Les obstacles épistémologiques et la didactique des mathématiques Guy Brousseau

Les obstacles épistémologiques et la didactique des mathématiques Guy Brousseau 1989 Référence bibliographique de ce texte Brousseau, G. (1989). Les obstacles épistémologiques et la didactique des mathématiques. In N. Bednarz & C. Garnier (Eds.), Construction des savoirs , Obstacles et Conflits (pp. 41-63). Montréal: CIRADE Les éditions Agence d’Arc inc. Pour en savoir plus sur les obstacles épistémologiques Le sujet de cet article a été traité à plusieurs reprises au cours des recherches de l'auteur. Ces différents textes, publiés ou non, ont été réunis en un dossier les rassemblant autour d'une présentation et de commentaires récents de l'auteur. Le lecteur trouvera des liens vers les éléments de ce dossier : sur http://www.guy-brousseau.com Le dossier « les obstacles épistémologiques » se trouve actuellement (décembre 2010) dans le « journal n°2 » sur ce site internet. hal-00516581, version 2 - 24 Dec 2010 Manuscrit auteur, publié dans "Construction des savoirs , Obstacles et Conflits, Nadine Bednarz, Catherine Garnier (Ed.) (1989) 41-63" FICHE SIGNALÉTIQUE DE LA PREMIÈRE PUBLICATION Origine Contribution au Colloque « Construction des Savoirs » Montréal 1989, et à un ouvrage collectif Catégorie Texte publié, Etat Conditionné par l’éditeur Titre du texte Les obstacles épistémologiques et la didactique des mathématiques Langue Français Date de production, écriture 1989 Résumé L’auteur s’est intéressé à la notion d’obstacle épistémologique après avoir observé les avantages du saut de complexité. L’introduction d’un aspect nouveau de certaines notions déjà apprises (par exemple l’enseignement de divisions dans les décimaux après celle des divisions euclidiennes) est plus facile si les situations nouvelles sont très différentes - plus complexes - que si elles le sont peu. L’ancienne conception persiste et provoque des erreurs dans l’usage de la nouvelle. L’évolution ordinaire, par hérédité directe et petites modifications, créée des difficultés d’apprentissage spécifiques. Ce fait fut rapproché de la notion d’obstacle épistémologique dans l’histoire des Sciences expérimentales. L’article résume les résultat de quelques unes des recherches effectuées entre 1975 et 1988 qui ont montré l’existence d’obstacles épistémologiques en mathématiques, soit par des expériences d’enseignement qui étaient en fait des expériences d’épistémologie expérimentale, soit par des études historiques. Equipe de recherche IREM de Bordeaux Nom de la revue ou de l’ouvrage Construction des savoirs , Obstacles et Conflits Sous la direction de Nadine Bednarz, Catherine Garnier Editeurs CIRADE Les éditions Agence d’Arc inc. Date de publication 1989 Page 41-63 Mots-Clés Obstacles épistémologiques, mathématiques, didactique, conflits socio-cognitifs, Commentaire Ce texte est accompagné dans le même volume d’une bibliographie substantielle sur ces recherches, qui est reproduite ici et d’un petit texte « Obstacles épistémologiques, conflits socio-cognitifs et ingénierie didactique » (également disponible sur les archives ouvertes). hal-00516581, version 2 - 24 Dec 2010 1 LES OBSTACLES EPISTEMOLOGIQUES ET LA DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES par G.BROUSSEAU ( UNIVERSITE BORDEAUX I) 1. POURQUOI LA DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES S'EST ELLE INTÉRESSÉE AUX OBSTACLES ÉPISTÉMOLOGIQUES ? 1.1. La transposition en mathématiques de la notion d'obstacle épistémologique, que BACHELARD [1938] pensait réservée aux sciences expérimentales, a été rendue possible et même nécessaire par le développement de la théorie des situations didactiques dans les années 70. Elle est directement issue des concepts de "saut informationnel"( BROUSSEAU 1974) et des "théorèmes" de didactique qui en découlent: 1.2. Une connaissance est le résultat d'une adaptation de l'élève à une situation S qui 'justifie" cette connaissance en la rendant plus ou moins efficace, des connaissances différentes conduisant à des apprentissages et à des exécutions de taches ayant des complexités différentes. Suivant les valeurs des variables pertinentes de S, on peut imaginer que l'on associe à chaque connaissance utile dans S, une surface d'efficacité (ou de coût). L'enveloppe supérieure de ces surfaces peut ménager des maximums, séparés par des cols (ou toute autre singularité). Donc pour faire créer par l'élève une certaine connaissance, l'enseignant "doit" choisir les valeurs qui rendent cette connaissance optimale par rapport aux connaissances concurrentes; il faut alors progresser par sauts et non de façon régulière: Par exemple, si l'on veut favoriser la solution d'un système linéaire par combinaisons linéaires, pour des élèves qui connaissent la méthode de substitution, il vaut mieux choisir des systèmes de rang 4 que 2 ou même que 3. 1.3. i) Ce raisonnement peut s'appliquer pour analyser aussi bien la genèse historique d'une connaissance que son enseignement ou que l'évolution spontanée d'un élève. L'apprentissage par adaptation au milieu entraîne donc nécessairement des ruptures cognitives: accommodations, changements de modèles implicites, de langages, de systèmes cognitifs. Si son histoire oblige un élève - ou un groupe culturel - à une progression pas à pas vers un col, le principe d'adaptation lui même, peut contrarier le rejet pourtant nécessaire d'une connaissance inadéquate. Ce fait suggère l'idée que les conceptions "transitoires" résistent et persistent . Dans une voie ouverte par GONSETH [1936] ces ruptures peuvent être prévues par des études directes des situations (effet des variables didactiques) et des connaissances, et non seulement par des études (indirectes) des comportements des élèves (BROUSSEAU G. 1974,1976). 1.4. Poursuivre dans cette voie exige pourtant le réexamen de l'interprétation des erreurs des élèves et des modalités de leur production (SALIN, 1976). Jusque là, elles étaient attribuées toutes, soit à des dysfonctionnements erratiques, soit à des absences de connaissances et donc connotées très négativement; il faut maintenant envisager les erreurs récurrentes comme le résultat (produit par et construit autour) de conceptions, qui, mêmes lorsqu'elles sont fausses, ne sont pas des accidents, mais des acquisitions souvent positives. Il s'agit donc d'abord pour les chercheurs de: hal-00516581, version 2 - 24 Dec 2010 2 - Trouver ces erreurs récurrentes, montrer qu'elles se regroupent autour de conceptions, - Trouver des obstacles dans l'histoire des mathématiques, - Confronter les obstacles historiques aux obstacles d'apprentissage et établir leur caractère épistémologique. 2. LES OBSTACLES ÉPISTÉMOLOGIQUES EN MATHÉMATIQUES EXISTENT-ILS? 2.1. Sur le premier point les observations d'erreurs marquantes se sont développées ( (a+b)2 = a2 + b2 ; 0.a=a ; a2 = a ; (0,2)2 = 0,4 ...) mais leur rattachement à des conceptions fait appel à des méthodes statistiques qui nécessitent des aménagements aux méthodes standards. ( CRONBACH [1967], PLUVINAGE [1977], puis par LERMANN et R.GRAS [1979]). Les progrès ont été rendus possibles par une meilleure définition de la notion de conception appuyée sur la théorie des situations didactiques. La possibilité de provoquer l'acquisition de conceptions différentes est démontrée pour les rationnels (G.BROUSSEAU, 1980; 1982, N. et G.BROUSSEAU 1986): Soit la COMMENSURATION soit le FRACTIONNEMENT sont obtenus par la simple manipulation des variables didactiques. H. RATSIMBA-RAJHON [1982] observe comment ces deux conceptions peuvent se faire obstacle mutuellement et cependant coexister chez un même élève, et comment une conception initiale peut être, non pas rejetée, mais renforcée malgré un saut informationnel à priori suffisant. 2.2 Sur le deuxième point, l'étude de G. GLAESER [1981] sur l'histoire des nombres relatifs montre de façon décisive l'intérêt et l'importance de ces phénomènes de ruptures - observables dans l'histoire des mathématiques - pour la compréhension des difficultés des élèves. Mais il apparaît alors qu'il faut interpréter le modèle de BACHELARD [1938] pour l'étendre aux mathématiques. A.DUROUX [1982], propose, non pas une définition, mais une liste de conditions nécessaires: Un obstacle sera une connaissance, une conception, pas une difficulté ou un manque de connaissance. Cette connaissance produit des réponses adaptées dans un certain contexte, fréquemment rencontré Mais elle engendre des réponses fausses hors de ce contexte. Une réponse correcte et universelle exige un point de vue notablement différent. De plus cette connaissance résiste aux contradictions auxquelles elle est confrontée et à l'établissement d'une connaissance meilleure. Il ne suffit pas de posséder une meilleure connaissance pour que la précédente disparaisse ( ce qui distingue le franchissement d'obstacles de l'accommodation de PIAGET). Il est donc indispensable de l'identifier et d'incorporer son rejet dans le nouveau savoir Après la prise de conscience de son inexactitude, elle continue à se manifester de façon intempestive et opiniâtre. 2.3. Sur le troisième point les résultats commencent à paraître substantiels. Citons, sur la notion de limite, les remarques très fines de C. et R. BERTHELOT [1983] et les importantes observations d' A.SIERPINSKA [1985, 1987] et sur la continuité simple des fonctions, la deuxième et récente thèse de HABIBA EL BOUAZZAOUI [1988] relative aux conceptions des professeurs, des élèves, des manuels et à celles qui apparaissent dans l'histoire des mathématiques. Ces travaux laissent peu de doutes: des obstacles existent bien, même si les distinguer, les reconnaître, les répertorier et examiner leur rapports et leurs causes demande encore beaucoup de discussions et des recherches. Fondamentalement cognitifs, les obstacles semblent pouvoir être ONTOGENIQUES, ÉPISTÉMOLOGIQUES, DIDACTIQUES et même CULTURELS selon leur origine et la façon dont hal-00516581, version 2 - 24 Dec 2010 3 ils évoluent. Peut être serait il intéressant aussi de les différencier selon la forme de contrôle de la connaissance (proto-mathématique, para-mathématique ou mathématique ?) où se produit la rupture. 3. RECHERCHE D'UN OBSTACLE ÉPISTÉMOLOGIQUES: APPROCHE HISTORIQUE 3.1. L'histoire des nombres est riche en exemples d'obstacles épistémologiques: Par exemple le mesurage hétérogène, plus adaptable aux conditions sociales et matérielles particulières a fait longtemps obstacle à l'installation d'un système décimal généralisé, et empêché jusqu'à nos jours celle d'un uploads/Philosophie/ brousseau-1989-obstacles-et-didactique 1 .pdf

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