O. Decroly V. Épreuve nouvelle pour l'examen mental et son application aux enfa
O. Decroly V. Épreuve nouvelle pour l'examen mental et son application aux enfants anormaux In: L'année psychologique. 1913 vol. 20. pp. 140-159. Citer ce document / Cite this document : Decroly O. V. Épreuve nouvelle pour l'examen mental et son application aux enfants anormaux. In: L'année psychologique. 1913 vol. 20. pp. 140-159. doi : 10.3406/psy.1913.4328 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1913_num_20_1_4328 EPREUVE NOUVELLE POUR L'EXAMEN MENTAL ET SON APPLICATION AUX ENFANTS ANORMAUX Par le Dr 0. Decroly. Les applications de l'examen mental s'étendent de plus en plus ; après avoir été utilisé pour établir l'état intellectuel des aliènes et des criminels, il a été préconisé pour permettre de différencier diverses catégories d'enfants anormaux. Récemment, une nouvelle extension en a été tentée à la recherche des aptitudes professionnelles et en particulier des aptitudes à la profession militaire. En ce qui concerne plus particulièrement les enfants anor maux, un grand pas fut fait lorsque, sollicité par le gouverne ment français, Binet établit une méthode spéciale qui attira bientôt l'attention des pédagogues et des pédologues de tous les pays. De toutes parts ont surgi des travaux de contrôle dont la grande majorité ont confirmé, sinon la valeur de la méthode dans son intégralité, du moins l'importance du principe. Nous avons été les premiers à mettre à l'épreuve les tests proposés et les avons appliqués dans diverses conditions. Tout en confi rmant, dans nos diverses expériences de contrôle, que Binet était dans la bonne voie, nous avions, dès le début, signalé des lacunes dans le classement des épreuves et contesté la valeur de certaines d'entre elles. Remarquons d'ailleurs que Binet et son collaborateur Simon ont modifié leur première série de 1905 et proposé par deux fois des changements qui ont été publiés en 1908 et 1911, et qu'il est probable que, si la mort n'avait pas enlevé l'inspirateur regretté de la méthode, elle eût encore subi bien des remanie ments. Nous ne nous attarderons pas à exposer les desiderata DECROLY. — ÉPREUVE NOUVELLE POUR L'EXAMEN MENTAL 141 qui restent à combler, et sur lesquels nous avons encore eu l'occasion de revenir dans trois études récentes anxquelles on peut se reporter1. Nous ne retiendrons ici que ce qui intéresse plus particuli èrement le travail présent. Parmi les épreuves de la série de Binet et Simon, il en est peu qui permettent d'examiner l'état des activités mentales supérieures, sans que le langage y joue un rôle prépondérant. Ces épreuves, qui se multiplient surtout à partir de dix ans, sont par conséquent inapplicables aux enfants qui ont quelque défec tuosité du côté de la compréhension ou du maniement du lan gage; ils se trouvent ainsi défavorisés et risquent d'être mal jugés. Placés dans des conditions favorables pour nous rendre compte des exigences de la pratique, nous avons été frappés plus particulièrement par l'urgence qu'il y avait à perfectionner les épreuves de jugement, en les rendant moins exclusivement tributaires du langage, de même qu'à chercher des épreuves où la logique et le jugement étaient susceptibles de se manifester sans intervention du mot. Dans cet article, nous insisterons surtout sur les recherches entreprises à propos d'une épreuve que nous avons déjà décrite à grands traits dans l'une des études susdites (Rapport) pré sentée au 3e congrès international de neurologie et de psychiat rie de Bruxelles (1913). But du test. — Permettre de découvrir, chez le sujet observé, l'aptitude à coordonner des idées plus ou moins complexes pour en tirer la conclusion logique sans qu'il y ait de difficulté spéciale à comprendre les questions posées, ou à exprimer sa propre pensée, tel est le but de ce test. Description. — L'épreuve consiste à faire placer dans l'ordre rationnel des images isolées qui représentent une succession d'événements liés entre eux et aboutissant à une conclusion logique. Ces images sont choisies dans les livres ou les jour naux illustrés à l'usage de l'enfance et de la jeunesse. Ces images ont comme avantage d'exciter l'intérêt de l'enfant, parce 1. Decroly, L'examen mental des délinquants juvéniles à propos des rapports de l'anormalité et de l'enfance abandonnée. Communication faite au Coagrès international de la protection de l'enfance, juillet 1913. — Examen mental des Enfants anormaux. IIIe Congrès international de Neurologie et de Psychiatrie, Gand, 20-21 août 1913. — Les classes homogènes et l'examen mental par la méthode des tests de Binet et Simon, Revue de Pédotechnie, octobre-novembre 1913. 142 MÉMOIRES ORIGINAUX qu'elles montrent des scènes plus ou moins amusantes, qui appartiennent à la vie enfantine et dont le dénouement est facile à interpréter. Desiderata. — Parmi les desiderata à remplir pour rendre ce test utilisable, notons la nécessité : 1° De découvrir plu sieurs séries d'images adaptées à des âges divers et devenant donc de plus en plus difficiles à assembler logiquement en él iminant les séries qui prêtent à équivoque et dont la solution est sujette à plus d'une interprétation ; 2° De trouver des épreuves qui fussent d'application aisée, sans préparation trop spéciale, ni pour l'expérimentateur ni pour l'examiné; 3° D'avoir des épreuves qui fussent rapides, de manière à pouvoir être appliquées sur une grande échelle sans nécessiter trop de temps ; 4° D'aboutir à des résultats qui fussent susceptibles d'être évalués d'une manière suffisamment précise pour échapper aux inconvénients d'une estimation subjective. Parmi les tests qui ont pour but de mettre en évidence le jugement et surtout le jugement logique de l'enfant sans inter vention prépondérante du langage, je ne puis citer, à ma con naissance, que la série d'images avec absurdité de Toulouse et Piéron (Technique de Psychologie expérimentale, 2e édition) et celles de Rossolimo1; aussi les épreuves d'ingéniosité (Findeig- keit) de ce dernier mettent à contribution la logique, mais cette fois appliquée directement à la solution pratique d'un petit problème de mécanique, et partiellement indépendant de toute expérience antérieure. Mais l'estimation du résultat est beau coup moins aisée avec ces épreuves, leur application demande beaucoup plus de temps, et les nuances entre les divers types de réponses ne sont pas aussi caractéristiques que ce que nous obtenons au moyen de nos épreuves. Quant aux épreuves où le langage a un rôle dominant, c'est l'épreuve des fables ou des proverbes, proposée par divers auteurs américains 2 et introduite dernièrement par Meumann (V. Vorlesungen, VII, 2e édition) dans sa série, qui se rapproche le plus de celle que nous avons expérimentée. 1. Die psychologische Profite; zur quantitative Messung der psychis chen Vorgänge in normalen u. patholog. Fälle, Klin. f. psych. Krankh., V, vi, 1911. 2. Terman et Childs, A tentative revision and extension of the Binet- Simon measuring scale of Intelligence, Journ. of Ed. Psychol., 1912. DECROLY. — ÉPREUVE NOUVELLE POUR L'EXAMEN MENTAL 143 Dans un cas l'enfant doit tirer la conclusion de la fable qu'on1 lui raconte, dans l'autre il fait l'inverse pour ainsi dire en expliquant la signification d'un proverbe ou d'un aphorisme. Incontestablement; ce sont là des épreuves qui mettent en jeu la logique de l'enfant, mais quel jugement peut-on en inférer à propos d'enfants qui, comme la plupart de ceux qui fréquent ent les quartiers pauvres, n'ont qu'un vocabulaire de com préhension et d'expression extrêmement restreint, surtout dans les localités où, comme à Bruxelles, deux langues et plusieurs patois sont employés dans les milieux où ils vivent? Une autre épreuve avec langage, qui mériterait d'être expéri mentée, nous est suggérée par notre épreuve d'images elles- mêmes : elle consisterait à écrire sur une feuille de papier ou sur de petits cartons séparés, ou encore au tableau noir, une série de phrases exprimant chacune une idée faisant partie d'un tout logique, mais non rangées dans l'ordre; l'enfant aurait à réta blir cet ordre. Sans doute les résultats seraient différents de ceux que donnent les images et les verbaux seraient sûrement avantagés d'autant plus qu'on leur sert les idées toutes faites. Méthode. — Pour opérer, voici comment on procède : a) On met dans les mains du sujet le paquet d'images appar tenant à une des séries ; les images sont placées dans un ordre toujours pareil, mais qui n'est pas l'ordre logique du dessina teur qui les a composées '. b) On demande qu'il les dispose de manière à ce qu'elles com posent une histoire suivie et on s'assure qu'il ne connaît pas déjà le thème. c) On note le temps nécessaire pour la disposition des images et l'ordre dans lequel elles sont placées. d) Si cet ordre n'est pas rationnel, on demande au sujet de raconter l'histoire comme il la comprend; on prend note de ce qu'il dit. e) S'il corrige en racontant, on en tient compte. f) Lorsque le sujet n'en sort pas et qu'il paraît ne pas avoir 1. Dans les expériences qui sont encore en cours, nous avons modifié le mode d'opérer en ce que, au lieu de remettre le paquet dans les mains de l'enfant, nous disposons les images sur la table dans un ordre ill ogique, toujours le même; nous couvrons d'un papier qui n'est enlevé qu'au moment où nous voulons faire commencer le classement et après avoir fourni les explications utiles. Nous nous proposons aussi d'opérer sur uploads/Philosophie/ epreuve-nouvelle-pour-l-x27-examen-mental-et-son-application-aux-enfants-anormaux.pdf
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