c R ahiers echerche DE Série « Décision, Rationalité, Interaction » Cahier DRI-

c R ahiers echerche DE Série « Décision, Rationalité, Interaction » Cahier DRI-2009-02 Confirmation et induction Mikaël Cozic IHPST éditions 13, rue du Four 75006 Paris f Cahiers de recherche de l’IHPST Série « Décision, Rationalité, Interaction » Confirmation et induction1 Mikaël Cozic2 La présente étude (à paraître dans A. Barberousse & ali., Précis de philoso­ phie des sciences, vol.1, Vuibert) est consacrée aux théories contemporaines de la confirmation. On y présente l’objectif général que poursuivent, depuis le tex­ te fondateur de Hempel (1945), ces théories, ainsi que les principales tentatives proposées pour atteindre cet objectif. On se concentre sur les fondements, les réalisations et les difficultés de la théorie qui domine le paysage philosophique actuel : la théorie bayésienne de la confirmation. Résumé Mots-clés Abstract Keywords This contribution (to appear in A. Barberousse & ali., Précis de philosophie des sciences, vol.1, Vuibert) is devoted to contemporary confirmation theories. We introduce the general aim of these theories as it is conceived since Hempel (1945)’s seminal paper, and the main existing tentatives. We focus mainly on the foundations, achievements and issues of the theory which currently domi­ nates the philosophical landscape : bayesian confirmation theory. confirmation, induction, théorie bayésienne de la confirmation, problème des données connues, logique inductive. confirmation, induction, bayesian confirmation theory, old evi­ dence problem, inductive logic. Cahier DRI-2009-02 1 Je tiens à remercier les participants et les organisateurs (Isabelle Drouet et Thierry Martin) du séminaire « Probabilité, Déci­ sion, Incertitude » où j’ai pu aborder une partie des questions que traite ce chapitre Je remercie vivement Anouk Barberousse, Isabelle Drouet et Ph. Mongin pour leurs relectures attentives de versions préliminaires de ce chapitre. Sous la responsabilité scientifique de : Jacques Dubucs, Mikael Cozic, Philippe Mongin. 2 IHPST, GREGHEC & DEC Classification JEL 1 Introduction Les hypothèses et théories des sciences empiriques sont, en principe du moins, confrontées à des données empiriques. On évalue ces hypothèses et ces théories en bonne partie à partir du résultat de cette confrontation. Il arrive que des données parlent en faveur d’une hypothèse ; il arrive également que des données soient défavorables à une hypothèse ; ou encore que des données soient plus favorables à une hypothèse qu’à une autre. On considère, par exemple, que l’avance du périhélie de Mercure parle en faveur de la théorie de la relativité générale et en défaveur de la théorie newtonienne ; ou que les données paléontologiques parlent en faveur de la théorie de l’évolution. Ces notions intuitives, qui semblent guider les scientifiques dans le développement et l’évaluation de leurs travaux, la philosophie des sciences les thématise sous le concept général de confirmation. Nous allons commencer par caractériser sommairement le concept de confirmation et la façon dont il est traité par l’épistémologie contemporaine avant d’entrer plus avant dans les théories de la confirmation. 1.1 Confirmation et théories de la confirmation L’analyse philosophique de la confirmation se développe en général dans un cadre fortement idéalisé. On distingue les énoncés qui expriment des données empiriques, que l’on note canoniquement E. On note H une hypothèse ou une théorie, sans approfondir plus avant les différences entre les deux concepts. La discussion porte ainsi sur la question de savoir comment caractériser la confirmation qu’une donnée E apporte (ou n’apporte pas) à une hypothèse H. Plus précisément, on introduit dans ce contexte les quatre concepts cardinaux de confirmation, infirmation, vérification et réfutation. A titre de première caractérisation, on dira de données favorables à une hypothèse qu’elles la confirment ; de données défavorables à une hypothèse qu’elles l’infirment. « Favorables » et « défavorables » sont évidemment des notions très vagues. La notion de confirmation contient, nous semble-t-il, l’idée qu’une donnée est favorable à une hypothèse en ce sens qu’elle « supporte » ou qu’elle renforce notre confiance1 dans la vérité de l’hypothèse H. C’est ce qui distingue, par exemple, la confirmation de la corroboration de Popper (voir ci-après). On peut concevoir les deux concepts, également célèbres, de vérification et de réfutation (ou falsification) comme des cas-limites de confirmation. Des données vérifient une hypothèse si elles la confirment maximalement, c’est-à-dire si elles établissent que l’hypothèse est vraie. A l’opposé, des données réfutent une hypothèse si elles la infirment maximalement, c’est-à-dire si elles établissent que l’hypothèse est fausse. Certains ont contesté la légitimité et l’intérêt d’un concept comme celui de confirmation, nous y reviendrons. A supposer cependant qu’un tel concept guide le raisonnement scientifique, il est clair que son usage fait appel à des principes qui sont essentiellement tacites. La situation est analogue à celle du raisonnement mathématique : les mathématiciens, quand ils établissent leurs résultats, font appel à des principes logiques qu’ils n’explicitent pas ou peu. C’est à la logique (déductive) qu’il revient de dégager, de codifier et d’analyser les principes du raisonnement mathématique. De la même façon, on peut concevoir l’étude par le philosophe des sciences de la confirmation comme consistant, en partie du moins, à dégager, codifier et analyser les principes des raisonnements qui font appel au concept de confirmation2. Ainsi que le dit Hempel (1945), l’objectif d’une théorie de la confirmation est de fournir « une approximation raisonnablement proche de la conception de 1 A ce stade, nous ne voulons pas prendre parti sur la question de savoir si la notion de confirmation est « subjective ». Nous n’excluons donc pas que le « renforcement de confiance » en question soit fondé objectivement. 1 la confirmation qui est implicite dans la procédure scientifique et dans la discussion méthodologique ». 1.2 Confirmation et déduction La logique mathématique moderne a codifié avec succès le raisonnement déductif : elle a caractérisé rigoureusement l’idée intuitive selon laquelle un ensemble de prémisses Γ a pour conséquence logique un énoncé A si, et seulement si, il est impossible que les prémisses contenues dans Γ soient vraies tandis que A serait faux. La logique propositionnelle ou la logique du premier ordre donnent des exemples d’une telle caractérisation. La relation de conséquence logique joue un rôle important dans le traitement conceptuel et formel de la relation de confirmation. Tout d’abord, la vérification d’une hypothèse H par une donnée E (ou par un ensemble fini de données E1, …,En) correspond au cas où E implique logiquement H. La réfutation d’une hypothèse H par une donnée E correspond à celui où E implique logiquement ¬ H3. Si un macro-économiste défend l’hypothèse H = « la croissance française s’élèvera à 1.5 % en 2009 », alors normalement on sera en mesure, à la fin de l’année 2009, d’obtenir un ensemble fini de données qui vérifieront ou réfuteront H. Mais, nous l’avons déjà dit, vérification et réfutation ne sont que des cas-limites. En toute généralité, la relation de confirmation diffère de celle de conséquence logique. En effet, une donnée E peut confirmer (resp. infirmer) une hypothèse H sans que H (resp. ¬ H) soit conséquence logique de E. C’est même, à vrai dire, le cas normal : si H est un énoncé universel du type « Tous les P sont Q », alors en général on considère qu’un énoncé E du type « a est P et Q » (qu’on appelle une « instance positive ») confirme H alors que « a est P et Q » n’a évidemment pas pour conséquence logique « Tous les P sont Q » : il se pourrait que E soit vraie sans que H le soit. Popper a fait valoir avec force que l’essentiel des hypothèses scientifiques, dans la mesure où leur forme logique est celle d’énoncés universels (et où leur domaine de quantification n’est pas fini4), ne sont pas vérifiables : un ensemble fini de données empiriques ne peut logiquement impliquer un énoncé de ce genre. De leur côté, Duhem et Quine ont fait valoir que, bien souvent, des hypothèses scientifiques isolées ne sont pas réfutables par des données empiriques car il faut leur adjoindre des hypothèses auxiliaires pour qu’elles aient des implications observables (« problème de Duhem-Quine »). Le cœur des théories de la confirmation réside dans ce qui se passe « hors » des cas-limites de la vérification et de la réfutation : si E n’a pas pour conséquence logique H (resp. ¬ H), dans quelles conditions peut-on dire que E confirme (resp. infirme) H ? 1.3 Déduction et induction On distingue souvent le raisonnement déductif du raisonnement inductif, que l’on illustre par certaines formes typiques de raisonnement5. La première de ces formes est (1) la généralisation ou induction énumérative par laquelle on infère un énoncé universel comme 2 Carnap prend l’analogie à son compte : dans « Inductive Logic and Science », il affirme que l’objectif de la logique inductive est analogue à celui de la logique déductive : il n’est pas de proposer de nouvelles façons de raisonner, mais d’expliciter nos manières habituelles de raisonner. 3 Voir Mongin (à paraître). 4 Popper (1959) parle d’ « universalité numérique » pour les énoncés universels dont le domaine de quantification (implicite ou explicite) est fini (par exemple, « Tous les êtres humains vivant aujourd’hui font moins de trois mètres de hauteur »), uploads/Philosophie/ confirmation-et-induction.pdf

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