APPRENDRE À ÊTRE SEUL EN PRÉSENCE DE L'AUTRE Jacques Arènes L’Esprit du temps |
APPRENDRE À ÊTRE SEUL EN PRÉSENCE DE L'AUTRE Jacques Arènes L’Esprit du temps | « Imaginaire & Inconscient » 2007/2 n° 20 | pages 123 à 135 ISSN 1628-9676 ISBN 9782847951141 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-imaginaire-et-inconscient-2007-2-page-123.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Jacques Arènes, « Apprendre à être seul en présence de l'autre », Imaginaire & Inconscient 2007/2 (n° 20), p. 123-135. DOI 10.3917/imin.020.0123 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour L’Esprit du temps. © L’Esprit du temps. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Document téléchargé depuis www.cairn.info - Cité internationale universitaire de Paris - - 193.52.24.30 - 26/08/2018 23h11. © L?Esprit du temps Document téléchargé depuis www.cairn.info - Cité internationale universitaire de Paris - - 193.52.24.30 - 26/08/2018 23h11. © L?Esprit du temps Apprendre à être seul en présence de l’autre Jacques Arènes Notre culture met en avant une négativité de la solitude, d’une « mauvaise » solitude liée au manque. Mais, la solitude comporte bien des aspects qu’ils s’agit d’élucider : si la solitude peut être marquante dans l’insupportable de l’abandon, elle est parfois lieu de création. Et la création est alors configurée à l’idée de création de soi, et même de création du « soi ». Apprendre à être seul en présence de l’autre c’est tout autant apprendre à être soi en présence de l’autre. Le sujet n’est pas solitaire La notion de subjectivation, fait référence, dans la psychanalyse moderne, à une intersubjectivité primaire, une quête de liens avec l’autre présente d’emblée dans la dynamique du nourrisson. Ce lien intersubjectal humanisant traduit le fait que la relation à l’autre participe à la construction de soi, qu’elle est ressort de changement. La conception freudienne du narcissisme primaire, comme état d’autoinvestissement antérieur à toute relation d’objet, est aujourd’hui remise en cause. La question est bien de soutenir – ou non – l’idée de la présence de l’autre en soi dès le commencement1. Certains abandonnent, pour partie, toute référence à un centre, que ce soit la conscience, le moi ou le soi, et mettent en avant le fait que notre monde interne est tissé de liens, « avec des positions subjectales en interjeu permanent, conflictuelles et cependant associées2. » L’avènement du sujet, en lien avec d’autres sujets, se noue dans des expériences subjectives qui ne se déploient pas dans une séparation ontologique mais dans une empathie, une copensée entre deux appareils psychiques. Le sujet dont il est question est celui qui tend à l’unification, dans un processus où celle-ci demeure toujours comme horizon, au-delà du moi et des mécanismes de défenses, et dont la reconnaissance serait le fait ultime de l’entreprise analytique. Parallèlement au moi et à ses mécanisme de défenses, cette lignée subjectale, relève de l’unité Imaginaire & Inconscient, 2007/20, 123-135. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Cité internationale universitaire de Paris - - 193.52.24.30 - 26/08/2018 23h11. © L?Esprit du temps Document téléchargé depuis www.cairn.info - Cité internationale universitaire de Paris - - 193.52.24.30 - 26/08/2018 23h11. © L?Esprit du temps IMAGINAIRE & INCONSCIENT 124 impliquant le soi, unité phénoménologique de la personne, comme l’identité d’Erikson3 (en perpétuel devenir) et le « je » de Pierra Aulagnier4. Le sujet de la subjectivation n’est pas celui de la philosophie, de la connaissance et de la grammaire, il serait en quelque sorte l’appareil psychique dans son entier5. Il représenterait une personne ayant accès à l’autoréférence, et qui a donc une activité lui donnant accès à sa propre activité et donc pouvant l’infléchir. La subjectivation dont parle Foucault est un processus, un travail qui débouche sur une transformation6. Elle trouve son modèle dans l’adolescence, mais aussi, chez l’adulte dans la clinique des états limites. Le concept de subjectivation tend à comprendre l’évolutivité des troubles psychiques où se croise la névrose, la psychose et les pathologies autres. C’est un terme dynamique qui insiste sur la processualité, dans un enjeu de maintenir une « continuité d’être », selon une expression de Winnicott. Le « devenir sujet » met en jeu des forces principalement inconscientes. Le sujet tissé par la subjectivation n’est pas préexistant au processus. Il émerge à tout moment des virtualités subjectives, dans un mouvement de création et de recréation permanente. L’autoréflexivité produit ainsi du sujet. Et le sujet conséquence de cette autoréflexivité n’est jamais totalement « cristallisé ». La question du réel surgit de la notion de subjectivation. Car la théorie que l’on peut en faire ne peut contourner le rapport à l’environnement. « [La subjectivation] est donc ce processus, en partie inconscient, par lequel un individu se reconnaît dans sa manière de donner sens au réel, au moyen d’une activité de symbolisation. Compte tenu de cette définition, la subjectivation serait-elle une démarche passablement solipsiste ou relève-t-elle d’un partage de l’intersubjectivité7 ? » La cure, dans cette reconnaissance des effets du réel traumatique sur les déchirures symboliques du psychisme du sujet se déroulera dans un travail de cosubjectivation, afin de construire « une texture de vie, là où l’analysant se tient sur une corde raide, quand il ne marche pas sur le vide8. » La subjectivation est donc ce qui permettrait d’élaborer les traumatismes et de surmonter l’omnipotence narcissique. Le « devenir sujet » nécessite l’expérience de certaines formes d’intersubjectivité désignées comme fonctions subjectalisantes par Raymond Cahn9. Le devenir sujet est rendu possible par « l’internalisation d’une continuité d’existence et d’un sentiment de confiance, qui s’étaye sur une matrice intersubjectalisante du groupe familial10. » Wainrib fait clairement le choix d’une subjectivation se déployant en fonction de liens à des objets investis eux-mêmes en tant que sujets, dans le refus du simplisme d’une certaine psychanalyse de la relation d’objet où une seule personne tiendrait le rôle de sujet alors que l’autre se verrait imposer celle de l’objet. « Il me semble préférable de concevoir les interférences entre le développement des logiques intrapsychiques et ce qui se joue sur la scène du lien avec les autres11. » La subjectalisation appelle la Document téléchargé depuis www.cairn.info - Cité internationale universitaire de Paris - - 193.52.24.30 - 26/08/2018 23h11. © L?Esprit du temps Document téléchargé depuis www.cairn.info - Cité internationale universitaire de Paris - - 193.52.24.30 - 26/08/2018 23h11. © L?Esprit du temps JACQUES ARÈNES • APPRENDRE À ÊTRE SEUL EN PRÉSENCE DE L’AUTRE 125 subjectalisation, dans un accordage – par exemple entre mère et nourrisson –, une corêverie. Le réel, la culture, dans son tissage serré de liens intesubjectifs, entraînent aussi un travail de subjectivation où l’assimilation des différences fondamentales se fait dans un écho des harmoniques de ces mêmes différences, comme limites bordant et donnant corps au sujet et lui signifiant la perte de son rêve de toute puissance. Histoire et solitude Le rapport à la solitude a une histoire. Le terme même de solitude est apparu dans la langue française au xiiie siècle, pour désigner le caractère, l’atmosphère isolés d’un lieu, et cette signification s’est étendue jusqu’à désigner un lieu désert, non fréquenté. Mais le lieu extérieur est en correspondance avec le lieu intérieur : c’est au même siècle que les historiens Ariès et Duby situent l’émergence de la valorisation de la solitude et d’une certaine forme de repli sur soi12. La notion de solitude se met en place en même temps que s’élargissent les possibilités d’un espace intérieur13. Des figures de solitaires émergeaient évidemment auparavant, comme celles du chevalier errant ou de l’ermite, mais telles des figures héroïques vouées aux exploits ou au salut de l’âme. L’effrayante solitude pouvait être recherchée par le fou, mais aussi par celui qui souhaitait s’affronter à l’épreuve : la solitude était ainsi essentiellement voulue. Si la notion de solitude apparaît au Moyen-âge, c’est que la possibilité de rechercher la solitude devient réelle. Un espace psychique interne, et une possibilité concrète de s’isoler sont rendus progressivement possibles au cours de l’histoire, et l’être humain du xxie siècle, qui s’intéresse diablement à tout ce qui se passe en lui, découvre que la durée du lien n’a rien d’évident. Dans ce long cheminement depuis l’homme médiéval, la solitude apparaît comme la possibilité de la « réalisation » progressive de soi. La solitude dans sa négativité, la solitude du manque, fait référence à cette perte possible du lien qui est de l’ordre du réel. Il existe aujourd’hui un véritable trauma de la solitude. La solitude comme trauma Aux contraintes collectives fortes d’antan, ont succédé une liberté, mais aussi une injonction de créer le lien particulier à notre culture. Nous avons tous des parents, une famille d’origine, même minimale, mais l’inégalité devant la « uploads/Philosophie/ solitude-pdf 2 .pdf
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- Publié le Sep 26, 2022
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