Université Saint-Louis-Bruxelles Faculté de philosophie, lettres et sciences hu
Université Saint-Louis-Bruxelles Faculté de philosophie, lettres et sciences humaines Bachelier en philosophie Dissertation autour de la citation de Merleau-Ponty : « Le paradoxe de la philosophie, c’est qu’elle interroge notre expérience muette, pour la faire parler » De Jaegher Natygane Méthodologie de la philosophie et exercices – FILO 1119 Bloc 1 – Camille Brasseur Année académique 2022-2023 Table des matières I. INTRODUCTION ............................................................................................................... 3 II. LA PHILOSOPHIE : SON ESSENCE, SON RÔLE, SA MÉTHODE ......................... 5 III. L’OBJET DE LA PHILOSOPHIE : Quelle Est Cette Expérience Des Sens ? ......... 10 IV. PEINTRE ET PHILOSOPHE : Deux interprètes de l’Invisible ................................ 12 V. CONCLUSION ................................................................................................................. 14 VI. BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................... 16 2 I. INTRODUCTION Nous sommes au milieu du 20ème siècle lorsque Maurice Merleau-Ponty écrit que : « Le paradoxe de la philosophie, c’est qu’elle interroge notre expérience muette, pour la faire parler ». Philosophe français, il publiera tout au long de sa vie, une quinzaine d’ouvrages. De cet ensemble, nous avons étudié cinq des œuvres les plus célèbres. Après lecture de celles-ci, les différentes étapes suivies par Merleau-Ponty pour tirer cette conclusion, nous sont rapidement devenues plus évidentes. Avant de nous avancer sur la suite, revenons brièvement sur deux termes employés par Merleau-Ponty dans sa citation. En effet, son choix de mots est réfléchi. Afin d’être à même de percevoir sa pensée de la manière la plus précise possible, nous avons choisi de concentrer d’abord notre attention sur l’emploi du mot interroger ainsi que de l’expression expérience muette. Si le premier semble d’abord renvoyer à l’acte de questionner, de sonder, nous préciserons dans la suite de notre travail, comment Merleau-Ponty attache à ce verbe, tout une méthode philosophique. Quant à l’expérience muette, elle est à prendre au premier degré. En effet, Merleau-Ponty lui donne de correspondre à l’expérience silencieuse qui précède la parole1. Il l’évoquera sous un autre nom, celui de perception et lui dédiera même un de ses ouvrages les plus importants, Phénoménologie de la perception. A son propos, il écrira notamment : « Dans la perception, nous ne pensons pas l'objet et nous ne nous pensons pas le pensant, nous sommes à l'objet et nous nous confondons avec ce corps qui en sait plus que nous sur le monde, sur les motifs et les moyens qu'on a d'en faire la synthèse. »2 La réflexion qui entoure le sens donné par Merleau-Ponty à ces termes, nous a poussées à considérer la rédaction d’une problématique. En effet, notre vision de la philosophie entre en conflit, sur certains points, avec celle que lui accorde Merleau-Ponty. C’est pourquoi dans ce travail, nous chercherons à apporter une réponse pertinente à la problématique suivante, fondée sur sa citation : La philosophie peut-elle se définir comme l’instrument de questionnement sur l’expérience des sens ? 1 LECONTE P., « Deux lectures de Merleau-Ponty », in L’Enseignement philosophique, n° 1, Paris, Association des professeurs de philosophie de l’enseignement public, 2015, p. 25. 2 MERLEAU-PONTY M., Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1976, pp. 292-293. 3 Par l’expérience des sens, nous entendons non seulement celle liée à la perception par le corps (à l’aide des 5 sens) mais aussi à celle qui est intelligible (le réel tout comme les sentiments, les émotions). A l’instar de Paul Klee, nous accordons à la réalité qu’elle « comprend tout autant celle qui se situe à l’extérieur de nous que celle des émotions et de la sensibilité. »3 Ce travail de dissertation commencera par la mise en lumière des divergences et convergences entre le sens donné à la philosophie par Merleau-Ponty et le rôle que nous lui prêtons supposément dans notre problématique. Ensuite, nous établirons le lien de similarité entre l’artiste et le philosophe en leur qualité d’interprète du monde réel et ce, afin d’offrir une illustration aux propos tenus dans la première partie de notre travail. En guise de conclusion, nous reviendrons brièvement sur les éléments pertinents de notre travail d’argumentation tout en tâchant d’offrir une réponse à la problématique posée dans notre introduction, sans toutefois oublier de laisser place à une ouverture. 3 KLEE P., La théorie de l’art moderne, Paris, Folio Essais, 1998, p. 83. 4 II. LA PHILOSOPHIE : SON ESSENCE, SON RÔLE, SA MÉTHODE Ce premier chapitre choisit de s’intéresser à la formulation d’une définition pour la philosophie. Nous avons choisi de la diviser en trois parties et chacune sera mise en lien avec la vision de Merleau-Ponty. La première sera consacrée à la mise en évidence de ce qu’on appelle l’essence de la philosophie. La seconde reviendra sur la méthode philosophique qui réside en l’acte d’interrogation. Et pour finir, nous remettrons en question le rôle attribué à la philosophie. L’essence de la philosophie Le Grand Robert définit la philosophie comme l’« ensemble des questions que l'être humain peut se poser sur lui-même et examen des réponses qu'il peut y apporter ; vision systématique et générale (mais non scientifique) du monde. »4 Merleau-Ponty, à son tour, la définit comme étant « la foi perceptive s'interrogeant sur elle-même. On peut dire d'elle, comme de toute foi, qu'elle est foi parce qu'elle est possibilité de doute, et cet infatigable parcours des choses, qui est notre vie, est aussi une interrogation continuée. Ce n'est pas seulement la philosophie, c'est d'abord le regard qui interroge les choses. »5 Il ajoute que la philosophie « précisément comme « Être parlant en nous », expression de l'expérience muette par soi, est création. »6 Nous choisissons de définir la philosophie comme étant la discipline qui offre à l’Homme le cadre, sans lui soustraire sa liberté, pour questionner son origine ainsi que celle des phénomènes qui l’entourent, sans jamais le juger ou vouloir enfermer sa pensée dans un carcan de présupposés intellectuels. Elle est la voix qui chuchote à l’oreille de l’Homme qu’il soit enfant ou vieillard, qui le rassure en lui soufflant qu’avant lui, elle en a vu un millier d’autres se perdre pour mieux se trouver, sans toutefois abandonner leur quête de vérité. Elle est la torche qui éclaire la voie vers la vérité absolue, sans prétendre l’avoir jamais obtenue. La philosophie s’écrit et se chante dans toutes les langues car son essence ne peut se traduire en mots bien que ce soit à travers la pensée et puis par eux qu’elle trouve le moyen de 4 REY A., et REY-DEBOVE J., Le Petit Robert de la Langue Française, Paris, Le Robert, coll. « Nouveau petit Robert », 2021, p. 1244. 5 MERLEAU-PONTY M., Le visible et l’invisible, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1979, p. 247. 6 Ibid. 5 s’exprimer. Nous rejoignons Merleau-Ponty sur le fait que « s'il y a une philosophie, c'est seulement en tant qu'idéale et comme telle inaccessible, car la réalité concrète de la philosophie consiste en une multiplicité de parcours singuliers de la même question […]. »7 En effet, le même chemin n’est pas emprunté deux fois bien que la destination reste la même. La philosophie survit au mal du Temps car elle se renouvelle sans perdre son essence. Elle offre à l’Homme de « rapprendre à voir le monde, et en ce sens une histoire racontée peut signifier le monde avec autant de profondeur qu'un traité de philosophie. »8 La méthode philosophique Dans son second ouvrage Phénoménologie de la perception, Merleau-Ponty introduit la phénoménologie comme sa méthodologie philosophique. Il la présente comme « l’étude des essences et [de] tous les problèmes, […] : L’essence de la perception, l’essence de la conscience par exemple. Mais la phénoménologie, c’est aussi une philosophie qui replace les essences dans l’existence et ne pense pas qu’on puisse comprendre l’homme et le monde autrement qu’à partir de leur facticité. »9 Dans le visible et l’invisible, Merleau-Ponty renchérit que la phénoménologie « […] demande à notre expérience du monde ce qu'est le monde avant qu'il soit chose dont on parle et qui va de soi, avant qu'il ait été réduit en un ensemble de significations maniables, disponibles ; elle pose cette question à notre vie muette, elle s'adresse à ce mélange du monde et de nous qui précède la réflexion […]. »10 D’autre part, Socrate, philosophe grec de l’Antiquité, lui, use de la dialectique comme de l'art de faire naître ou plutôt, de faire accoucher l’esprit (la maïeutique)11. Cet art consiste à mettre en dialogue deux discours à première vue contradictoires et cela, au travers d’une série progressive de questions, pour tenter d’atteindre une forme de vérité supérieure. Au travers de la dialectique, l’Homme qui s’interroge sera amené à retrouver la véritable connaissance qui réside en lui. En effet, Socrate prétend que celui qui s’avoue ignorant (l’ironie) se découvrira finalement savant12. 7 RICHIR M., et CHAR R., « Le sens de la phénoménologie dans ‘ Le visible et l’invisible’ », in Esprit, n° 66, Paris, Éditions Esprit, 1982, p. 126. 8 MERLEAU-PONTY M., Phénoménologie de la perception, op. cit., p. 27. 9 Ibid., p. 657. 10 MERLEAU-PONTY M., Le visible et l’invisible, op. cit., p. 136. 11 MATTEI J.-F., « Logos. L'art dialectique », in Platon, n° 2, Paris, uploads/Philosophie/ dissertation-natygane-de-jaegher-vf.pdf
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- Publié le Jul 26, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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