ÉTUDE SUR LE SOUFISME Fenn at-Tasaswwouf PAR LE CHEIKH ABDELHADI BEN RIDOUANE (

ÉTUDE SUR LE SOUFISME Fenn at-Tasaswwouf PAR LE CHEIKH ABDELHADI BEN RIDOUANE (Traduction de M. ARNAUD, interprète militaire) [Apporté quelques précisions par Derwîsh al-Alawî. Les explications apportées sont mises entre ces parenthèses […]] Les Amis du Cheikh Ahmed al-Alawî  Le Soufisme : définition et origine Professer le Soufisme, c’est, pour les mystiques et d’après la définition donnée clans le Hadaïq1, s’assimiler la morale des Soufis ou spiritualistes, s’approprier leur caractère distinctif et embrasser leur genre de vie. C’est aussi, selon d’autres, ne conserver des propriétés essentielles à notre nature que les dispositions heureuses et rejeter les mauvaises. Pour Jouneïd2, le Soufisme consiste à mourir à soi-même et à vivre en Dieu ; pour le cheikh Qâcem El- Khâni, à pratiquer les devoirs religieux de bouche et de cœur. Les devoirs du Soufi sont : - Se perfectionner par la résignation, la foi, les bonnes œuvres ; - Maintenir son âme avec Dieu pour l’accomplissement de sa divine volonté ; - Vivre dans la pauvreté naturelle ou volontaire ; rechercher le beau et le vrai ; - Etre convaincu de sa petitesse et de la grandeur absolue du prochain ; - Se défaire de toute pensée d’opposition et de libre arbitre ; - Pratiquer la dévotion, tendre à la bonne fin suivie de la contemplation de Dieu, etc. Au point de vue étymologique, beaucoup de savants, dit El- Allouci3 dans son livre intitulé El-Fâïdh El-Ouâred (l’arrivée de l’émanation divine), ont adopté la leçon formulée dans le distique suivant : Le mot Soufi a déjà donné lieu à bien des controverses. On n’est pas encore d’accord sur son origine, quoiqu’on ait cru la trouver dans le substantif soûf (laine). Pour moi, je n’accorde le titre de Soufi qu’à l’homme sâfî et Soufi (à la fois pur et vêtu de laine). Ainsi, pour mériter d’être appelé Soufi, il faut au dévot la limpidité 1 Par Fakhr Ed-Dine Mohammed ben Omar Er-Razi, mort en 606 (1209). Le vrai titre de cet ouvrage est H'adalk' El-Anouur fi H'ak'aïk' El-Asrâr. (Les jardins des lumières sur les réalités des secrets divins.) 2 Abou El-Qacem El-Djonéid ben Mohammed Ez-Zeddjâdj, l'un des chefs de l'école soufi. Il était originaire de Nehaouend. Mort à Baghdâd en 297 (909). 3 Cheikh Mahmoud El-Allouci El-Baghdadi ; mort en 1275' (1858). de cœur, le maintien de son être intérieur et extérieur à l’abri de toute violation de la loi de Dieu. Il n’est pas hors de propos de remarquer que ce mot Soufi ne peut prendre le sens de pureté qu’à l’aide d’une métathèse, c’est-à-dire qu’en faisant passer la lettre radicale (ou /waw) du deuxième au troisième rang [ce qui donnerait (safouw)]. Cette étymologie, tout imparfaite qu’elle est, a été admise par divers linguistes. En tout cas, elle vaut toujours mieux que celle qui amène la signification d’homme vêtu de laine. El-Qocheïrî4 est d’avis que le mot soufi, qui, selon toute probabilité, est un surnom, ne dérive pas de la langue arabe, avec laquelle il n’a aucun rapport analogique. Mais lui donner comme racine safa (pureté) ou soffa (rang) c’est faire vraiment trop peu de cas des exigences lexicographiques. Il est absurde aussi de la faire venir de souf (laine), car les Soufis ne sont pas nécessairement particularisés par des vêtements de laine. Toutefois, à ne tenir compte que du matériel du mot, cette dernière racine est la seule justifiable. Si nous ne nous trompons pas, les Soufis ont gardé les vêtements de laine qu’ils avaient tout d’abord adoptés, afin de faire contraste avec le goût général pour les étoffes somptueuses5. Le Soufi ne fait d’excursion dans les profondeurs de la science intime ou théorique que pour y découvrir des sujets d’étude sur les états extatiques accidentels et les stations extatiques constantes, sur l’amitié, l’amour, la séparation, la réunion, etc. 4 Abou El-Qâcem Abd El-Kerim ben Haouazène El-Qocheïri, auteur soufi, né en 376 (986), mort à Nissabour en 465 (1072). 5 A la page 680 des séances de Harîrî, publiées par S. de Sacy (II vol., 2° édition), il y a ce texte : (il se vêtit de laine), que le commentaire explique de la manière suivante : Cet ensemble de mots signifie, d'après Râzi, « il est devenu dévot, » la laine entrant dans les vêtements de ceux qui s'attachent au service de Dieu. « Habillez-vous de vêtements de laine, recommandait le Prophète, afin de trouver dans vos cœurs la douceur de la foi. Habillez-vous de vêtements de laine, afin de vous rassasier avec peu de nourriture. Habillez-vous de vêtements de laine, afin de connaître la vie future. La vue de la laine donne au cœur la réflexion, la réflexion produit la sagesse ; la sagesse tient lieu de sang dans le corps. Quand on réfléchit beaucoup on prise peu la nourriture, on parle peu et le cœur s'humanise. Celui, au contraire, qui réfléchit peu exige une abondante chère ; son ventre s'étend, son cœur s'endurcit. Le cœur dur est éloigné de Dieu, éloigné du paradis et proche de l'enfer (*). » (*) Toutes ces étymologies, proposées par les lettrés musulmans, sont forcées. Une seule, qu'ils ne présentent pas, serait admissible : aoyof, nom sous lequel on désignait les premiers philosophes, grecs. Prendre également ce titre était chose toute naturelle pour des métaphysiciens musulmans, plagiaires des théories transcendantales de la Grèce. Es-Soyoutî6, dans son livre des Priorités ou des Principes primitifs (El-Awalyât), dit : Dou Noun El-Misrî7 est le premier homme qui ait parlé, au Caire, de l’organisation des états accidentels et des stations constantes de l’extase particulière aux disciples de l’union en Dieu. C’est à Baghdâd que les bases du Soufisme furent exposées, pour la première fois, par Abou Hamza Mohammed ben Ibrahim8. Abou Saïd Ahmed ben Aïssa El-Kherrâz El-Baghdâdî9, cheikh des Soufis et disciple de Dou Noun, a le premier parlé de la mort et de la vie en Dieu. Le propre du Soufisme est d’arriver jusqu’à Dieu et de se passer de tout ce qui n’est pas l’Etre suprême. Le premier degré du Soufisme, a dit un auteur mystique, c’est la théorie ; le deuxième la pratique, et le troisième ou dernier la grâce infuse. La théorie montre le but à découvert ; la pratique est l’aide assurée pour parvenir à ses fins ; la grâce infuse conduit au dernier terme des aspirations. On explique le Soufisme par les définitions suivantes : connaissance des substances internes, science du cœur, science déposée auprès de Dieu, science de l’intuition, science des secrets, science cachée, science de la réalité ou des conceptions idéales. La Loi (charî’a), la voie (tarîqa) et la réalité (haqîqa) L’homme auquel un vaste savoir a valu le surnom de Cheikh El- Islam ou Professeur de l’Islam10, dans son ouvrage intitulé (Les faveurs divines) (El-Fotouhât), distingué comme il suit entre la loi, la réalité et la voie. La loi révélée est l’accomplissement régulier des devoirs du culte avec obligation d’y satisfaire. On pourrait encore 6 Abd Er-Rahmane Djelal Ed-Dîne Es-Soyouti, l'un des auteurs les plus féconds et les plus estimés de l'islamisme, né à Soyout ou Siouth, ville de la Haute-Egypte, en 849 (1445), mort en 911 (1505). 7 Son père était Nubien. Mort en 245 (859). Son nom véritable était Toubâne ben Ibrahim. 8 Mort en 289 (901). Il était disciple de Seri-Saqati (voir note 2, page 368). 9 De Baghdâd ; mort en 279 (891). 10 C'est Abou Zakariâ ben Mohammed El-Ansâri El-Khezraji, auteur de nombreux ouvrages ; mort en 926 (1519). la définir par la connaissance du régime spirituel. La réalité est la vue, par le cœur, de la puissance maîtresse. On dit aussi qu’elle est une abstraction dogmatique ; qu’elle est infinie, incommensurable. La loi révélée et la réalité sont quelquefois confondues en un seul tout. Mais c’est là affaire de foi et non de déduction. La voie est la marche dans le chemin de la loi révélée. Cette marche s’accomplit au moyen d’actes religieux, déterminés, comme la prière à deux ou trois inclinaisons ; elle a des dimensions qui sont : 1° la partie préceptive ou d’obligation ; 2° les œuvres de surérogation qu’elles soient ou non fixées. La loi révélée et la réalité ou vie spirituelle sont complémentaires l’une de l’autre, parce que la voie qui conduit à Dieu a une forme externe ou sensible et des dispositions intérieures, imperceptibles aux sens. La forme externe comprend la loi et la voie. Les dispositions internes se composent de la vie spirituelle. Le fond de la réalité est virtuellement contenu dans la loi et la voie, de même que les éléments du beurre sont renfermés dans le lait. Mais, pour extraire ces éléments, il faut au préalable battre le lait. La loi, la réalité et la voie sont le règlement du joug de la servitude, dans le but d’obtenir satisfaction du serviteur. Beaucoup de savants ont confirmé l’existence de la science des sensations internes. L’imam El-Ghazâlî11, dans El-Ihyâ (la vivification), a dit en substance : La connaissance de la vie future se divise en deux branches : La science de la vision intuitive et uploads/Philosophie/ etude-sur-le-soufisme.pdf

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