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Tous droits réservés © Société de philosophie du Québec, 1991 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 29 oct. 2021 00:01 Philosophiques De l’individu à l’histoire : l’authenticité dans les écrits de Sartre Bruce Baugh Volume 18, numéro 2, automne 1991 URI : https://id.erudit.org/iderudit/027154ar DOI : https://doi.org/10.7202/027154ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Société de philosophie du Québec ISSN 0316-2923 (imprimé) 1492-1391 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Baugh, B. (1991). De l’individu à l’histoire : l’authenticité dans les écrits de Sartre. Philosophiques, 18(2), 101–122. https://doi.org/10.7202/027154ar Résumé de l'article La théorie de l'authenticité dans L'Être et le néant de Sartre aboutit à des apories. Dès les Cahiers pour une morale, pourtant, l'authenticité est traitée en tant que problème social impliquant une solution sociale. Cet article examine le passage de la première théorie à la deuxième, et explique la nouvelle théorie de l'authenticité qui en résulte. DE LINDIVIDU À L'HISTOIRE: L'AUTHENTICITÉ DANS LES ÉCRITS DE SARTRE* par Bruce Baugh RÉSUMÉ. La théorie de Tauthenticité dans L'Être et le néant de Sartre aboutit à des apories. Dès les Cahiers pour une morale, pourtant, l'authenticité est traitée en tant que problème social impliquant une solution sociale. Cet article examine le passage de la première théorie à la deuxième, et explique la nouvelle théorie de l'authenticité qui en résulte. ABSTRACT. Sartre's early theory of authenticity is individualist and is vitiated by his theory of consciousness. From the Cahiers pour une morale onward, however, inauthenticity is a social problem with a social solution. This paper examines the transition from the first theory of authenticity to the second, and the new theory of authenticity which results. Ce texte s'inscrit dans un travail de recherche postdoctorale rendu possible par une bourse du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Je tiens à remercier Yvan Cloutier et George Baugh d'avoir suggéré plusieurs améliorations aux versions antérieures de ce texte. 102 PHILOSOPHIQUES Dans les Cahiers pour une morale de Sartre1, nous discernons un changement d'orientation de la pensée sartrienne. Ce tournant peut être compris comme l'abandon d'une morale individualiste et la découverte des conditions historiques de la possibilité de l'authenticité. Dans L'Être et le néant2, l'inauthenticité est le résultat d'un choix originel de l'individu; dans les Cahiers, elle provient de conditions sociales déterminées, qui sont elles- mêmes une conséquence du choix originel de l'humanité de commencer par l'oppression (CPM: 13). Par conséquent, l'individu ne peut être authentique, à moins que ces conditions ne soient transformées, de manière à ce que tout individu soit libre et que personne ne soit opprimé. Or la fin de l'oppression est « la fin de l'histoire » (au sens marxiste-hégélien); donc le commencement d'un règne de la morale est en même temps la fin de l'histoire (CPM: 169). Bien que dans les Cahiers ce soit toujours l'authenticité qui est en jeu, elle n'est plus le simple résultat d'une conversion morale de l'individu, mais la réalisation des possibilités propres à la réalité humaine dans des conditions sociales et historiques favorables. Nous verrons par la suite que la réalité humaine ne peut réaliser ses propres possibilités, à savoir dévoiler l'être par l'action, que dans des conditions de liberté et d'égalité pour tous. L'action est une synthèse temporelle de la fin et des moyens, des causes et des effets, du futur et du présent, qui dévoile le coefficient d'adversité et la docilité des choses, et des enchaînements des causes et des effets. Mais sans la reconnaissance d'autres libertés, ce dévoilement demeure une certitude subjective, valable pour un seul sujet (l'agent). Donc deux conditions sont nécessaires à la vérité d'action: que la personne qui utilise les moyens soit la personne qui choisit les fins de l'action (si les fins sont coupées des moyens, la synthèse est brisée), et que le dévoilement opéré par l'action soit confirmé par le jugement d'autrui, lequel jugement doit être exercé librement et indépendamment. C'est seulement dans ces conditions de liberté et d'égalité que l'individu peut se réaliser en tant que dévoilement de l'être. Autrement dit, réaliser l'authenticité, c'est se comprendre en tant que liberté en situation3 et prendre une conscience lucide et véridique de la situation4, ce qui n'est possible que par une action susceptible d'être confirmée par autrui. DE L'INDIVIDU À L'HISTOIRE 103 I. AUTHENTICITÉ Qu'est-ce que l'authenticité? D'abord c'est le refus de la mauvaise foi, qui joue sur « la double propriété de l'être humain, d'être une facticité et une transcendance » pour fuir l'un de ces deux aspects sous prétexte d'affirmer l'autre (EN: 92-94). L'authenticité est aussi le refus de la fameuse « passion inutile », d'être un être-pour-soi qui soit le fondement de son être, l'en-soi-pour- soi, Dieu. Ainsi il appert qu'on accède à l'authenticité par une conversion radicale (EN: 463n, 532, 536-537). Au terme de cette conversion, la réalité humaine choisit d'être un dévoilement de l'être, et non pas un être déterminé; elle se comprend comme fondement des valeurs et renonce à l'esprit de sérieux. Elle en arrive finalement à se saisir comme transcendance située et contingente, et par la réflexion purifiante, elle peut se comprendre en tant qu'activité constituante du monde: et non seulement le monde, mais ce monde-ci, un monde lié à des données non choisies, à la facticité ou, si l'on veut, à l'empirie5. Bref, l'authenticité est la réalisation par la réalité humaine de ses propres possibilités en tant que liberté en situation. Tout cela est bien connu. C'est la morale décrite par Jeanson dans son admirable ouvrage, Le problème moral et la pensée de Sartre*3, et dont Simone de Beauvoir nous a présenté l'essentiel dans son livre, Pour une morale de l'ambiguïté7. Je ne veux pas mettre en doute la valeur de ces interprétations, qui s'accordent d'ailleurs avec une centaine de pages des Cahiers (CPM: 487- 570). Mais je veux d'abord montrer le caractère problématique de cette morale. En effet, dans la mesure où l'inauthenticité est le produit du projet fondamental de la réalité humaine, elle demeure inévitable, en dépit des déclarations de Sartre et de ses interprètes, Jeanson et Beauvoir. Ensuite, nous verrons la manière dont Sartre met lui-même en question cette morale dans ses écrits de l'après-guerre. Le projet fondamental du Pour-soi, le projet d'être une existence justifiée et nécessaire, est, selon L'Être et le néant, fondé sur les structures ontologiques de la conscience. Toute conscience est conscience de son objet, mais elle n'est conscience de son objet qu'à partir d'un dépassement de l'objet, en tant qu'il est pour la conscience en ce moment, vers l'horizon des autres apparitions possibles de l'objet, qui sont corrélatives aux futures consciences de l'objet, consciences qui ne sont pas (encore). Toute conscience se dépasse ainsi vers une totalité irréelle qui permet 104 PHILOSOPHIQUES à la conscience de se définir en tant que conscience de son objet: [...] la nature de la conscience implique [...] qu'elle se jette en avant d'elle-même dans le futur; on ne peut comprendre ce qu'elle est que par ce qu'elle sera, elle se détermine dans son être actuel par ses propres possibilités[...]8 Ainsi la totalité vers laquelle la conscience se dépasse « n'est pas le pur et simple en-soi contingent » de l'objet, mais la totalité des possibilités de la conscience même « figée en en-soi» (EN: 128). Le projet d'être en-soi-pour-soi n'est donc pas un hasard qui arrive à la conscience, mais une conséquence du fait que la conscience se détermine à partir de son avenir. Car dans la mesure où la conscience veut être conscience déterminée de quelque chose (ou, ce qui revient au même, conscience d'objets déterminés), elle doit se définir à partir d'une totalité déterminée et fermée, mais qui est en même temps une totalité des consciences et donc de dépassements indéfiniment ouverts9. Mais en ce cas, la conscience se projette vers une synthèse impossible de l'en-soi déterminé et de l'être-pour-soi. C'est que la réalité humaine est un « défaut d'être », un manque (EN: 124-125) et un désir de soi en tant que totalité: [...] la conscience ne peut exister qu'engagée dans cet être qui la cerne de toute part et la transit par sa présence fantôme — cet être qu'elle est et qui pourtant n'est pas elle. (EN: 129) Il s'ensuit que la réalité humaine est: [...] perpétuellement hantée par une totalité qu'elle est sans pouvoir l'être, puisque justement elle ne pourrait atteindre l'en-soi sans se perdre comme pour soi. Elle est donc par nature conscience malheureuse sans dépassement possible de l'état de malheur (ibid.)™. À partir de ces définitions, l'inauthenticité nous semble être une condition indépassable. Toute conscience est conscience de quelque chose et ainsi se définit à partir d'une totalité irréalisable de uploads/Philosophie/de-l-x27-individu-a-l-x27-histoire-l-x27-authenticite-dans-les-ecrits-de-sartre.pdf

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