Does writing has a future? (L ’écriture a-t-elle un avenir ?) Edit. University

Does writing has a future? (L ’écriture a-t-elle un avenir ?) Edit. University of Minnesota Press, 1989. … Compte rendu librement inspiré de Vilem Flusser1 Par Georges Bertin. Problématique. D’emblée, Vilem Flusser rappelle que le fait d’écrire, c’est à dire de placer des lettres les unes après les autres, semble ne pas avoir d’avenir puisque l’information est maintenant transmise par d’autres codes. A l’avenir, les correspondances de l’avenir seront plus facilement poursuivies par ces codes que par ceux de l’alphabet. Il se demande ainsi si nos descendants ne seront pas amenés à réapprendre à lire et à écrire un peu comme nous avons dû le faire pour déchiffrer les hiéroglyphes. Certes, pour lui, beaucoup de gens le refusent, car ils s’estiment trop vieux pour apprendre les nouveaux codes. Ils préfèrent invoquer la noblesse des lettres pour cacher leur paresse, pensant que si nous perdons l’écrit nous perdrons Homère, La Bible, Aristote et Goethe, et leurs modes d’expression. Alors, quelles seraient nos vies si nous abandonnions l’écriture? Quelle transition inventerons-nous sauf à accepter la barbarie ? Car placer et ordonner des signes écrits sur « le bon chemin », c’est aligner des idées, c’est donc d’abord les avoir pensées et les ordonner. Alors, crise contemporaine de l’écrit quand les machines le font automatiquement mécaniquement ? Abandonnons-nous aux machines grammaticales, aux intelligences artificielles la fonction d’ordonnancement des signes quand elles exécutent non seulement une fonction grammaticale mais aussi une fonction de pensée? Parler de l’avenir de l’écrit c’est donc parler de cela. 1 1920-1991, philosophe d’origine tchèque, citoyen brésilien, professeur à l’Université de Sao Paulo, a vécu en France. 1 Plusieurs phases dans notre relation à cette problématique: 1) avant le fait de placer des idées en lignes, nous organisions les idées non écrites en cercle, quand toute idée pouvait revenir à une pensée antérieure, ce que nous nommons « pensée mythique ». 2) Quand la pensée directionnelle appelée logique s’est organisée, les signes écrits en furent les moyens. Là, la pensée uni directionnelle conduit la conscience via l’écriture en la faisant émerger de la conscience pré-lettrée, c’est la nôtre, c’est encore le cas du « superscript », pensée critique ou progressive, numérique ou narrative, toujours consciente et référée à une conscience historique. De fait, c’est celui qui « aligne » qui peut penser logiquement, calculer, critiquer, philosopher, et donc agir et penser dans l’histoire, car le geste d’écrire produit une conscience historique. Ce sont dans les temps historiques que l’homme enregistre les événements en écrivant. Avant, tout semblait se mouvoir dans un cercle sans fin. 3) Or, voici que les machines écrivent plus vite que la pensée humaine, peuvent varier les règles des signes assemblés automatiquement. Et les intelligences artificielles vont devenir plus intelligentes dans le futur, elles posséderont une conscience historique supérieure à la nôtre. L’histoire va devenir de façon inimaginable plus dynamique car, plus de choses survenant, les événements vont se surcharger les uns et les autres, devenant plus divers et les machines automatisées feront une meilleure histoire que nous. Ceci nous permettra de nous concentrer sur autre chose quand l’écrit sera dépassé pour des codes plus nombreux. Mais nous ne pouvons encore le concevoir. Ecrire c’est creuser. Avant de savoir si l’écrit sera abandonné, l’auteur se demande d’abord comment il est arrivé. Et d’en reprendre l’étymologie graphein d’abord, mot grec ancien, c’est creuser, graver d’où le caractère gramma-atos qui indique ce qui est gravé et le scribere latin qui signifie tracer, égratigner… Ceci renvoie à un geste primordial, celui de faire usage d’un outil taillé en biseau pour creuser (stylet) et donc à une techné alors que maintenant, écrire c’est déposer des pigments sur une surface, ce qui est autre chose. Pourtant le mythe établit la prééminence de la gravure sur le point puisque Dieu créant l’homme fait sa propre image dans la glaise. En l’insufflant, il introduit son esprit dans la materia prima (la Grande Déesse), et c’est ce dont nous sommes issus. Dans le mythe, la glaise de Mésopotamie est façonnée en tablettes 2 gravées avec un stylet en coin et la première « inscription » (l’homme) est ainsi créée. Ainsi faire des trous dans un objet, c’est créer de l’esprit dans la matière (l’in former), matière ensuite durcie (brûlée), travaillée, manifestant la résistance des objets face au Sujet. Ecrire, ce sera donc aussi échapper aux conditionnements du monde objectif. Aussi, l’information est l’image miroir de l’entropie, l’intention de nier la tendance objective vers l’entropie. Quand on informe, on produit des situations improbables pour établir l’esprit contre la matière. Mais les objets sont malicieux. Ils peuvent creuser une information et l’ensevelir dans les objets jusqu’à disparition quand le monde objectif est plus fort que le sujet qui l’informe. Avant l’invention de la transmission électro- magnétique, chauffer les tablettes pour durcir leur souvenir est le but suprême de l’esprit et toute l’histoire de l’Occident peut être considérée comme une série de variations sur ce thème depuis la copie des manuscrits jusqu’à l’imprimerie et les mémoires artificielles intelligentes selon le même processus:  produire de l’information,  la passer, la transmettre,  la stocker de façon suivie et, si possible, préservée. L’inscription pose l’esprit libre du sujet qui désire être immortel, contre des images déjà là, expérimente le libre arbitre, met, en les déchirant, des images en pièces, victimes des incisions meurtrières de l’écrit. L’âge d’or était celui auquel il n’y avait aucune inscription, ni mots menaçants fixés dans le bronze, quand les hébreux tombaient à genoux terrassés devant les T ables de la Loi qui portent les T ables de la Loi ayant recueillie La Parole. D’où, écrire, c’est encore passer de la pensée circulaire à une pensée en lignes, du cercle magique de la préhistoire à la pensée linéaire de l’histoire. Ecrire, réellement, pour Vilem Flusser, c’est transcender la pensée en passant d’une surface à deux dimensions à une surface à une dimension générée par un code linéaire, de l’imaginaire au conceptuel, des scènes au processus, des contextes au texte. C’est, conjurant l’angoisse, poser les choses séparément et les faire devenir claires (d’où l’importance du clarus du Clerc). L’écrit avance profondément dans les abysses de l’imaginaire en les creusant pour tout décrire et tout recoder en concepts en visitant les abysses de la mémoire. Il nous fait passer à une compréhension progressive. Car Dieu, dans le mythe, déchire les morceaux de sa ressemblance et, ce faisant, « nous écrit ». Il nous envoie dans le monde comme ses inscriptions, nous jette hors du paradis dans 3 le monde et nous solidifie. D’où le mot arabe maktub qui signifie et écrit et destinée… Et voici qu’aujourd’hui nous ne sommes plus environnés de tablettes d’argiles brûlées, de stèles gravées ou ciselées, mais flottons dans le dé-matériel… La notation. Car, pour l’auteur, « changer de technologie, c’est changer de conscience ». Quand on grave dans la pierre à l’âge de la pierre ou dans le bronze à l’âge du bronze, quand à d’autres époques, le stylet inscrit, mais quand le pinceau dépose car peindre est plus confortable, plus rapide et plus doux que ciseler (mais le stylet est structurellement plus complexe que le pinceau). La plume d’oie offrira au processeur de mots plus de rapidité aussi les écrivains occidentaux sont des créatures emplumées. Si les inscriptions sont lentes et monumentales, les notes sont petites et documentaires. Notre littérature n’est pas monumentale, mais enseigne et instruit. Elle a besoin de plus de docteurs que de sages. Avec la notation, le progrès s’accélère et la conscience historique est liée à la notation puisque tout y est abandonné en faveur de ce qui advient. Les appareils, eux, n’ont pas de freins existentiels, et nous pouvons leur abandonner le progrès et la conscience historique car ils le feront mieux et nous pourrons leur abandonner l’histoire, devenir de simples observateurs et nous ouvrir à quelque chose d’autre, à une conscience supérieure du présent, car l’écrit n’a pas de codes adaptés pour une telle spectacularisation et les images semblent y être plus opératoires. Nous sommes en train de quitter la notation (l’écrit) pour les appareils et de focaliser notre attention sur « faire et regarder les images ». Nous émigrons vers l’univers de l’imagerie technique. Mais c’est un processus très complexe car les appareils n’écrivent pas l’histoire de la même façon usant d’autres codes. Achoppant sur la pensée littéraire, l’histoire écrite par les appareils est une autre histoire car la transcription était d’abord littéraire, à l’époque précédente, ce qui nous oblige à réfléchir sur les lettres. Les lettres de l’alphabet. Depuis des siècles, les codes alphanumériques sont prédéfinis en lettres, nombres et autres signes qui ont déterminé nos modes de pensée. La dactylographie arrange les signes sur les lignes avec prédominance des lettres. Les nombres étant des signes pour les idées, pouvant désigner des images 4 abstraites, les lettres identifiant les perceptions acoustiques et les nombres les perceptions visuelles. Dans un texte, les nombres apparaissent comme des ilots de sens qui stoppent l’œil quand nous suivons les lignes de droite à gauche, nous écartelant entre uploads/Philosophie/ flusser-l-x27-ecriture-a-telle-un-avenir.pdf

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