Précis d’ingénierie pédagogique 120 3.1. La définition des savoirs à enseigner
Précis d’ingénierie pédagogique 120 3.1. La définition des savoirs à enseigner L’appellation « savoirs à enseigner » désigne aussi bien un contenu déclaratif (comme un concept) ou procédural (comme un savoir-faire) qu’une compétence. L’enjeu de cette activité porte sur la connaissance de l’enseignant : se construire une tête bien pleine et bien faite avant d’en adapter son contenu à l’élève. Il en va de la responsabilité de l’enseignant : réduire l’écart entre sa connaissance et le savoir de référence avant d’aider l’élève à en faire de même. Tout comme le guide touristique qui se fait un point d’honneur à connaître sur le bout des doigts les lieux qu’il fait visiter. C’est avant tout une activité préparatoire qui servira à planifier l’enseignement-apprentissage (autrement dit, spécifier le parcours d’inves- tigation du « pays du savoir ») et à élaborer les supports d’enseignement et d’apprentissage (autrement dit, définir les moyens pour présenter le « pays du savoir »). La dynamique de cette activité consiste à donner corps à une commande institutionnelle (souvent) réduite à des libellés laconiques dans un programme. Le produit de cette activité définit avec précision le savoir à ensei- gner, en termes de notions clés, de structure et d’organisation. Dit autrement, « définir les contenus à enseigner », c’est décrire le « pays du savoir » à l’aide des cartes topographiques (à différentes échelles) et de fiches techniques descriptives des lieux de visites. Cependant, le produit ne peut être délivré en l’état à l’élève : il constitue la « matière de référence » qui devra être mise en forme pour être enseignée. En d’autres termes, il s’agit de préparer les brochures et dépliants descriptifs du « pays du savoir » en se (limitant) cen- trant uniquement sur leur contenu. Leur finalisation est l’objet de l’activité d’« élaboration des ressources pour enseigner » et dépend de la « planification de l’enseignement » Nous tenons à attirer l’attention du lecteur sur le caractère déter- minant de cette activité. Elle ne peut et ne doit pas être sous-estimée, au même titre que l’on ne sous-estime pas le dimensionnement et la réalisation des fondations d’un immeuble. Elle interroge clairement l’expertise didac- tique de l’enseignant et son discours sur le savoir à enseigner. 3.1.1. Des principes organisateurs du propos Selon nous, trois principes doivent organiser cette activité complexe d’élaboration du savoir scolaire : la pertinence, la clarté et l’adaptation du propos. ERRATUM - Version du 04 avril 2020 …. Un grand Merci à Céline. Modification des titres Théorie de l’acte de concevoir 121 • La pertinence du propos C’est-à-dire répondre à la nécessité d’informer l’élève sur le savoir scolaire défini par l’institution. En distinguant ce qui est intéressant pour l’enseignant de ce qui est utile pour l’élève. • La clarté du propos Pour reprendre Grice (1975), il ne doit pas être obscur. La clarté relève de la maxime de Nicolas Boileau-Despréaux (dans L’Art poétique, 1674) : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement… Et les mots pour le dire arrivent aisément. » C’est la qualité de ce qui est facilement intelli- gible. La clarté d’un message est souvent la conséquence de la clarté de la connaissance, et non une propriété intrinsèque au message. • L’adaptation du propos C’est modifier la forme du propos pour le rendre accessible aux élèves, c’est-à-dire compatible avec leurs connaissances et leur capacité à traiter l’information. 3.1.2. Les deux grandes phases de la « définition des savoirs à enseigner » Le savoir à enseigner est présenté dans les programmes institution- nels sous forme de libellés assez succincts, de façon linéaire, sans relations apparentes les uns avec les autres. À charge à l’enseignant de « donner sens » à cette forme laconique du savoir à enseigner, en tant que fruit de la transposition didactique (Chevallard, 1985), pour pouvoir lui « donner corps », sous la forme d’une information structurée et organisée. Dans cette perspective, nous distinguons deux grandes phases pour définir les savoirs à enseigner : • Celle qui va « donner sens ». Axée sur le savoir de référence, elle repose sur un travail de caractérisation qui vise à replacer le savoir à enseigner dans un TOUT originel. En arrière-plan se dessine la com- plexité du savoir. À noter l’enjeu sur la connaissance de l’enseignant : réduire l’écart avec le savoir de référence. • Celle qui va « donner corps ». Centrée sur le savoir scolaire, elle a pour enjeu la connaissance de l’élève. Elle consiste en un travail de délimitation et de définition du savoir à enseigner au sein du TOUT. Nous allons maintenant préciser ces deux phases que l’on nomme respectivement « Caractérisation du savoir de référence » et « Spécification du savoir scolaire » et qui sont décrites par la figure 36. Précis d’ingénierie pédagogique 122 Figure 36 : Les étapes de la démarche pour « Définir les savoirs à enseigner » 3.1.2.1. Caractérisation du savoir de référence Le travail consiste à retrouver ce savoir de référence via un pro- cessus de transposition didactique ascendant (Schubauer-Leoni dans Wallian et al., 2008). L’enjeu est clairement la « construction » d’une tête d’enseignant bien pleine et bien faite. Le principe repose sur la caractérisation de cet ensemble cohérent et complexe de notions définissant la matière à enseigner : le champ notionnel (Astolfi et al., 1997). Ce champ notionnel matérialise l’idée que le savoir n’est pas organisé de manière linéaire et chaque notion n’entretient pas de liens qu’avec une seule notion. Autrement dit, il s’agit de reconstituer le puzzle de la carte topographique du « pays du savoir » à partir de quelques pièces du puzzle, que constituent les libellés du programme. La définition du champ notionnel est guidée par deux approches complémentaires aux enjeux croisés : • La première relève d’une clarification de nature didactique, centrée sur le contenu du savoir, dont l’enjeu premier est l’explicitation du savoir scolaire. Un second enjeu concerne l’investigation du savoir scolaire et renvoie à la planification de son enseignement. Théorie de l’acte de concevoir 123 • La seconde, de nature psychocognitive, convoque notre cadre théo- rique de l’« apprendre ». Elle questionne la nature de la connaissance scolaire à acquérir. L’enjeu est la planification de l’enseignement du savoir scolaire. a. Clarification didactique du champ notionnel Cette tâche de clarification didactique du champ notionnel vise à décrire le domaine de connaissance, en termes de structure et de notions clés. Elle repose sur une investigation exhaustive et au plus haut niveau du savoir de référence (qui se décline en savoir savant (Chevallard, 1985), savoir d’expert (Joshua, 1998) et pratiques sociales de référence (Martinand, 1989)). La méthode est celle proposée par Astolfi et ses collègues (1985). Elle se caractérise par un double mouvement : • La désarticulation du concept par émiettement en un nombre plus ou moins grand de notions constitutives : c’est l’analyse de la matière proprement dite. • La réarticulation de ces notions par la recherche des liens logiques multiples amenant à une modélisation appelée « trame conceptuelle ». Cette recherche peut être guidée par les questions suivantes : • Pourquoi ce savoir existe-t‑il ? À quoi sert-il ? De quoi est-il fait ? Comment s’organise-t‑il ? Comment est-il représenté ? Comment est-il modélisé ? Comment l’utilise-t‑on ? Dans quel cas l’utilise-t‑on ?… • D’où vient ce savoir? Quelles évolutions a-t‑il subies ?… Tout au long de ce processus d’analyse de la matière, on cherchera à construire une représentation graphique du domaine de connaissance. Par exemple, comme le propose Astolfi (1990), sous la forme d’une trame conceptuelle qui visualise les relations logiques que l’on veut établir a priori entre les notions clés (« squelette » ou « branches maîtresses » de la séance) et les connaissances ponctuelles (« petites branches et feuilles » qui, bien souvent, masquent pour les élèves, la structure conceptuelle de ce que l’on veut enseigner). Les cartes de réseaux notionnels (ou cartes sémantiques) très cou- ramment usitées sont la carte conceptuelle et la carte heuristique. Ces représentations organisées de l’univers du savoir de manière graphique ont un double but. Tout d’abord, elles visent à fournir une image plus « parlante » pour l’esprit, quand le langage écrit et parlé atteint ses limites descriptives (Wright, 1997). D’autre part, elles constituent des cartes du domaine de connaissance (Tremblay, 1994) ; autrement dit des cartes topo- graphiques du « pays du savoir », moyen adéquat pour définir le parcours d’investigation du savoir. Précis d’ingénierie pédagogique 124 b. Spéfication psychocognitive du champ notionnel La spécificité de notre approche est d’associer au travail de clari- fication didactique une spécification psychocognitive du champ notionnel, en convoquant notre modèle fonctionnel de la connaissance {Format K ; Tâche T}. Ce travail de spécification consiste à définir une organisation du champ notionnel en termes de formats de connaissance et à y préciser leur(s) utilité(s) respective(s). b.1 -L’organisation en formats de connaissance La finalité est de construire une carte des formats de connaissance, c’est-à-dire une autre carte topographique du « pays du savoir ». Comme le suggère la figure 37, le principe consiste à rechercher : uploads/Philosophie/ erratum-musial-tricot-avril-2020.pdf
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- Publié le Jan 15, 2022
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