La philosophie des math´ ematiques Denis Bonnay, Jacques Dubucs To cite this ve
La philosophie des math´ ematiques Denis Bonnay, Jacques Dubucs To cite this version: Denis Bonnay, Jacques Dubucs. La philosophie des math´ ematiques. 2011. <hal-00617305> HAL Id: hal-00617305 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00617305 Submitted on 26 Aug 2011 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸ cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es. La philosophie des mathématiques Denis Bonnay (U. Paris Ouest, Ireph et IHPST) et Jacques Dubucs (IHPST, CNRS/Paris I/ENS) La philosophie des mathématiques occupe une position originale au sein de la philosophie des sciences. D’un côté, l’importance des mathématiques dans la science contemporaine est telle que, en principe, nulle enquête philosophique sur la science ne peut faire l’économie d’une réflexion sur la nature des mathématiques et de la connaissance mathématique. À l’horizon de la philosophie des mathématiques se jouent ainsi des questions fondamentales de philosophie des sciences, comme la possibilité de mener à son terme le programme de naturalisation de l’épistémologie ou encore le problème de l’applicabilité des mathématiques1. D’un autre côté, la méthodologie des mathématiques semble éloignée de la méthodologie générale des sciences. Pour dire les choses de manière un peu caricaturale, le mathématicien ne travaille pas au laboratoire, les problématiques classiques de philosophie générale des sciences, qui valent pour les disciplines empiriques, concernant par exemple la question de la confirmation, de la causalité ou du changement théorique, ne sont pas immédiatement transposables. Au moment d’aborder l’épistémologie des mathématiques, il faut, en un sens, tout expliquer. Expliquer ce en quoi consiste l’activité des mathématiciens, en quel sens il s’agit d’une activité théorique, quels sont ses objets, quelles sont ses méthodes, et comment tout ceci s’intègre à une vision globale de la science incluant les sciences de la nature. Comme il se doit, les philosophes des mathématiques ne sont d’accord sur à peu près rien. Certains considèrent que les mathématiques étudient bien un domaine d’objets existant indépendamment de nous, et qu’il y a des objets mathématiques comme il y a des objets physiques, même s’il ne s’agit pas du même genre d’objets. D’autres considèrent qu’il n’est en rien, que les objets mathématiques ne sont que des fictions commodes, ou alors que les objets mathématiques 1 Doit-on considérer qu’il y a quelque chose à expliquer, à savoir le « merveilleux » succès de la science mathématisée, ou bien faut-il dire que le mystère n’en est pas un, les mathématiques n’étant qu’une simple boîte à outils ? 1/68 sont construits par nous, ou encore que les mathématiques ne font que décrire des propriétés très abstraites de l’expérience. Certains considèrent quela connaissance mathématique est une connaissance sui generis, de nature purement intellectuelle. D’autres qu’il s’agit bien d’une connaissance sui generis mais qu’elle repose sur une forme d’intuition, d’autres encore refusent de lui accorder une place à part et ne veulent parler de connaissance mathématique qu’intégrée à la totalité de l’édifice de la science. L’articulation de la réponse au problème ontologique (de quoi les mathématiques sont-elle l’étude ?) et de la réponse au problème épistémologique (comment les connaissances mathématiques sont-elles possibles ?) sera le fil rouge de notre présentation2. Dans la première section, la question du rapport à l’expérience ainsi que celle des rôles respectifs de l’intuition et des principes logiques dans la connaissance mathématique sont posées à travers les oppositions classiques entre approches empiriste, rationaliste et critique. La seconde section présente de façon relativement détaillée deux programmes antiréalistes, qui gagent le succès de formes d’intuition mathématique particulière sur le désaveu de l’indépendance ontologique d’au moins certaines parties des mathématiques. À l’opposé, la troisième section expose les arguments en faveur du réalisme. Différentes formes de réalisme sont discutées dans la quatrième section, en particulier à l’aune de la manière dont elles envisagent le statut de la théorie des ensembles. Faisant suite à une confrontation avec les difficultés épistémologiques des différentes versions du réalisme mathématique (cinquième section), la sixième section est consacrée aux perspectives naturalistes et au structuralisme mathématique. 1. Les mathématiques entre logique et intuition 1.1 Vérités de raison ou généralisations empiriques Lorsque son valet lui demande ce qu’il croit, Dom Juan répond « Je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre sont huit ». Sganarelle peut bien ensuite ironiser sur la valeur de cette belle croyance ; elle n’en possède pas moins, de l’avis de chacun, le caractère de croyance cardinale que Dom Juan lui attribue. Rien de plus élémentaire que la proposition que deux et deux font quatre, rien de plus certain que la vérité de cette proposition. Il est remarquable que la 2 Les débats classiques en philosophie des mathématiques portent également sur un ensemble de questions spécifiques, concernant par exemple la nature de l’infini, la nature du continu, la notion de calcul, la notion de processus aléatoire ou encore la question de savoir quelle théorie fournit le meilleur cadre unifié pour les mathématiques contemporaines. Certaines de ces questions seront abordées à la faveur du questionnement ontologique et épistémologique plus général que nous avons adopté, d’autres, malgré leur intérêt intrinsèque, n’ont pas trouvé leur place dans le présent exposé. 2/68 difficulté de la philosophie des mathématiques commence avec les vérités les plus simples des mathématiques. Deux et deux font quatre, mais comment le savons-nous ? Voyons la réponse classique donnée par un philosophe rationaliste comme Leibniz. Aussi élémentaire cette proposition soit elle, il ne s’agit pas d’une vérité tout-à-fait immédiate, il faut donc la démontrer. Pour cela, Leibniz va utiliser les définitions des nombres (2 est 1 et 1, 3 est 2 et 1, 4 est 3 et 1) et un axiome à la validité générale, le principe de substituabilité des identiques. La démonstration suit : « 2 et 2 est 2 et 1 et 1 (par la déf. 1) 2 et 1 et 1 est 3 et 1 (par la déf. 2) 3 et 1 est 4 (par la déf. 3) Donc (par l’axiome) 2 et 2 est 4. Ce qu’il fallait démontrer. » Nouveaux essais sur l’entendement humain, IV, VII, 10 La démonstration ne repose que sur des définitions et un axiome3, qui doit, pour Leibniz, pouvoir se réduire à un principe d’identité. Les vérités mathématiques, à l’instar de 2+2=4 sont des vérités de raison : elles ne reposent en aucune façon sur l’expérience et sont connues a priori. Tout le problème de la position de Leibniz est de réussir à montrer qu’effectivement rien de plus n’est nécessaire pour rendre compte des démonstrations des mathématiciens. Ce que Leibniz pense réussir dans le cas de 2+2=4, il doit pouvoir le réussir pour toute vérité mathématique. Mais les problèmes surgissent avant même l’extension de la stratégie leibnizienne. Comme le remarquera Frege (1884, §6), la démonstration de Leibniz est lacunaire : elle utilise implicitement l’associativité de l’addition, qui permet de passer de 2+(1+1) à (2+1)+1. Il suffit pour rendre la démonstration correcte d’expliciter l’usage fait de l’associativité. Mais il faudrait alors justifier le principe d’associativité lui-même ; il n’y a là rien d’évident dans le cadre leibnizien, qui demanderait une réduction à une forme de principe d’identité qui paraît loin d'aller de soi.. Puisque la lacune ne semble pas facile à combler, éloignons-nous de l’approche rationaliste et voyons la réponse d’un empirisme radical comme Mill. Dans le Système de logique, Mill conteste le statut de « simple définition » des affirmations comme « 3 est 2 et 1 ». La définition contient l’affirmation d’un fait, à savoir que toute totalité composée de trois éléments peut être divisée en une totalité de deux éléments et un autre élément : « le fait affirmé dans la définition d’un nombre est un fait physique. Chacun des nombres, deux, trois, quatre, etc. dénote un phénomène physique » 3 En l’occurrence, il s’agit de l’axiome de substituabilité des identiques. 3/68 (III, XXIV, 5). Les notions mathématiques sont des notions empiriques, (« deux dénote toutes les paires de choses ») et les propositions mathématiques sont des propositions empiriques, même si elles sont très générales et très abstraites. À partir de là, on pourrait donner une réponse millienne au problème rencontré par Leibniz, en disant que le principe d’associativité est un principe empirique, très général certes, mais empirique tout de même. Le contenu du principe d’associativité consisterait en ce que, lorsqu’on peut diviser un agrégat en deux agrégats – appelons le premier a – et que le second de ces agrégats peut à nouveau être divisé en deux agrégats b et c, on peut toujours aussi diviser l’agrégat initial en deux agrégats, dont le premier se divise en deux agrégats a et b, et dont le second est l’agrégat c. L’empirisme radical, qui est prêt à fonder les vérités mathématiques sur uploads/Philosophie/ bonnay-dubucs-philosophie-des-mathematiques.pdf
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- Publié le Jul 24, 2021
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