morale du bien. Il ne saurait être une satisfaction des désirs et l’accumulation des plaisirs dans la mesure où ceux-ci sont variables et limités, parfois même destructeurs. Le bonheur est lié à la recherche du bien, à l’accomplissement de la nature humaine qui aspire à l’éternité. Il n’est de bonheur qu’absolu. Il est la réalisation des facultés et des aspirations de l’homme. « Dieu seul peut combler le désir de l’homme », répète Thomas d’Aquin. La grandeur de l’homme est de vouloir connaître et rencontrer Dieu dont il porte en lui l’image véritable. On comprend dès lors qu’ « un humanisme intégral ne peut être que théocentrique11 ». A la différence d’Aristote, Thomas d’Aquin ne cesse d’affirmer l’immortalité de l’âme (ce n’est pas très clair chez Aristote). L’union de l’homme et de Dieu est complétée à la lumière de la Révélation. Dieu s’est fait connaître à l’homme par son Alliance, le don de sa loi et son Incarnation. La Raison est couronnée par la Foi. Le christianisme va beaucoup développer une conception métaphysique du bonheur. Il est communément admis que la doctrine chrétienne, influencée par le rigorisme de saint Augustin a encouragé le mépris du monde, le contemptus mundi, pour fixer son regard sur la fin uploads/Philosophie/ bonheur-3.pdf
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- Publié le Mai 14, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
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