CHAPITRE 2 - LANGAGE ET PENSEE, DEVELOPPEMENT ET APPRENTISSAGE SELON LEV VYGOTS

CHAPITRE 2 - LANGAGE ET PENSEE, DEVELOPPEMENT ET APPRENTISSAGE SELON LEV VYGOTSKI (1896-1934) : UNE PERSPECTIVE HISTORICO-CULTURELLE DU DEVELOPPEMENT A- Vie et œuvre de Vygotski : Lev Vygotski est né à Orcha, Russie (maintenant en Biélorussie) près de Vitebsk, dans une famille juive et a grandi à Gomel. Il est le second d’une famille de huit enfants. Il se passionne pour le théâtre et dans son adolescence décide d’écrire son nom de famille Vygotski, au lieu de Vygodski. Vygotski a reçu son enseignement primaire à la maison avec un tuteur privé, et est alors entré dans l’école publique pour ses études secondaires. Malgré le « numerus clausus » qui frappait les juifs et du fait que l’histoire et la philosophie lui sont interdites – car elles conduisent au professorat (un juif ne peut avoir d’emploi officiel) – il s’inscrit en médecine, puis en droit à l’université de Moscou (1913 – 1917). En 1915, il écrit un essai sur Hamlet. Ayant terminé simultanément ses deux universités en 1917, il rentre à Gomel avec le désir passionné, mais impossible, d’enseigner la littérature et la psychologie. C’est alors que la révolution d’Octobre abolit toutes les discriminations antisémites ; il se jette dans l’activité politique, il devient député de l’armée rouge. A partir de 1917, il enseigne la langue et la littérature russe à l’école du travail pour les ouvriers adultes, donne des cours de psychologie et de logique à l’institut pédagogique, d’esthétique et d’histoire de l’art au conservatoire, dirige une rubrique théâtrale et fonde une revue littéraire. C’est dans cette période qu’il lit Spinoza et Hegel, Marx et Engels, Freud, Ivan Pavlov et Potebnia (linguiste à Kharkov). En 1919, il contracte la tuberculose. A l’institut pédagogique, il crée un laboratoire de psychologie pour étudier les enfants du « jardin d’enfants ». Il en tire des matériaux pour son livre « psychologie pédagogique »(1926). Vygotski présente en 1924, au 2e Congrès Panrusse de Psycho neurologie à Leningrad, un rapport sur Méthodes de recherches réflexologiques et psychologiques. Thèmes qu’il approfondit peu après dans La conscience comme problème de la psychologie du comportement. Vygotski travaille à l’institut avec Alexandre Luria et Leontiev (un peu plus jeunes que lui) : il cherche à reformuler la théorie psychologique sur des bases marxistes et à inventer des démarches pédagogiques pour lutter contre l’analphabétisme et résoudre des problèmes de défectologie (de la surdité au retard mental). En 1925, il crée un laboratoire de psychologie pour l’enfance anormale, transformé en Institut de défectologie expérimentale du Commissariat du peuple pour l’éducation qu’il dirigera. Délégué au Congrès international sur l’éducation des sourds-muets qui se tient en Angleterre au printemps 1925, il visite l’Allemagne, les Pays-Bas et la France. Thèse psychologie de l’art, qu’il ne parviendra pas à faire éditer. De nouveau à l’hôpital en 1926, il y écrit un essai sur La signification historique de la crise en psychologie, non publié aussi. Conception nouvelle, historico-culturelle du psychisme, et un enseignement en psychologie, en sciences sociales, en éducation et défectologie, etc. Lecteur assidu de Freud, Piaget, Köhler, Stern, Gesell, etc. Il publie des préfaces aux éditions de ces auteurs. Début 1929, sa réputation s’étend en URSS. En 1930, il dirige à Moscou un séminaire avec Luria, Eisenstein et le linguiste Marr. Vygotsky et Luria suggèrent à Pavlov, vers 1932, la notion de « second système de signalisation ». Un système qui introduit le niveau symbolique, c’est-à-dire une médiatisation entre le stimulus et la réponse » Zazzo, 1989. L. S. Vygotski s’est consacré à l’étude du développement de fonctions mentales supérieures. Son œuvre porte sur le développement mental de l’enfant, l’éducation et la psychologie. Ses observations et ses recherches menées sur le terrain et en laboratoire visent à rendre compte de la dialectique du psychisme et du culturel dans la genèse de la personne et dans l’activité humaine. Son apport majeur réside sans doute dans la conception qu’il propose du rôle du langage dans le développement mental. Il fait une place essentielle au langage dit égocentrique, langage ayant une fonction non-communicative et constitué de monologues qui accompagnent l’action chez l’enfant. Vygotski pense qu’il se maintient, mais en s’intériorisant, et que, sous cette forme, il est un instrument très important dans la régulation de l’activité : il oriente cette dernière et permet d’accéder à un mode de régulation de type intentionnel. Prolongeant les idées de Luria, Vygotski en vient à voir dans le langage égocentrique l’instrument d’une planification de l’action. Vygotski dit que le langage égocentrique est aussi présent chez l’adulte, mais silencieusement, et n’apparait qu’en situation de difficulté, de conflit : il est intériorisé. Chez l’enfant, ce langage égocentrique permet une prise de conscience dans la réalisation d’une action, il est utile (contrairement à ce que disait Piaget). -> Test du dessin d’un bord de mer avec des feutres sombres : l’enfant dessine la plage sous la pluie. Le langage égocentrique est donc essentiel, et s’intériorise pour devenir le support de la pensée abstraite, pour résoudre les problèmes sans l’action. Au début, le langage a une fonction de socialisation de l’enfant parmi les siens. En se développant, il y a l’émergence du langage égocentrique qui va s’exprimer, puis s’intérioriser, devenir silencieux, et devenir le support du fonctionnement de la pensée abstraite. Le développement va bien dans le sens de la socialisation vers l’individu. B – Le modèle de transmission sociale : Le modèle de transmission sociale de Vygotski constitue un cadre théorique fort, qui concerne l’étude du psychisme humain comme produit d’une genèse sociale, historico- culturelle, par la médiation de systèmes de signes, principalement du langage. Deux notions principales : 1. l'activité humaine se caractérise par une double transformation : celle du milieu, produite par l’activité de l’homme, et celle de l’activité elle-même, comme résultante des transformations qu’elle a produit. 2. les instruments de ces transformations dialectiques sont à chercher dans les systèmes de signes, essentiellement le langage, qui permet l’intériorisation progressive, en activités mentales, des activités d’abord pratiques. Le groupe humain auquel l’enfant appartient, qui l’accueille en son sein dès la naissance, est façonné de façon particulière par son histoire et sa culture qui trouvent elles-mêmes leur place dans l’évolution historico-culturelle du milieu au sens large auquel ce groupe appartient (langage, conditions, moment historique…). Ainsi, à travers les interactions directes, socio-affectives, c’est un ensemble d’influences sociales qui agissent. La période qui va de la naissance à 2 ans est qualifiée par Vygotski de période pré- linguistique de la pensée. Priorité développementale accordée à la pensée. Les débuts du langage, avec l’apparition des premiers mots, qui se manifestent dans la seconde moitié de la première année, constituent pour Vygotski une expression verbale pré- intellectuelle. La convergence des développements cognitifs et du langage (entre 2 et 3 ans) constitue l’origine, et la spécificité, de la « pensée verbale et du langage intellectuel propre à l’espèce humaine » (Bideaud et al, 1993). Pensée et langage sont intriqués de façon indissociable. Leurs relations sont bidirectionnelles, dans un processus qui va de la pensée au mot et du mot à la pensée. Le langage, principal système de signes, est un instrument psychologique qui « … à la différence des outils matériels n’a pas pour fonction la transformation de la nature mais l’action de l’homme sur lui-même et sur autrui » (Rochex, in Champy & Etevé, 1994). Echanges dialogiques entre l’enfant et l’adulte. Vygotski met l’accent sur l’importance de la culture et le contexte social dans l’apprentissage. Sa théorie est composée de trois concepts centraux : l’internalisation, la médiation sémiotique et la zone proximale de développement (Vygotski, 1978, 1981, 1986). Vygotski élabore une théorie des fonctions psychiques supérieurs grâce à la méthode génétique, conçue comme une « histoire sociale » c’est-à-dire qu’en référence à la théorie sur l’ « excentration » de Leontiev « les transmissions ne sont pas simplement d’ordre héréditaires mais aussi culturelles ». Pour Vygotski, le langage dit « égocentrique » de l’enfant (opposition entre Vygotski et Piaget) a un caractère social et se transformera ensuite en langage dit « intérieur » chez l’adulte et serait un médiateur nécessaire dans le développement et le fonctionnement de la pensée. Vygotski ne fait aucune référence à la biologie, il n’en fait qu’à l’histoire sociale et à la culture : c’est la différence avec Piaget, qui lui ne s’intéresse pas au caractère social et présuppose l’importance de la dimension biologique (le mouvement et l’action sur les objets se transforment en connaissance). C- La loi du développement mental (P.Janet) : Un aspect de la théorie de Vygotski est que les activités sont d’abord effectuées par des enfants sur le plan extérieur, et ensuite, sur le plan interne. « Toute fonction de l’enfant dans son développement culturel apparaît deux fois ou sur deux plans. Tout d’abord, il apparaît sur le plan social, et puis sur le plan psychologique. Tout d’abord, il apparaît entre les personnes comme une catégorie interpsychologique, puis au sein de l’enfant en tant que catégorie intrapsychologique » (Vygotski 1981). L’internalisation consiste à transformer en phénomènes sociaux ou psychologiques des phénomènes ayant pour origine des interactions à la fois externes uploads/Philosophie/ dev1-chap-3.pdf

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