Correction : Bonheur et temps font-ils toujours bon ménage ? Dans les Pensées P
Correction : Bonheur et temps font-ils toujours bon ménage ? Dans les Pensées Pascal dit « nous espérons de vivre, et nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais ». En effet, nous serions incapables de vivre pleinement l’instant présent, de savourer les moments de bonheur, puisqu’au lieu de vivre le présent, nous ressassons le passé, ou bien alors nous anticipons les tracas à venir. A priori, bonheur et temps ne feraient donc pas bon ménage. En effet, le bonheur (selon l’étymologie latine « bonum augurium » signifiant ce qui est de bon augure) est lié à la chance, la fortune, les évènements favorables. Il se caractérise par un état de satisfaction durable, au contraire de la joie ou du plaisir qui ne sont que passagers ; il s’agit d’un état de plénitude. C’est en effet, le fait d’être comblé, de n’éprouver aucun manque et aucune souffrance. Il caractérise la tranquillité de l’âme, ce calme et cette sérénité de l’esprit est ce que les épicuriens et les stoïciens appellent l’ataraxie. Le temps, quant à lui, représente une durée plus ou moins longue, il s’agit d’une succession indéfinie de moments ou d’instants. Ainsi, le cours du temps est quelque chose de continuel et d’irréversible, comprenant les trois dimensions du présent, du passé et de l’avenir. C’est dans le temps que se déroulent nos actions, nos pensées et les événements. Or, faire « toujours » bon ménage impliquerait qu’il y ait en permanence, à chaque instant sans aucune exception, une relation harmonieuse, équilibrée entre le bonheur et le temps. Par conséquent, comment le bonheur qui est un état de satisfaction durable, un état de plénitude où nous sommes comblés et où nous n’éprouvons pas de manque et de souffrance de l’esprit et du corps, peut-il s’accorder ou être en harmonie avec le temps qui est, quant à lui, une succession d’instants éphémères, évanescents, et dont le cours incessant ne peut être arrêté ni renversé? D’abord, en quoi le temps, qui est irréversible et qui nous limite, nous empêche d’être heureux ? Faut-il alors tenter de nous rendre heureux en faisant abstraction du temps et en le fuyant? Mais dans ce cas, bonheur et temps resteraient incompatibles. Ne faudrait-il pas dès lors s’attacher à la qualité du temps vécu, utiliser notre temps à bon escient, avec sagesse, à se l’approprier en se consacrant à des activités qui nous sont vraiment utiles, afin de trouver l’ataraxie? En premier lieu, l’écoulement du temps peut faire obstacle à notre bonheur dans la mesure où il apparaît comme une limite pour nos actions, qu’il nous empêche de satisfaire tous nos désirs et de vivre sereinement. En effet, le temps ne nous est sensible, et n’est ressenti que dans son aspect négatif, son irréversibilité, qui serait la marque de notre impuissance. C’est cet aspect négatif du temps que nous retenons uniquement, comme le montre Lavelle dans l’extrait de l’œuvre Du temps et de l’éternité. Ainsi, le terme même d’irréversibilité marque bien une impossibilité d’agir et d’être heureux, anéantissant les moments de joie en les inscrivant dans le passé et rendant impossible le prolongement illimité de ces instants de bonheur éphémères. Il échappe donc à nos prises car on ne peut renverser le cours du temps et l’empêcher de s’écouler, l’arrêter ou revenir dans le passé pour changer ce que nous avons fait ou pour revivre ce qui a été. Au lieu de percevoir l’instant nouveau comme une occasion nouvelle d’agir, de tirer des leçons de nos erreurs pour nous améliorer, au lieu de vivre pleinement l’instant de joie offert, de saisir le moment présent que le temps fait surgir comme nouvelle possibilité, le temps n’a pour nous que négativité et gravité. Gravité par opposition à la légèreté du temps qui pourrait être ressenti positivement, son écoulement pourrait ainsi effacer nos peines, dissiper nos souvenirs douloureux. On ne peut pas retourner dans le passé pour changer ce que l'on a fait, une fois que l'on a effectué une action, on ne peut plus la modifier. On peut regretter des erreurs, des actions que l'on a faites dans le passé et qui peuvent avoir des conséquences néfastes sur le présent voire dans le futur. De plus, le temps est pour l’homme synonyme de privation. Lavelle montre aussi qu’il nous prive des bons moments que l'on a pu passer et que l'on ne pourra jamais revivre ou les revivre exactement à l’identique. Il nous retire ce que l'on pensait posséder, nos proches qui nous quittent et meurent ou même les moments vécus qui ne nous appartiennent plus et qui s’inscrivent dans le néant. Tout ce qui soumis au temps est voué à disparaître. Les hommes font l’expérience de la vieillesse, de la destruction des choses périssables, des biens éphémères. D’où la plainte des poètes de la fuite du temps qui nous arrache tout ce qui nous est cher. Ronsard dans son poème A Cassandre conseille de profiter de sa jeunesse et de sa beauté éphémère comme celle de la rose qui sera vite fanée. Telle est aussi la leçon d’humilité des tableaux des Vanités qui représentent les activités vaines des hommes, le pouvoir, la richesse, l’attachement à la beauté, à l’apparence qui vouées à disparaître comme le représentent les symboles du sablier et du crâne, évoquant le temps et la mort. En outre, le temps fait également obstacle à l’ataraxie car l’avenir est source de crainte, d’angoisse et d’insécurité par son caractère incertain et indéterminé. Il trouble ainsi notre sécurité car on ne peut pas prévoir les événements qui vont se produire. Nous ne pouvons que les imaginer, ce qui renforce notre déception car la réalité n’est jamais telle qu’on l’attendait. Et c’est en particulier le désir d’éternité de l’homme qu’il contredit car nous avons beau nous croire immortels, oublier pour un court moment notre finitude, le temps nous rappelle que nous sommes voués à disparaître, il vient troubler notre bonheur et notre quiétude, en nous confrontant inéluctablement à l’angoisse de la mort. Mais le temps est également synonyme de déception, de blessure. Le passé douloureux n’est pas anéanti mais conservé par la mémoire ou dans notre inconscient et il peut ressurgir dans nos rêves ou pire encore, sous forme de symptômes pathologiques ou névrotiques. Le poids du passé est évoqué par Freud dans Cinq leçons sur la psychanalyse. En effet, il explique comment se produit le refoulement dans notre inconscient des souvenirs douloureux et de nos pulsions immorales, ainsi que la résistance qu’oppose le malade au thérapeute, empêchant l’accès à la conscience. Sous hypnose, les scènes pathogènes, c’est- à-dire les évènements pénibles source de conflits intérieurs, resurgissent et refont surface, ce qui est bien que les traumatismes du passé ne sont pas oubliés, mais qu’ils sont conservés et stockés quelque part en nous. Comme Freud l’explique dans les Etudes sur l’hystérie, notamment à propos du cas Elisabeth, les symptômes de la patiente qui souffre d’hystérie (une forme de névrose dont les symptômes sont, entre autres, des troubles psychosomatiques) sont une conversion physique des conflits psychiques auxquels elle est soumise intérieurement. La douleur dans la cuisse droite dont elle souffre depuis deux ans n’est que l’expression déguisée du conflit psychique qui la tourmente inconsciemment, conflit entre ses pulsions immorales (l’attirance inconsciente qu’elle éprouve pour son beau- frère) et la pression morale de l’éducation stricte qu’elle a reçue. Pour Freud, les malades névrosés souffrent de réminiscences, c’est-à-dire de souvenirs d’événements de leur histoire personnelle qui continuent à les tourmenter tant qu’il n’y a pas eu tout un travail de remémoration et de deuil, que la psychanalyse doit effectuer, pour s’en libérer. Ainsi, le temps apparaît comme une entrave à notre bonheur, il empêcherait constamment l’homme d’être heureux à cause de son irréversibilité, de son écoulement trop rapide et de la déception de nos attentes. Dès lors, ne faut-il pas s’en échapper pour trouver le bonheur ? En effet, ne pouvant pas nous résoudre à accepter le malheur, il nous faudrait faire alors abstraction du temps pour vivre heureux. Tout d’abord, nous pouvons tenter d’échapper au temps et à l’angoisse de la mort en remplissant notre existence d’activités diverses pour ne pas avoir l’impression d’arriver à la fin de notre vie sans en n’avoir rien fait. Tel est le but des activités diverses des hommes, aussi bien des occupations sérieuses que des amusements qui les divertissent, c’est-à-dire les détournent de l’angoisse de la mort. En effet, dans les Pensées, Pascal explique que les hommes ne savent pas rester chez eux et tenir en place et c’est ce fait de ne pas savoir demeurer en repos qui cause le malheur des hommes. Les Hommes ne sont donc pas assez sages pour savoir trouver du bonheur et du plaisir en restant chez soi. En occupant leurs pensées, ils évitent ainsi de songer à la mort inévitable. C’est donc bien en voulant éviter à tout prix de réfléchir à sa condition mortelle que l’Homme recherche constamment des occupations et des divertissements, que ce soient des amusements vains ou même uploads/Philosophie/ correction-developpement-dissertation-2.pdf
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- Publié le Nov 27, 2022
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