III Langues Etrangères Appliquées Théorie de l’argumentation Cours 2 La théorie

III Langues Etrangères Appliquées Théorie de l’argumentation Cours 2 La théorie du raisonnement de Ch. Perelman et L. Olbrechts-Tyteca La théorie du raisonnement argumentatif est progressivement construite par les auteurs du Traité de l’argumentation sur la base de l’analyse des moyens de la preuve qui agit dans les sciences juridiques, en droit et en philosophie. Selon eux, c’est l’accord qui assure le point de départ de l’argumentation et les prémisses de celle-ci. L’accord de l’auditoire peut porter sur le contenu des prémisses explicites, sur les liaisons utilisées, sur la manière de se servir de ces liaisons, etc., autrement dit, il faut se rapporter à ce qui l’autre, l’analyse de l’argumentation concerne ce qui est censé admis par les auditeurs. Les différents types d’objets d’accord peuvent être divisés en plusieurs classes. Il s’agit tout d’abord de deux grandes catégories : les objets qui appartiennent au réel et les objets de croyance relatifs au préférable. Dans la première classe entrent les faits, les vérités d’une part, les présomptions de l’autre. Tous les trois sont caractérisés par l’accord de l’auditoire universel. Les faits représentent des objets d’accord précis, alors que les vérités sont des systèmes plus complexes, relatifs à des liaisons entre les faits. Les vérités sont propres aux théories et hypothèses scientifiques, mais aussi aux conceptions philosophiques. Les présomptions sont admises d’emblée comme point de départ des argumentations, et certaines peuvent être imposées à l’auditoire par des conventions. Néanmoins, cette adhésion n’est pas maximum, elle doit être renforcée par d’autres éléments. Perelman et Olbrechts-Tyteca , repris par Tuţescu, ont cité quelques exemples de présomptions d’usage courant :  la présomption de crédulité naturelle qui fait que notre premier mouvement est d’accueillir comme vrai ce que l’on nous dit;  la présomption d’intérêt, d’après laquelle nous concluons que tout énoncé porté à notre connaissance est censé nous intéresser ;  la présomption concernant le caractère censé de toute action humaine. 1 III Langues Etrangères Appliquées Théorie de l’argumentation Cours 2 Toutes les présomptions sont liées au normal et au vraisemblable. C’est-à-dire, pour chaque catégorie de faits ou (notamment) de comportements, un aspect considéré comme normal qui peut servir de base aux raisonnements. Le normal dépend toujours du groupe social de référence. Les objets de croyance relatifs au préférable sont les valeurs, les hiérarchies et les lieux. Ils dépendent de l’adhésion de groupes particuliers. Concrètes ou abstraites, les valeurs sont des objets d’accord permettant une communion sur les façons particulières d’agir. Lorsqu’elles sont vagues, certaines valeurs se présentent comme universelles et prétendent à un statut semblable à celui des faits. Quand elles sont précises, elles se présentent simplement comme conformes aux aspirations de certains groupes particuliers. Les valeurs interviennent dans les domaines juridique, politique, philosophique comme base d’argumentation tout au long du raisonnement. En ce qui concerne les hiérarchies, Perelman et Obrechts-Tyteca soutiennent que les hiérarchies des valeurs sont plus importantes du point de vue de la structure d’une argumentation que les valeurs elles-mêmes. Ainsi, une valeur finale est jugée supérieure à une valeur moyenne, la valeur-cause est vue comme supérieure à la valeur-effet. Les lieux représentent des prémisses d’ordre très général. Cette catégorie est la nouvelle configuration des topoï qu’ARISTOTE avait décrits dans ses Topiques et classifiés dans sa Rhétorique. Pour nous, les lieux représentent les arguments mêmes, cadres ou formes générales de la pensée, témoignant du rapport langue - logique. Pour les Anciens, les lieux désignaient des rubriques sous lesquelles on peut classer les arguments; les lieux étant définis comme des «magasins d’arguments». Selon Perelman et Olbrechts- Tyteca, il y a plusieurs catégories de lieux :  lieux de la quantité: les lieux communs qui affirment que quelque chose vaut mieux qu’autre chose pour des raisons quantitatives (ex. : la préférence accordée au «probable» sur l’«improbable» au «facile» sur le «difficile») ; la plupart des lieux tendant à montrer l’efficacité d’un moyen: l’«habituel», le «normal».  lieux de la qualité : apparaissent quand l’on conteste la vertu du nombre. Ils interviennent dans le discours polémique. «À la limite, le lieu de la qualité aboutit 2 III Langues Etrangères Appliquées Théorie de l’argumentation Cours 2 à la valorisation de l’unique, qui, tout comme le normal, est un des pivots de l’argumentation» (Ch. Perelman et L. Olbrechts-Tyteca (1958): La Nouvelle Rhétorique – Traité de l’argumentation, p.20, repris par Tuţescu (1998)).  lieux de l’ordre: ils affirment la supériorité de l’antérieur sur le postérieur, de la cause sur les effets, des principes et des lois sur les faits, etc.  lieux de l’existant: affirment la supériorité de ce qui existe, de ce qui est actuel, réel, sur le possible, l’éventuel ou l’impossible.  lieux de la personne, liés à la dignité, à la valeur, aux mérites, à l’autonomie de la personne.  lieux de l’essence: le fait d’accorder une valeur supérieure aux individus en tant que représentants bien caractérisés de cette essence. Il s’agit d’une comparaison entre individus concrets; ce qui incarne le mieux un type, une essence, une fonction vaut par le fait même. Les modèles des logiciens : J.-Bl. Grize1 et G. Vignaux L’hypothèse du logicien suisse J.-Bl. Grize est que l’argumentation ne procède ni au hasard, ni selon les caprices du sujet argumentant, en d’autres termes qu’elle se soumet à un certain nombre de stratégies du raisonnement marquées discursivement. «Argumenter, c’est chercher, par le discours, à amener un auditeur ou un auditoire donné à une certaine action. Il s’en suit qu’une argumentation est toujours construite pour quelqu’un, au contraire d’une démonstration qui est pour “n’importe qui”. Il s’agit donc d’un processus dialogique, au moins virtuellement2». En ce qui concerne l’action visée, elle doit être conçue sur deux plans. Si A est l’orateur et B l’auditeur, A se propose: (a) d’amener B à re-dire ce qu’il a dit; (b) de faire agir B en un certain sens ou, au moins, le préparer à agir dans ce sens- là. 1 Jean Blaise Grize: spécialiste suisse de logique de logique naturelle, d'épistémologie et d'argumentation. 2 Grize, Jean-Blaise, 1981 (b): « L'argumentation: explication ou séduction », in L'Argumentation, Presses Universitaires de Lyon, Collection « Linguistique et Sémiologie », 29 – 41, p.30 3 III Langues Etrangères Appliquées Théorie de l’argumentation Cours 2 Le discours schématise, construit des actions. Le rapport entre ces actions construites par le discours et la logique est défini par le mathématicien Ferdinand Gonseth3 en termes suivants: - l’objet primitif de la logique est constitué par les réalités les plus immédiates et les plus communes du monde physique; - ses fins sont celles de l’action. Selon J.-Bl. Grize4, « dire que la logique sert à l’action entraîne trois conséquences d’importance : la première, c’est de lui conférer le statut d’une connaissance, connaissance de la coordination de certaines actions, puis de certaines opérations. La deuxième, c’est de ne pas la séparer d’une intelligence qui s’en sert et pour laquelle elle est connaissance. La troisième enfin, c’est d’accepter que, dans la mesure où une action n’est jamais entreprise que dans l’espoir d’une réussite, l’ouverture même de la logique sera orientée par celui qui s’en sert vers une série de fermetures, locales et progressives» Ceci aboutit à l’idée de cohérence discursive et textuelle. S’attachant à la description du raisonnement argumentatif, raisonnement propre à la vie sociale, G. Vignaux5 envisage le discours comme un système logique de relations successives. Il analyse les opérations discursives du sujet dans les différents domaines : dans le domaine lexical: (la sélection, la dénotation et la restriction; dans le domaine syntaxique (les opérations d’ordre, la succession des relations qui composent un texte); les opérations logiques qui coïncident avec les modes d’énonciation du sujet (modalisations, déterminations, formes temporelles et aspectuelles) etc. Il étudie ensuite les opérations logiques du discours (inférences, raisonnements, déduction, induction, analogie, opérations modales, explication, jugements du type confirmatif ou preuves, opposition, démonstrations, etc.) et les opérations rhétoriques (les stratégies d’ordre). Toutes ces opérations sont déterminées dans une mesure importante, par le sujet argumentant ou énonciateur. Mais le concept fondamental de l’ouvrage de G. Vignaux est celui de théâtralité. Tenir un discours devant quelqu’un pour le persuader, c’est en effet lui proposer une 3 Gonseth, Ferdinand, 1936: Les Mathématiques et la Réalité, Alcan, Paris, p.155. 4 Grise, Jean-Blaise, 1971: Travaux du Centre de recherches sémiologiques, no 7, Neuchâtel, p.9. 5 Dans L’Argumentation. Essai d’une logique discursive (Droz, Genève - Paris, 1976). 4 III Langues Etrangères Appliquées Théorie de l’argumentation Cours 2 représentation qui doit le toucher, l’émouvoir. Cette argumentation-représentation a une structure dont les éléments sont :  les Acteurs – sujets, objets ou notions plus générales, pouvant être agissants ou agis ;  les Procès - relations entre acteurs, relations acteurs - situations, comportements, modes d’existence ou d’action.  les Situations - c’est la catégorie qui renferme des lieux spatio-temporels, des contextes où naît le rapport acteurs-procès, champs clos construits par le sujet énonciateur.  les Marques d’opérations représentés par les déterminations, les emphases, les insistances, les associations acteurs + procès, les thématisations, les qualifications, etc. G. Vignaux a raison de concevoir le discours comme « toujours plus que discours uploads/Philosophie/ cours-2 2 .pdf

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