Le discours aspectualisé Actes du colloque «Linguistique et Sémiotique I» tenu

Le discours aspectualisé Actes du colloque «Linguistique et Sémiotique I» tenu à l'Université de Limoges du 2 au 4 février 1989 sous la direction de Jacques FONTANILLE Préface de Algirdas Julien GREIMAS et Jacques FONTANILLE PULIM / BENJAMINS Limoges / Amsterdam / Philadelphia 1 9 9 1 SOMMAIRE A.-J. GREIMAS, J. FONTANILLE, Avant-propos 5 Bernard POTTIER. L'aspect dans l'événement 17 Gérard GONFROY, Enquête sur la préhistoire de la notion d'aspect verbal ... 25 Zlatka GUENTCHEVA, L'opposition perfectif/imperfectif et la notion d'achèvement 49 Lene FOGSGAARD, Aspectualité et véridiction dans le système copulatif espagnol, imperfectivité et perfectivité à propos de SER/ESTAR 67 Claude ZILBERBERG, Aspectualisation et dynamique discursives 83 Diana LUZ PESSOA DE BARROS, Deux questions sur l'aspectualisation des blocs 105 Francesco MARSCIANI, Problèmes d'aspectualisation dans deux définitions de la «vergogna» 115 Jacques FONTANILLE, Aspectualisation, quantification, et mise en discours 127 C.H. van SCHOONEVELD, L'aspect et le temps verbaux en tant que composants de la structure linguistique 145 Per Aage BRANDT, La vibration du temps. De l'aspectualité 165 Jean PETITOT, Le schématisme morphodynamique de l'aspectualité 177 Jean-Claude COQUET, Temps ou aspect? Le problème du devenir 195 HORS COLLOQUE Michel COLIN, Logique d'intervalle et relations temporelles dans la bande-image 215 Pierre BOUDON, Un principe monadologique pour la représentation des connaissances 225 Avant-propos L'objectif affiché du colloque « Le Discours aspectualisé » était d'examiner à quelles conditions on peut passer d'une conception phrastique et linguistique de l'aspect à une théorie de l'aspectuali- sation discursive en sémiotique. La confrontation de plusieurs disciplines et de plusieurs méthodes - linguistique générale, linguis­ tique historique, sciences cognitives, sémiotique, entre autres - devait permettre de cerner les effets théoriques de ce changement d'objet et de dimension, et d'en mesurer, dans la mesure du possible, les répercussions épistémologiques. Comme il était prévisible, la mise en commun des recherches et des réflexions des participants a conduit à reformuler la probléma­ tique, à déplacer certaines questions et à en poser de nouvelles. L'éventail des réponses à la demande initiale est largement ouvert, depuis la thèse défendue par B. Pottier, qui consiste à affirmer qu'une telle transposition est de droit, jusqu'à celle de J.-Cl. Coquet, qui considère que l'aspectualité ressortit d'une sémiotique impropre à l'analyse du discours stricto sensu, et que la sémiotique discursive devrait plutôt s'occuper du temps. Au premier abord, la rencontre entre linguistes, sémioticiens et cognitivistes se traduit par une confrontation conceptuelle et terminologique, qui rend nécessaire une brève mise au point préa­ lable. Ensuite, de très nombreuses réflexions sur les relations entre «continu» et «discontinu», et l'apparente impossibilité où nous nous trouvons de décider lequel présuppose l'autre, amènent à s'interroger sur le parcours génératif de la signification, sur son organisation, sur la manière dont on peut y disposer le continu et le 6 discontinu, sur la place des univers de tensions et des équilibres variables et modulables. D'un autre côté, évoquer l'aspect, c'est immanquablement évoquer ses relations avec le temps ; les distinc­ tions pullulent : temps interne/temps externe, temps impliqué/ex­ pliqué, temps/tempo/durée, aspect/temps/devenir, etc., et un premier panorama de ces relations ne semble pas inutile. Toutes ces questions débouchent enfin sur une réflexion épistémologique, car la question de l'aspect concerne au premier chef la théorie de la connaissance. 1. Aspect/aspectualité/aspectualisation Comme le fait remarquer G. Gonfroy, la question de l'aspect est strictement liée à la linguistique du verbe et du syntagme verbal, et il n'est pas très heureux de confondre trop de phénomènes différents sous une seule appellation. On retrouve ici la difficulté qu'il y a à passer d'un phénomène (à la fois linguistique et discursiD à un objet (morphologique vs cognitif vs sémiotique) ; saisi sous divers angles théoriques et méthodologiques, l'aspect se révèle recouvrir aussi bien des morphèmes que des opérations, une catégorie qu'une dimension. Sans préjuger de l'homogénéité ou de l'hétérogénéité de la problématique, il paraît sage de fixer provisoirement quelques termes : - l'«as pect» pourrait être réservé à la catégorie morpho­ sémantique utilisée dans la description du verbe et du syntagme verbal ; - l'«as pectuaté» recouvrirait alors l'ensemble de la configura­ tion sémantico-syntaxique qui sous-tend et déborde à la fois l'aspect proprement dit : l'aspectualité est à ce titre une des dimensions du discours ; - l'«as pectualisatïon» désignerait une procédure, un ensemble d'opérations qui aboutirait à l'aspectualité comme résultat ; à ce titre, elle concerne l'économie générale de la théorie, et plus parti­ culièrement les relations du continu et du discontinu. De fait, de nombreuses observations morphologiques (appar­ tenant en principe au champ de 1'«aspect») révèlent l'existence d'une problématique englobante (celle de 1'«aspectualité») : par exemple, l'interprétation «aspectuelle» de certains pré­ déterminants du nom (J. Fontanille, Z. Guentcheva, G. Gonfroy, Cl. Zilberberg, citant eux-mêmes G. Guillaume, R. Martin ou 7 F. Rastier), qui révèle les interférences entre l'aspectualité, la quan­ tité et l'actantialité, entre l'extension du procès et la quantification appliquée aux actants ; de même, toutes les remarques qui, partant de l'étude de l'aspect verbal, montrent l'inévitable intrication de ce dernier avec la représentation de véritables configurations évé­ nementielles (Brandt, Guentcheva, Pottier), font apparaître à l'évidence qu'on ne peut mettre entre parenthèses, même dans une conception linguistique de l'aspect, les agencements narratifs et discursifs. 2. Aspects et aspect A trop généraliser ou étendre le champ de l'aspect, on rencontre vite l'usage courant de ce terme en langue naturelle, à savoir la multitude des aspects d'une situation, d'un objet, d'un lieu, d'une personne. Cette extension du domaine n'est pourtant pas illégitime, car, comme le montre P. Boudon, elle repose sur un noyau défini­ tionel commun : la quantification, la pluralisation des figures du monde au moment de leur saisie perceptive. L'aspect reconnu dans les procès, l'aspectualité prise en charge par les figures du temps, de l'espace et de l'acteur, ne seraient alors à ce compte qu'un cas particulier d'un phénomène beaucoup plus général et, somme toute, d'une grande banalité. Banalité n'est pas, en l'occurrence, trivialité, car, à inclure la question de l'aspect et de l'aspectualité dans celle, plus générale, des «aspects» du monde naturel, de ses figures et de ses configurations, on ajoute deux difficultés majeures : la première tient au fait que l'aspectualisation n'affecterait plus seulement la composante syntaxique, mais aussi la composante sémantique (cf les «temp- lums» de Boudon) ; la seconde tient au fait que l'aspectualisation devient alors le titre d'un problème épistémologique, sollicitant un pan entier de la théorie de la connaissance, et en particulier la ques­ tion des points de vue et de l'observateur (L. Fogsgaard, J. Fonta- nille). 3. Du continu et du discontinu L'extension du champ de réflexion amène plusieurs auteurs à formuler quelques concepts, à convoquer quelques «méta- 8 catégories» qui, tout en n'étant pas proprement aspectuels, fondent pourtant l'analyse. Qu'elles soient formulées comme «continui­ té/rupture» (D. Pessoa Luz de Barros), « durativité/ponctualité » (F. Marsciani). «perfectivité/interruption/imperfectivité» (Z. Guentcheva), «démarcation/segmentation» (Cl. Zilberberg), ou «schéma analy tique/visée» (B. Pottier), ces catégories renvoient toutes peu ou prou, explicitement ou implicitement, à la distinction continu/discontinu ; ce qui ne signifie pas, comme on le verra, qu'elles soient superposables, loin de là. Le débat exploite de fait deux types de continuité et de discon­ tinuité : tantôt externe au procès (c'est le cas de la démarcation et de la perfectivité), tantôt interne (c'est le cas de la segmentation et de la distinction, classique en sémiotique, entre «inchoatif», «duratif» et «terminatif»). Mais la distinction entre fonctionnement « interne » et fonctionnement «externe» présuppose elle-même une discrétisation du devenir en procès et en actants, qui est le sous- bassement de toute réflexion sur l'aspectualité. Par ailleurs, M. Colin propose une définition simple et opéra­ toire du «discret» : un intervalle est discret si la frontière qui le sépare d'un intervalle adjacent est double ; il faut en quelque sorte une frontière propre à chaque intervalle. On pourrait alors envisager de distinguer : - le continu, susceptible seulement de variations d'équilibres et de modulations, - le discontinu, comportant ruptures et fractures, mais à raison d'une seule frontière à chaque interruption - un seuil, en quelque sorte -, - le discret, qui requiert deux frontières à chaque interruption, c'est-à-dire, d'une certaine manière, une véritable solution de continuité, aussi minime soit-elle. Mais la difficulté reste entière, car la discussion se focalise non pas sur la définition et le nombre de ces différents modes sémioti- ques, mais sur leur statut et leurs positions respectives. Dans les diverses contributions ici rassemblées, le partage se fonde sur la relation d'ordre, et de présupposition, entre continu et discontinu : pour les uns, le continu est premier, et engendre la discontinuité grâce à l'intervention d'une visée, d'une saisie (M. Colin, J. Fonta- nille, B. Pottier, entre autres), alors que pour d'autres, le discontinu est à l'origine, comme principe organisateur du sémio-narratif, et le continu caractérise une autre dimension, celle du discours pro­ prement dit, voire une autre sémiotique, dite «subjectale» (J.-Cl. Coquet). 9 J. Petitot systématise et réinterprète cette alternative comme un choix entre deux chemins épistémologiques : du topologique au logique, on «discontinuise le continu intuitif»; du logique au topologique, on «continuise le discret formel». Le uploads/Philosophie/ nouveaux-actes-semiotiques-1-jacques-fontanille-ed-le-discours-aspectualise-john-benjamins-publishing-company-1991.pdf

  • 20
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager