Le rôle des techniques d'intelligence artificielle dans les logiciels de format
Le rôle des techniques d'intelligence artificielle dans les logiciels de formation1 Pierre Dillenbourg & Silvère Martin-Michiellot2 Université de Genève, Suisse Introduction Des motivations différentes ont conduit les scientifiques à appliquer les techniques de l'intelligence artificielle (IA) aux logiciels de formation. D'une part, les développeurs de didacticiels ont cherché des techniques plus puissantes pour construire des systèmes. D'autre part, les chercheurs en informatique et en psychologie cognitive ont trouvé l'opportunité de développer et tester de nouvelles techniques ou de nouveaux modèles théoriques. Cet article ne cherche pas à passer en revue le grand nombre d'idées, de techniques ou de systèmes développés pendant les 15 dernières années de recherche en intelligence artificielle et en éducation (IA&Ed). Le lecteur intéressé par ce sujet peut lire la synthèse de Wenger (1987), qui n'est pas récente mais donne un excellent aperçu des idées et des principes développés en IA&Ed. Nous nous focalisons ici sur un corpus de travaux qui est plutôt stable et constitue le noyau de l'IA&Ed. D'autres applications des techniques de l'IA existent, comme le traitement des langues naturelles, la planification, l'apprentissage automatique... mais elles dépassent le cadre de cet article. L'apport de ce noyau peut être résumé en trois points : 1. La principale contribution de l'IA au logiciel d'éducation et d'entraînement est la possibilité de modéliser l'expertise. Cette expertise est la caractéristique principale des didacticiels basés sur l'IA : le système est capable de résoudre des problèmes que l'apprenant doit résoudre. Le système est compétent dans le domaine à enseigner. Bien sûr, d'autres techniques de programmation peuvent produire une solution correcte. L'apport des techniques de l'IA est moins leur capacité à produire une solution correcte que la manière dont la 1 Article présenté à LEARNTEC 1994, Karlsruhe, le 10 Novembre 1994. 2 Adresse: TECFA (Unité des Sciences de l'Education), Faculté de Psychologie et des Sciences de l'Education, Université de Genève, 9 route de Drize, CH1227 Carouge. Téléphone : +41.22.705.96.93 Adresse électronique: pdillen@divsun.unige.ch solution est construite. Par exemple, des systèmes complexes d'IA ont été conçus pour modéliser la résolution d'une simple soustraction telle '294-98', alors que n'importe quel langage informatique peut fournir la solution correcte (Burton & Brown, 1982). 2. Cette expertise modélisée permet au système de conduire des interactions qui ne pourraient pas l'être si le système travaillait avec des solutions préenregistrées. En effet, les techniques de l'IA permettent les interactions apprenant-expert en cours de résolution de problème. Cependant, bien que l'IA ait été originellement conçue pour reproduire l'intelligence humaine, de la perspective des didacticiels, la qualité des techniques de l'IA n'est pas leur degré de fidélité psychologique mais la mesure dans laquelle elles permettent de mettre en oeuvre des interactions intéressantes. 3. Les formes d'interactions prises en compte par les techniques de l'IA sont importantes lorsque le but est d'acquérir des compétences nécessaires pour résoudre des problèmes complexes. D'autres objectifs d'apprentissage peuvent être atteints avec des techniques d'interaction plus simples, comme les questions à choix multiples. Puisque le développement d'un logiciel fondé sur l'IA est plus coûteux qu'un didacticiel classique, ces techniques ne devraient être utilisées que lorsqu'elles sont vraiment nécessaires. Nous illustrons ces principes avec des exemples pris d'un système imaginaire qui formerait un employé d'agence de voyage à planifier un voyage. Modéliser l'expertise pour l'interaction Imaginons que l'apprenant d'une agence de voyage ait à résoudre le problème suivant. Problème 22 M. Hubert veut aller de Genève à Igloolik au Canada. Il est membre du programme de vol courant de Swissair Départ : 1.04.95 Retour : 10.05.95 Dans un didacticiel classique, l'auteur fournit au système la solution du problème, mémorisée telle quelle. Solution 22 Vol SR434 Genève - Zurich 1.04.94 9 H 40 Vol SR121 Zurich - Ottawa 1.04.94 11 H 45 Vol AC101 Ottawa - Frobisher 2.04.94 9 H 30 Vol AC123 Frobisher-Igloolik 2.04.94 16 H 20 ... Une autre approche consiste à utiliser des techniques de l'IA pour modéliser le processus de raisonnement qui a conduit à cette solution. Les techniques de modélisation de la connaissance décomposent le processus de raisonnement en étapes intermédiaires. La connaissance nécessaire pour chaque étape est généralement décrite sous forme d'une règle 'SI ALORS'. Nous donnons ci-dessous quelque exemples de règles qui pourraient être utilisées pour résoudre le problème présenté ci-dessus. Règle 12 SI la destination est un lieu distant et inconnu, ALORS planifier le voyage via une grande ville de la zone. Règle 33 SI le vol domestique est effectué par une compagnie ALORS planifier le vol international avec cette compagnie. Règle 122 SI le client fait partie d'un programme de vol fréquent d'une compagnie et si cette compagnie a un vol pour la destination du client ALORS choisir un vol sur cette compagnie. Chacune de ces règles code un fragment d'expertise. Le système raisonne en testant la partie 'SI' de chacune des règles. Si les conditions décrites dans la partie 'SI' sont vérifiées, le système actionne la partie 'ALORS' de la règle. Les règles sont générales : les termes 'compagnie', 'destination' ou 'client' sont instanciés par les données du problème. Certaines de ces règles peuvent être contradictoires, telle la 33 et la 112. Le système choisit les règles et les active jusqu'à ce que le problème soit résolu. Dans des systèmes réels, la syntaxe du problème est bien entendu plus formelle que les exemples ci-dessus. Les systèmes fondés sur de tels ensembles de règles sont généralement nommés systèmes basés sur la connaissance ou systèmes basés sur les règles ou encore systèmes experts. La partie du système qui sélectionne les règles, fait les déductions et met à jour le problème est appelée moteur d'inférence. En décomposant l'expertise en fragments, on décompose le raisonnement en étapes intermédiaires. Ces étapes constituent le 'chemin de résolution'. Le principal avantage est que le système peut interagir à propos de chacune de ces étapes. Par exemple, si l'apprenant sélectionne Toronto au lieu d'Ottawa, le système peut demander à l'apprenant de justifier son choix ou peut lui présenter les raisons pour lesquelles il a lui-même sélectionné Ottawa. Cette décomposition constitue la clef qui relie certaines techniques (IA) et certaines interactions : puisque le raisonnement n'est pas traité comme une boîte noire, mais décomposé en étapes intermédiaires, les interactions apprenant- expert 'rentrent' dans le processus solution. Inversement, cela implique que cette approche n'est pas adaptée pour enseigner des compétences élémentaires ou des perceptions élémentaires qui requièrent une pratique intensive (automatisation) plutôt que de la réflexion. Modéliser l'expertise pour l'explication Le second avantage des techniques de l'IA est que le système peut expliquer sa solution. En général, l'explication est la séquence de règles ayant été utilisé par l'expert pour atteindre la solution (la 'trace' de son raisonnement). Le système ne présente pas la règle elle-même, qui est généralement écrite dans un langage formel, mais des textes de commentaire associés à cette règle : Puisque Igloolik est un lieu éloigné et totalement inconnu, j'organise le voyage via une grande ville dans les environs : Ottawa (règle 12) Puisque le vol domestique (Ottawa - Igloolik) est effectué par Air Canada, j'organise le vol international avec Air Canada (règle 33) ... Le rendu de la trace de l'expert à l'apprenant soulève plusieurs problèmes, en particulier la question 'Est-il nécessaire de tout expliquer ?'. Lorsqu'un humain fournit une explication, il l'adapte à celui qui l'écoute. Il modifie en particulier la granularité de l'explication. Si la personne qui explique pense que l'apprenant connaît certaines parties de l'explication, celles-ci peuvent être présentées très brièvement ou même supprimées. Au contraire, pour les parties plus nouvelles, plus difficiles, ou plus discutables de l'explication, l'expert peut produire des explications plus détaillés. Plusieurs solutions ont étés proposées pour adapter l'explication rendue au niveau de l'apprenant. La plus simple est finalement de fournir une explication sous le format d'un hypertexte : l'apprenant peut ainsi décider de survoler certaines parties et de lire plus attentivement d'autres sections, c'est-à-dire d'adapter au niveau de granularité selon ses propres besoins. Néanmoins, le problème de l'explication va plus loin que la production d'un simple texte. Puisque l'explication est la trace du raisonnement de l'expert, la qualité de l'explication dépend de la façon dont la base de règles est conçue. Il est apparu que des connaissances implicites étaient souvent cachées dans les règles, en particulier la connaissance qui détermine l'ordre de sélection des règles. Dans l'exemple ci-dessus, il n'y a pas de connaissance explicite qui détermine si il vaut mieux considérer d'abord la destination finale et travailler à rebours ou commencer de Genève et considérer les vols successivement jusqu'à Igloolik. Dans un système expert, cette décision peut simplement résulter de l'ordre dans lequel les règles sont entrées dans le système. Pour un expert humain, une telle décision peut être cruciale. Le travail de Clancey (1987) a montré qu'il est possible d'extraire cette connaissance stratégique à partir des règles et de la rendre explicite. Cette connaissance stratégique est elle-même exprimée sous forme de règles, appelées métarègles puisqu'elles déterminent la sélection des règles de plus bas niveau. Métarègle 13 SI la destination est un lieu inconnu et éloigné ALORS choisir les règles qui raisonnent à partir de la uploads/Philosophie/ dil-7-4-10-pdf 1 .pdf
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- Publié le Apv 24, 2021
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