Anselme Mbemba-Mpandzou Préface de Félix-Nestor Ahoyo NIETZSCHE ET LA QUESTION

Anselme Mbemba-Mpandzou Préface de Félix-Nestor Ahoyo NIETZSCHE ET LA QUESTION DE LA MORALE OUVERTURE PHILOSOPHIQUE NIETZSCHE ET LA QUESTION DE LA MORALE Ouverture philosophique Collection dirigée par, Dominique Chateau, Jean-Marc Lachaud et Bruno Péquignot Une collection d’ouvrages qui se propose d’accueillir des travaux originaux sans exclusive d’écoles ou de thématiques. Il s’agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions, qu’elles soient le fait de philosophes « professionnels » ou non. On n’y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique ; elle est réputée être le fait de tous ceux qu’habite la passion de penser, qu’ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou… polisseurs de verres de lunettes astronomiques. Dernières parutions Pascal GAUDET, L’institution kantienne de l’humanité, 2017. Gisèle GRAMMARE, La peinture en résonance, 2017. Jacques ARON, Saul Ascher, Un philosophe juif allemand entre Révolution française et Restauration prussienne suivi de Saul Ascher, La Germanomanie (1815) et La Célébration de Luther sur la Wartburg (1818), 2017. Stéphane VINOLO, Connaissance et reconnaissance chez Hobbes et Rousseau. La transparence est l’obstacle, 2017. Lucien R. KARHAUSEN, Dr Georges Canguilhem, Médecin anomal, 2017. Jean PIWNICA, Martin Heidegger une affaire franco- française, 2017. Michel FATTAL, Conversion et spiritualités dans l’Antiquité et au Moyen Âge, 2017. Paul DUBOUCHET, René Girard, « cowboy texan », Au fil de ses exploits, 2017. Fallander KALTCHAREL, Le dualisme antiréaliste et semi-empirique de Bernard Vidal, 2017. Jean-Louis BISCHOFF, Penser la notion de rencontre, 2017. Anselme Mbemba-Mpandzou Nietzsche et la question de la morale © L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-10480-5 EAN : 9782343104805 7 PRÉFACE Les jeunes intellectuels africains d’aujourd’hui partagent une caractéristique commune que nous déplorons : le manque d’idéal, le manque d’un idéal de développement pour eux-mêmes, pour leur pays, et pour leur continent. Ils ont des visées, ils n’ont pas de vision. Ils ont développé sous l’aveuglement des mass médias occidentaux la fausse conviction que ce qui compte dans la vie c’est ce qui se compte. Le résultat de cet état de choses est que l’intellectuel africain végète dans une vie dépourvue de sens, incapable qu’il est de capter les nombreux messages que lui envoient ses ancêtres (synonyme de Dieu chez les Africains) pour le prévenir : Réveille-toi et fais face à ton destin ! Il est fort heureux qu’il y ait des exceptions, des intellectuels qui échappent à cet inconscient collectif de la perdition. C’est dans cette exception que s’inscrit Anselme Mbemba-Mpandzou à travers son ouvrage sur Nietzsche : Nietzsche et la question de la morale. Monsieur Mbemba-Mpandzou saisit d’emblée la problématique de la morale nietzschéenne sous ses aspects 8 fondamentaux et en fait non seulement un développement élogieux, mais encore une application pertinente à la condition africaine. S’agissant de ses aspects fondamentaux, je me contente d’en retenir, sous sa plume, trois : 1. La généalogie – Etre révolutionnaire, disait Karl Marx, c’est aller à la racine des choses. Or, s’agissant de l’homme, la racine des choses est l’homme lui-même. Et en pénétrant à la racine nous découvrons avec stupéfaction que ces préceptes de la morale qu’on nous présente comme divins sont en réalité humains, trop humains. Ils sont destinés à masquer des intérêts. 2. Le ressentiment – Il dévoile que la prêtrise, quand on l’examine sous sa vraie face, n’est que volonté de vengeance d’une catégorie d’hommes, en l’occurrence le prêtre ascétique (plutôt en mission pour son maître), sur l’humanité, sur le peuple. Il a juré : Tu ne seras jamais heureux ! 3. La valeur – L’homme est l’être qui instaure la valeur dans le monde, dans son monde. Conséquence de cet état de choses, l’Africain doit s’éveiller pour remettre en cause toutes les pseudo- valeurs qu’on lui a imposées jusque-là (valeur morale, valeur anthropologique, valeur économique, valeur architecturale, valeur artistique, etc.). Dans le désordre, je tire de l’ouvrage deux passages qui mettent en exergue la nécessité, pour nous, les Africains, d’aller à l’école de Nietzsche. 9 Le système de croyance proposé par le christianisme n’est pas tenable… pour bon nombre de croyants. D’où les escapades de certains prêtres qui tombent dans des comportements déviants. Combien de fois n’a-t-on pas entendu dans les médias des prêtres accusés de pédérastie et de pédophilie ? Les incitations et la participation des prêtres catholiques dans le génocide rwandais n’est plus qu’un secret de polichinelle. Loin d’être inactuel ou un chien fou maudissant le monde avec des grognements de mâtin aux lèvres écumantes et aux dents étincelantes, Nietzsche est un véritable philosophe au sens authentique du terme, en ceci qu’il est un éveilleur de conscience. Nous pouvons nous adosser à sa critique de la morale pour avoir « un regard éveillé sur les réalités religieuses présentes. » Ces phrases percutantes et tant d’autres qui méritent d’être lues mettent en relief que l’ouvrage n’avait plus besoin d’une préface. L’ouvrage de Monsieur Mbemba- Mpandzou est à lui-même une grande préface, préface à la tâche qui attend les intellectuels africains. Puissent les jeunes générations d’intellectuels africains emprunter, à l’instar d’Anselme Mbemba-Mpandzou, le 10 chemin glorieux de notre affirmation dans un monde déchiré par la perte de sens, la perte des valeurs. Félix-Nestor AHOYO Président de la Société Béninoise de Philosophie 11 INTRODUCTION Dans son ouvrage Nietzsche et la religion de l’incroyance (1973), Yves Ledure remarque : « La critique que Nietzsche opère du concept de morale chrétienne vise […] la libre pensée tout autant que le christianisme. Dans les deux perspectives, la morale altruiste signifie le triomphe d’une religion contemplative qui adore l’« extériorité », quel que soit son nom : Dieu, Vérité, Nature humaine. Le besoin de vérité à tout prix, l’affirmation de vérités absolues, qu’elles soient strictement religieuses ou qu’elles relèvent de la philosophie ou des sciences humaines, aboutit à un nivellement. Ces vérités, en effet, « dévorent les formes caractéristiques » de ce qui fait un homme. Le christianisme et la morale altruiste se rejoignent pour abaisser l’individu, pour le réduire en quelque sorte au plus petit commun dénominateur, afin que l’idéal qu’ils présentent puisse être accepté du grand nombre. »1 Ces propos d’Yves Ledure laissent percevoir, en dernière analyse, l’idée qui commande la conception nietzschéenne de la morale chrétienne ou morale dogmatique. Elle pourrait, au demeurant, se résumer en cette assertion de Nietzsche : « Toute morale comporte une certaine analyse des actions ; toutes les morales sont fausses. Mais toute morale a ses perspectives et ses 1 LEDURE, Y., (1973), Nietzsche et la religion de l’incroyance, Paris, Desclée, p. 30. 12 éclairages propres – sa théorie des motifs. »2 Il se dégage clairement ici le caractère pluraliste, imaginaire et non universel des morales. À dire vrai, Nietzsche récuse la prétendue évidence naturelle des morales en montrant qu’en réalité les codes moraux qui régissent les sociétés humaines n’ont aucun caractère divin. Aussi tirent-ils tous leur origine d’une évaluation de la vie, évaluation qui donne un certain sens à celle-ci. Comprendre la question de l’origine de la morale, tel est précisément le but visé par Nietzsche dans La généalogie de la morale. La généalogie de la morale a été écrite en 20 jours.3 Elle est composée de trois dissertations plus ou moins équilibrées. La première compte dix-sept aphorismes ; la deuxième en comporte vingt-cinq et, la troisième en contient vingt-huit. La composition de ces dissertations n’obéit pas du tout au schéma classique d’exposition des idées, ce qu’Eric Blondel appelle le « projet architectonique du discours philosophique classique. »4 En fait, Nietzsche adopte, comme toujours, le style aphoristique consistant en l’exposition sentencieuse des idées. Car, pour Nietzsche, l’aphorisme permet de ramasser le propos de façon concise. Et c’est en cela qu’il gagne en éternité. « L’aphorisme, la sentence, […] sont les formes de l’« éternité. » »5 Ceci dit, la Première dissertation a pour thème un groupe de concepts : « Bon et Mal », « Bon et Mauvais. » 2 NIETZSCHE, F., (1947), La volonté de puissance, Traduction française G. Bianqui, Tome I, Paris, Gallimard, §144, p. 241. 3 DESCHAMPS J., Avant-propos, in Nietzsche, La généalogie de la morale, Présentation et commentaire de Jacques Deschamps, Nathan, Paris, Collection "Les intégrales de philo", p. 5. 4 BLONDEL E., Nietzsche, le corps et la culture, Paris, PUF, 1986, p. 22. 5 NIETZSCHE F., Textes et variantes établis par Giorgio Colli et Mazzino. Montinari, tr. de l’allemand par J-C. Hémery, Paris, Ed. Gallimard, 1974, § 51, p. 95. 13 Procédant à l’analyse de ces concepts, Nietzsche en arrive à cette idée que le prêtre ascétique est à l’origine de la fabrication de ces concepts. Par prêtre ascétique, il faut entendre les législateurs moraux et toute la cohorte des « Cagliostro » de la pensée (religieux, philosophes, métaphysiciens, idéalistes, etc.). En effet, aussi loin qu’on puisse remonter dans le passé, force est de constater qu’il n’existait qu’une morale : la morale des maîtres. Celle-ci avait en regard la morale des esclaves comme son autre. Mais, avec le temps, une scission s’est opérée au sein de cette morale des maîtres. Celle-ci va opposer les valeurs guerrières et les valeurs sacerdotales. uploads/Philosophie/ extrait 6 .pdf

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