Remerciez-le!

Remerciez @Admin pour avoir partagé cet document gratuitement, de la manière la plus simple, en partageant sur les réseaux sociaux.

L’INDIVIDU ET L’ORDRE MAÇONNIQUE Georges Lerbet Grand Orient de France | « La c

L’INDIVIDU ET L’ORDRE MAÇONNIQUE Georges Lerbet Grand Orient de France | « La chaîne d'union » 2006/1 N° 38 | pages 60 à 67 ISSN 0292-8000 DOI 10.3917/cdu.038.0060 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-la-chaine-d-union-2006-1-page-60.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Grand Orient de France. © Grand Orient de France. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © Grand Orient de France | Téléchargé le 02/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 169.255.121.226) © Grand Orient de France | Téléchargé le 02/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 169.255.121.226) 60 LA CHAÎNE D’UNION n°25 & Etudes recherches Illustration Jean-Pie Robillot © Grand Orient de France | Téléchargé le 02/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 169.255.121.226) © Grand Orient de France | Téléchargé le 02/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 169.255.121.226) ● 61 Etudes & recherches LA CHAÎNE D’UNION n°38 ● Octobre 2006 L'individu et l'ordre maçonnique par Georges Lerbet L Les démarches anthropologiques et l’expérience quotidienne laissent penser que plusieurs façons de considérer l’individu se rencontrent dans la franc-maçonnerie. Si l’initiation prévaut, la médiation d’un processus rituel lui permet de s’engager dans la voie de la connaissance de sa propre intimité et dans la reconnaissance des autres, ses pairs en humanité. Dans une telle entreprise, il est amené à se considérer pour ce qu’il est intrinsèquement. Il se perçoit en tant que sujet, puisque sa plénitude reste « jetée au-dessous » de ce qu’il manifeste. Elle implique la profondeur autonome de tout son être dans la conduite d’un art de vivre l’existence selon une sagesse assumée. Une autre voie, tout aussi marquée, développe un pôle quasiment opposé dans la vie humaine. Cette voie émerge quand l’aspect maçonnique est rabattu sur une des multiples formes de ses institutions. Associatives, ces institutions mettent en avant ce qui se voit L’initiation subie dans une loge ou une obédience est considérée comme valable dans les autres, de même que les grades obtenus. C’est sans doute qu’il y a quelque chose de plus que la loge et l’obédience. Ce quelque chose se nomme l’Ordre maçonnique. Peut-il se définir ? Comment peut-on s’y sentir ? Y a-t-il une échelle hiérarchique entre ces trois paliers ? dans les comportements des adhérents. Ainsi conviennent-elles que les façons de se conduire seront conformes aux règlements qui les supportent et visent-elles à ce que le maçon devienne surtout un membre de l’obédience dans laquelle est inscrite sa loge. Acteur « jeté au travers » de pratiques convenues, il risque fort de n’être considéré, de ce point de vue, que comme individu-objet assujetti à ce qu’il ne doit pas transgresser. Dès lors, il peut n’avoir de valeur qu’en fonction de caractéristiques maçonniques tournées vers la satisfaction d’exigences profa- nes (idéologiques, politiciennes ou religieuses) : celles qui sont marquées par des voies exté- rieures à l’Ordre et où l’on impose des balises et des bornes qui font perdre les ouvertures indispensables au cheminement maçonnique. Outre-Manche, on appelle souvent cela le respect de landmarks. Dans notre pays, cela revient à privilégier l’adhésion formelle aux discours «officiels» et l’apparente obéissance à des points de doctrines conformisantes, © Grand Orient de France | Téléchargé le 02/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 169.255.121.226) © Grand Orient de France | Téléchargé le 02/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 169.255.121.226) 62 ● LA CHAÎNE D’UNION n°38 ● Octobre 2006 Etudes & recherches L'individu et l'ordre maçonnique cet «entre-deux» au point d’exclure ce qui est ailleurs, hors du canal, hors de la seule voie sémantique privilégiée. Passage obligé dans la communication, il devient même obligeant quand il focalise l’échange sur la seule signification choisie et quand, par extension, il évite ou exclut les autres liaisons. Dans le domaine maçonnique, on comprend que l’interdit, posé comme étant l’indicateur du canal des échanges à retenir, intéresse la vie en loge, puisqu’il contribue à évoquer la production du sacré, ce sélectionneur de ce qui se passe quand seul l’«autorisé» est admis dans le temple. Voie sélectionnée et autorisée ? La situation se complexifie jusqu’à devenir paradoxale quand elle rencontre «l’interdit d’interdire» et la liberté absolue de conscience. réglementaires et réglementées, plutôt qu’à s’assurer de l’épanouissement authentique de chaque maçon dans sa loge. L’interdit intéresse la vie en loge puisqu’il contribue à évoquer la production du sacré, ce sélectionneur de ce qui se passe quand seul l’« autorisé » est admis dans le temple Malgré cette ferme distinction entre les façons de considérer l’individu-maçon, il serait peu pertinent de ne pas leur assurer des «ponts». Et si l’on doit admettre, néanmoins, que ces voies ne sont pas parallèles mais imbriquées quant à leurs procédures respectives mais non confondues dans une vie maçonnique complexe, il importe que l’on recherche des critères propices à l’opération d’un tri judicieux. Celui-ci visera à placer d’un côté ce qui met en jeu la vie intérieure propre à chacun et, de l’autre, ce qui demeure surtout lié aux pratiques associatives. On peut penser qu’alors des lignes de forces ont des chances de ressortir si des matériaux propres à chaque voie sont dégagés. Dans un premier temps, comme ici, c’est dans la spécificité des terminologies d’usage que la recherche est susceptible de porter ses fruits. Elle concerne le triptyque linguistique « Interdit, Sacré, Ordre », dont les connotations possèdent apparemment une réelle valeur d’éveil. Quand l’institution exige de ses membres qu’ils lui obéissent, il se développe facilement des abus de langage que le concept d’interdit aide à élucider. Cela commence quand ce concept échappe à son usage réducteur propre à l’acception commune et qu’il repose sur son étymologie. Interdit signifie alors ce qui est entre deux paroles et donc ce qui les relie. Ainsi, «interdit» ne vaut-il injonction que s’il resserre Masque de la Danse Sacrée, Victor Segoffin, 1905, Musée d'Orsay © Grand Orient de France | Téléchargé le 02/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 169.255.121.226) © Grand Orient de France | Téléchargé le 02/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 169.255.121.226) ● 63 Etudes & recherches LA CHAÎNE D’UNION n°38 ● Octobre 2006 Voie du secret par évitement de ce qui ne convient pas ? Voie ouverte aussi: sur l’absence de censure interne quand «l’interdit d’interdire» laisse accès à tous les canaux d’échanges et quand la libre pensée permet à chaque individu-sujet d’explorer toutes les conjectures envisageables et quand, seuls, les systèmes de valeur intimement intégrés évitent les confusions du relativisme radical. Parce que les limites apparaissent à la pensée humaine si elle fait honnêtement face à l’impossibilité de tout (se) dire quand elle accepte de rencontrer l’indicible et l’ignorance propre aux fondements ouverts de toute raison. L’accès à l’Ordre maçonnique se fonde sur la prestation d’un serment, ce doublet étymologique qu’est le sacramentum. Il est au cœur de l’initiation la plus succincte Cette rencontre avec l’impossible connaissance absolue impose à l’esprit la coupure que le sacré évoque dans toute sa profondeur. Sacer marque une rupture dans le continu et il y pointe un repère d’où peuvent émerger des liaisons entre des pôles jusque-là séparés. L’accès à l’Ordre maçonnique répond bien aux exigences dues à cet état de choses. En effet, depuis sa forme opérative médiévale, il se fonde sur la prestation d’un serment, ce doublet étymologique qu’est le sacramentum. Au cœur même de l’initiation la plus succincte, il contribue à la construction de ce jalon majeur dans la vie intérieure du sujet et il marque une étape: ce jalon ponctue, pendant un instant, un présent évanescent, grâce auquel s’éveille le tragique de la condition humaine. Cette étape porte une valeur cardinale car elle devient le témoin intime – et manifeste – d’une marque de l’existence. En effet, elle est L'individu et l'ordre maçonnique reconnaissable par tous dans le temple, ce lieu séparé, et aussi dans l’espace profane dans la mesure où elle prend une place non négligeable dans la vie sociale du franc-maçon. Ainsi le serment engage-t-il chacun en le faisant accéder à la conscience des liens intérieurs. Il trouve aussi son efficacité en loge quand il implique, de façon nécessaire, la rencontre avec autrui. Les conséquences sociales sont alors majeures. Elles favorisent, aux yeux des adeptes, la reconnaissance de l’exercice du socius, le lien entre les frères ou les sœurs. Un lien d’autant plus visible qu’il correspond à l’affirmation rituelle d’un repère ordonné et situé, et qu’il marque la rencontre manifeste de tous et l’exercice subjectif de chacun. Car, dans un Ordre comme la franc- maçonnerie, ce repère conserve une portée symbolique et personnalisée de tous les instants. De surcroît, il y trouve sa valeur sociale qui réside dans la reconnaissance que chacun lui confère au regard de sa propre expérience incommunicable uploads/Philosophie/ cdu-038-0060 1 .pdf