Comment favoriser le développement des habiletés de pensée chez nos élèves* Guy

Comment favoriser le développement des habiletés de pensée chez nos élèves* Guy Romano Professeur de psychologie Cégep François-Xavier-Garneau L'éducation devrait permettre aux élèves de développer des habiletés de pensée (habiletés de base, stratégies de pensée et habiletés métacognitives) qui les rendent capables d'acquérir, d'évaluer et de produire des connaissances de façon autonome. Il existe de nombreux moyens, relativement simples et faciles à appliquer, que tout enseignant peut utiliser dans ses cours pour amener les élèves à développer leurs habiletés de pensée. * Communication présentée lors du congrès Collèges célébrations 92, Montréal, mai 1992. Grâce à une subvention du PAREA, l'auteur mène actuellement une recherche sur le déve- loppement des habiletés de pensée ; ce texte fait une synthèse des principaux points qu'on retrouve dans le cadre théorique qui sert d'as- sise à cette étude. omme un des buts du niveau collé- gial est de favoriser le développe- C ment des habiletés de pensée chez les élèves et que c’est là, semble-t-il, une des principales préoccupations des ensei- gnants des collèges (Reid 1990), il importe d’identifier les stratégies pédagogiques qui, dans le cadre des cours, peuvent favoriser ce développement. C’est dans cette opti- que que je présente ici une synthèse des diverses stratégies qui ont été proposées dans la documentation sur le sujet. Cette synthèse regroupe des conclusions de travaux de recherche aussi bien que de simples suggestions faites par des gens reconnus comme des autorités dans le domaine. En fait, le principal critère utilisé pour retenir ou non une stratégie était la possibilité de la mettre facilement en appli- cation dans la plupart des disciplines et par la plupart des enseignants, et ce, avec un minimum de coûts. C’est donc dire que les stratégies qui seront présentées ici sont relativement simples et faciles à appliquer. Mais avant de présenter ces stratégies, il convient d’expliquer pourquoi il est si im- portant d’enseigner aux élèves à penser, et de préciser aussi ce qu’on entend par l’expression « habiletés de pensée ». POURQUOI ENSEIGNER À PENSER ? Si l’on se fie au nombre de publications et de recherches sur le sujet, l’enseignement des habiletés de pensée est devenu, du- rant la dernière décennie, un des princi- paux défis du monde de l’éducation. Dans une société où l’information abonde et où les connaissances se développent à un rythme effréné, il devient essentiel d’ac- quérir des habiletés reliées à la pensée critique et à la résolution de problème, et de développer une certaine autonomie in- tellectuelle (Beyer 1987 ; Presseisen 1987 ; Nickerson 1987 ; Marzano et al. 1988). On croit même que ces habiletés sont néces- saires pour participer à la démocratie com- me citoyen responsable et pour contribuer à la société technologique comme tra- vailleur productif (Newman 1990a ; Nic- kerson 1987). On pense aussi qu’elles peuvent contribuer au bien-être psycholo- gique des individus et leur garantir de meilleures chances de succès. C’est pour- quoi l’éducation, en plus de transmettre les connaissances de base d’une culture, de- vrait aussi développer les habiletés qui rendent les élèves capables d’acquérir, d’évaluer et de produire des connaissan- ces de façon autonome. Or, selon Nickerson (1988), les rapports et les recherches sur les habiletés cognitives des finissants du secondaire montrent qu’il est possible d’aller à l’école durant douze ou treize années sans développer sa com- pétence à penser. Et il semble en être de même au niveau collégial : bien que certaines études (McMillan 1987 ; Pascarella 1989) suggèrent que la fré- quentation d’un collège a un effet bénéfi- que sur le développement de la pensée critique, la plupart reconnaissent que ce changement est très limité. L’étude de Welfel (1982), par exemple, démontre que le niveau de jugement réflexif des élèves a tendance à augmenter durant leur passa- ge au collège, mais que ce changement est somme toute assez faible, et que le niveau atteint reste relativement bas. Dans une étude sur l’effet que l’enseignement aux niveaux secondaire, collégial et uni- versitaire peut avoir sur les habiletés de raisonnement, Perkins (1985) trouve de très faibles gains. Plus près de nous, l’étude de Reid et Paradis (1989) sur la formation fondamentale suggère, elle aussi, que les habiletés de pensée des élèves ne se développent pas substantiellement durant leur passage au collège. Puisque ces habiletés ne se développent pas spontanément comme un sous-pro- duit de l’acquisition de connaissances, il convient de s’interroger sur la meilleure façon de les développer. Bien que la ten- dance ait d’abord été de recourir à des cours portant spécifiquement sur le sujet, on croit de plus en plus que l’acquisition des habiletés de pensée devrait aussi se faire à l’intérieur de chacun des cours du curriculum, et ce, quels que soient le ni- veau et la matière enseignée (Beyer 1987 ; Presseisen 1987 ; Chambers 1988). Di- verses raisons expliquent cette nouvelle façon de voir. 17 Septembre 1992 Vol. 6 n° 1 Pédagogie collégiale Premièrement, on estime que pour avoir un sens, les habiletés de pensée doivent être apprises et pratiquées par rapport à un contenu significatif (Marzano et al. 1988 ; Kurfiss 1988) ; en d’autres termes, il ne peut y avoir de pensée de niveau supérieur que lorsqu’il y a un contenu suffisamment riche et complexe. Deuxièmement, on croit que ces habiletés ne se transfèrent pas nécessairement d’une matière à une autre et que leur maîtrise implique une pratique dans divers contextes (Beyer 1987). Par exemple, le fait d’apprendre à solutionner des problèmes en mathématiques n’aide pas vraiment à résoudre des problèmes en psychologie ou en aménagement. Troisiè- mement, la pensée est une composante essentielle de l’apprentissage. En effet, on tend de plus en plus à considérer l’appren- tissage comme une restructuration et une révision des schèmes cognitifs de l’élève; cela implique un processus de traitement de l’information qui dépend à la fois de ses connaissances antérieures et de ses habi- letés de pensée. Dans cette optique, la connaissance et la pensée ne s’opposent pas et doivent donc être enseignées de façon concomitante (Bransfort et al. 1986 ; Chambers 1988). C’est dire que les enseignants ont une double responsabilité : d’abord dévelop- per les connaissances de base des élèves, mais aussi leur faire acquérir un répertoire d’habiletés qui leur permettent d’utiliser ces connaissances d’une manière signifi- cative (Nickerson 1988). QU’ENTEND-ON PAR HABILETÉS DE PENSÉE ? Le thesaurus D’ERIC définit cette notion (thinking skills) de la façon suivante : « interrelated, generally “higher-order” co- gnitive skills that enable human beings to comprehend experiences and information, apply knowledge, express complex con- cepts, make decisions, criticise and revise unsuitable constructs, and solve pro- blems ». On peut donc dire qu’il s’agit des opéra- tions (comprendre, appliquer, décider, cri- tiquer, solutionner, etc.) que les élèves sont amenés à effectuer sur un contenu (faits, concepts, principes, etc.) plutôt que ce contenu lui-même. Cette définition met aussi en évidence le fait qu’il s’agit d’habi- letés cognitives d’ordre supérieur, c’est-à- dire des opérations qui dépassent la sim- ple mémorisation d’informations ou l’appli- cation mécanique de règles. On en distingue habituellement trois gran- des catégories : les habiletés de base, les stratégies de pensée et les habiletés métacognitives. Les premières sont des habiletés qui servent au traitement de l’in- formation : synthétiser, interpréter, appli- quer, analyser, évaluer, inférer, etc. Elles constituent la base même du processus de pensée. Les stratégies de pensée sont, quant à elles, constituées d’ensembles d’opérations qui doivent être réalisées en séquence et qui demandent une plus gran- de coordination : solution de problème, prise de décision, pensée critique, etc. Enfin, les habiletés métacognitives sont celles qui permettent de diriger et de con- trôler les deux premières, soit les habiletés de base et les stratégies de pensée ; on y retrouve des opérations de planification, de surveillance et d’évaluation de ses pro- pres processus de pensée. qui sont à la base de ces habiletés de pensée : la tolérance à l’ambiguïté, le res- pect de la vérité et des preuves, le scepti- cisme et la curiosité, etc. Nickerson (1988) suggère quant à lui de développer des attitudes comme l’honnêteté intellectuelle, le respect des opinions qui diffèrent des siennes, la tendance à réfléchir avant d’agir, la curiosité et le désir d’être bien informé, etc. STRATÉGIES POUR DÉVELOPPER LES HABILETÉS DE PENSÉE Qu’en est-il maintenant des stratégies pé- dagogiques qui peuvent être utilisées, dans le cadre des cours, pour favoriser le déve- loppement de ces habiletés et de ces dispositions. De façon générale, on peut en distinguer deux grandes catégories : les stratégies qui favorisent la pratique des habiletés de pensée et celles qui permet- tent plus directement leur apprentissage. Le premier groupe de stratégies vise à créer un environnement pédagogique qui incite les élèves à penser et à réfléchir, et qui met l’accent sur l’utilisation du contenu plutôt que sur son acquisition, alors que le second groupe de stratégies vise spécifi- quement à faire apprendre ces habiletés de pensée, de même que les connaissan- ces et les attitudes qui les supportent. Les stratégies qui favorisent la pratique des habiletés de pensée Rythme de travail permettant de penser La uploads/Philosophie/ definition-des-h-intellectuels-p-18.pdf

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