172 JACQUES ROUVERESSE W V QUINE Word ond Object, Cambridge, Mass., 1960, trad.

172 JACQUES ROUVERESSE W V QUINE Word ond Object, Cambridge, Mass., 1960, trad.fr . . J:Dopp ~t P.Gochet, Le mot et fa chose, «Champs», Pans, Flammarion,1977-2000. . . L WITIGENSTEIN Philosophische Untersuchungen I Phllosophlcal . Investigations', texte allemand et trad. angl. G. E. M. Ans.combe, Oxford, Blackwell, 1953, 1998. ESSENTIALISME, REDUCTION ET EXPLICATION ULTIME' I Un des traits les plus caracteristiques de la philosophie et de l' epistemologie de Popper est certainement sa convic- tion de la relative futilite des questions de signification, de definition et d' analyse conceptuelle. On la trouve exprimee it maintes reprises dans la plupart de ses ouvrages, et specialement dans La Connaissance objective: Je crois [ ... J que 1a c1arte est une valeur intellectuelle, puisque, sans eIle, 1a discussion critique est impossible. Mais je De crois pas que l' exactitude ou la precision soient des valeurs inteIlectueIles en elIes-memes; au contraire, nous fie devrions jamais essayer d' etre plus exacts au plus precis que Ie probleme en presence duquel nous nous trouvons (qui est toujours un probU:me ayant trait a Ia discrimination entre des theories en competition) ne l' exige. Pour cette raison, j' ai insiste sur Ie fait que les definitions ne m'interessaient pas; puisque toutes les *Ce texte a ete publi6 dans Revue lnternationale de Philosophie, n° 117- 118,1976, p.411-434. nest repris dans Ie present volume avec l'aimable autorisation de l' auteur. Texte de Jacques Bouveresse extrait de : Philosophie des sciences - Tome 2 : Naturalismes et réalismes Dirigé par Sandra Laugier , Pierre Wagner Ed. Vrin, Paris 174 JACQUES BQUVERESSE definitions doivent utiliser des termes non definis, il est de pen d'importance, en regIe generale, d'utiliser un tenne comme tenne primitif au comme terme dMini I, On ne devrait jamais se laisser entrainer dans des questions verbales au des questions de signification, et jamais g'inte- lesser a des mots. Confronte a la question de savoll si un mot que l'on utilise signifie reellement ceci au peut-etre cela, on devrait dire: (de ne sais pas, et je ne m'interesse pas aUx significations; et, si vans Ie desirez, j'accepterai avec plaisir volre terminologie.» Cela n'entraine jamais den de facheux. On ne devrait jamais se quereller sur des mots, et jamais se laisserentrainer dans des questions de terminologie. On devrait toujours s' abstenir de discuter des concepts. Ce qui nous inte w resse reellement, nos problemes reels, sont des problemes factuels ou, pour dire les choses autrement, des problemes concernant des theories et leur verite. Nous nous interessons it des theories et a la maniere dont elles resistent a la discussion critique; et notre discussion critique est controIee par notre interet pour la verite2• Je considere les definitions, et les questions de reductibilite, comrne n'etant pas particulierement importantes du point de vue philosophique. Si nous ne pouvons pas definir un tenne, rien ne nous empeche de l'utiliser comrne tenne non defini: l'utilisation d'un certain nombre de tennes non definis n'est pas seulement legitime, mais inevitable, car tout tenne defini doit, en derniere analyse, etre defini it l' aide de certains tennes nondefinis 3• L' opinion de Popper est que, meme dans les cas apparemment les plus favorables a laconception qu'il combat, comme par exemple la <<redefinition» relativiste du concept de simuitaneite, ce qui est en cause n'est pas reellement une question conceptuelle : l.K.Popper, La connaissance objective [1972], «Champs», trad.fr. J.wJ.Rosat, Paris, Flammarion, 1991-2000,p.1l7. 2.lbid.,p456. 3. Ibid., p. 482. ESSENTIALISME, REDUCTION ET EXPLICATION UL TIME 175 Meme Ia au un tenne a cause de l' embarras, comme par exemple Ie terI?e .« simultaneite» en physique, ce n' etait pas parce que sa sigrufication etait imprecise au ambigue, mais plutOt a cause d'une theorie intuitive qui nous poussait a greyer Ie terme d'un exces de signification, ou d'une signification trap «precise», plutot que d'un detaut de signification. Ce qu 'Einstein a decOUVel1 dans son analyse de la simultaneite e~a~t que, lorsqu'ils parlent d'evenements simultanes, les phy- SICIens assument nne chose qui est fausse et qui aurait ete in- attaquable s'il y avait des signaux de vitesse infinie. La faute co~mise n'~tait ~as qu:ils ne. voulaient rien dire, ou que ce qu lIs voulment dire etmt amblgu, ou que Ie tenne n' etait pas a,ss~z ~re~is; ce qu'Einstein a decouvert etait bien plutot que 1 elnnmatIon d'une presupposition tbeorique que l'on n'avait pas remarquee jusque Ia a cause de son evidence intuitive etait a meme d: eliminer une difficulte que I' on avait vue appa~aitre d~s la SCIence, Par ~onsequent, ce qui I'interessait n' etait pas reellement une question portant sur la signification d'un tenne mais. plutot ~a verite d'une tbeorie. 11 est peu probable que l'o~ aurmt abouti a grand-chose si l' on s' etaitmis, independamment de t~ut probl~~e physique detennine, a perfectionner Ie concept de slmultanelte en analysant sa« signification essentielle)} au meme en analysant ce que les physiciens «veulent dire reellement)} quand Us parlent de simultaneite I, Ces affirmations deliberement provocantes et excessives (qui s~nt d'un type assez courant chez Popper) appellent Immediatement u~ certain nombre de remarques prelimi- nalres, qrn seront developpees plus au mains par la suite. 1. Popper s'exprime par moments comme si les questions tenmnologlques et les questions conceptuelles etaient une seule et meme chose. Mais cette identification est certai- nement inadmissible, au en tout cas ne va pas de soi. Tout Ie l.K.Popper, The Open Society and Its Enemies, seed, 1966 [1945], Londre.s, Rout1~ge & Keg~~ Paul, vol. II, p.20. [N.d.T. La tres partielle tr,aducttOn franl(atse (La societe ouverte et ses ennemis, Paris, Seuil, 1979) n a pas retenu ces pages sur l'essentialisme]. 176 JACQUES B0t:VERESSE probleme est justement de distinguer e~tre ks ques~ons terminologiques qui sont purement ternunologlques (c est- a-dire, effectivement, de pure convention ou commod!l6) et les questions terminologiques qui sont en meme temrs des questions conceptuelles ou theo;,ques. Nul, sm?n pe~t-~tre un conventionnaliste extreme, ne dlra que Ie probleme d Emstem etait un probleme terminologique. Mais c'etait bel et bien un probleme conceptuel, meme (et surtout) si I'on ad, met ce que suggere Popper, a savoir qu'Einstein I' arencontre a travers un probleme de verite d'one tMorie. La maxime poppenenne «Ne valiS laissez jamais entrainer dans des questions ver- bales» devrait en realit6 etre reformulee ainsi: « Ne valiS 'laissez jamais entrainer dans des questions verbales, lor.que vous etes certain que ce sont des· questions pureme~t verbales». Mais c' est malheureusement une chose dont !I n' est pas si facile d' etre certain dans one situation donnee. 2. II n' est certainement pas possible de s' exprimer sur I'interet des questions de precision et d'exactitude, de defi- nition et de reductibilite, ou des questions conceptuelles en general, dans des tennes aussi generaux et definitifs que ceux de Popper. Car Ie role et !'importauce de ce genre de questIOns varient enorrnement d'une science. a l'autre (ils ne sont eVl- demment pas les memes - pour prendre deux exe,mples extremes - dans les mathematiques pures et dans les sCiences humaines). D'autre part, il faudrait distinguer beaucoup plus soigneusement que ne Ie fait en general Popper la situation du scientifique proprement dit, celie du phllosophe des sClen~es et celie du philosophe tout court. C' est seuleme~t du p~e~er que I' on peut dire en toute rigueur que S?~ proble.m~ p~m~lpal est de departager des theones en competitIOn. Nil eplstemo- logue ni surtout Ie philosophe ne se proposent reellement de contribuer, en tant que teIs, a l'avancement des sc~enc;e~; et, correlativement, les questions «improductives» discredltees par Popper occupent une place importaute daus l~urs preoc- cupations. II serait vraiment etrange de suggerer qu une exph, ESSENTIALISME, REDUCTION ET EXPLICATION ULTlME 177 cation de concept ne peut mener a rien si elle est entreprise independamment de toute question determinee daus la science consideree. Apres tout, il est bien difficile de dire it quel probleme ou complexe de problemes precis dans les mathe- matiques se rattachait la question des logicistes «Qu' est-ce qu 'un nombre naturel?». Cette question est, de par sa fonne, Ie prototype de la question essentialiste, scolastique, verbale, etc., selonPopper. 3. Le fait (philosophiquement trivial) que toute chaine de definitions aboutisse necessairement en fin de compte it des termes non definis et que ceux -ci puissent etre choisis de differentes manieres ne prouve rien en lui-meme contre I'importauce des questions de definition. Personne ne dirait que les questions de demonstration ne sont pas particulie- rement interessautes, parce que toute demonstration doit partir de propositions non demontrees choisies de fal'on (plu& ou moins) arbitraire. En tout cas, ce genre de considerations ne peut suffire a discrediter les explications de mots en general. Meme les termes priruitifs peuvent faire etfont Ie plus souvent I'objet d'une explication de sens: ce qui est vrai, c'est que celle-ci n' est pas une definition et que toute explication de sens ne peut pas etre une definition. A I' argument sceptique para- Iysaut qui s' appuie sur Ie risque de regression a l'infini, on peut opposer la remarque de Wittgenstein : NOllS devons donc expliquer les mots a I' aide d' autres mots! Et uploads/Philosophie/ bouveresse-popere-quine-essentialisme-reduction-et-explication-ultime 1 .pdf

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