Les fondements spirituels de la Morale musulmane 1. Pourquoi vouloir fonder la
Les fondements spirituels de la Morale musulmane 1. Pourquoi vouloir fonder la morale? 1.1. Pourquoi vouloir “fonder” la morale? ● L’islam se fonde très bien tout seul : autonomie ; ● Il s’agit d’une tentative de fondement hétéronomique, càd du point de vue extérieur ; ● Interrogations nées de l’expérience de l’islam en contexte “occidentalisé” ; ● Deux critiques ou malaises courants : moralisme et formalisme 1.2 Pourquoi vouloir “fonder” la morale? Exemple de fondement “autonome” - Les Maqâsid (اﻟﻣﻘﺎﺻد) : “Littéralement « les fins », dans le sens de « buts » ou « objectifs ». Dans le droit musulman et plus particulièrement dans le domaine des Usûl al-fîqh, on parle de « Maqâsid Ash Shari’a ». Ces finalités prennent leurs racines dans les injonctions textuelles du Coran et de la sunna mais correspondent aux idéaux et aux objectifs de ces injonctions. On s'intéresse moins aux mots et sentences du texte qu'aux objectifs déclarés. C’est ainsi que les savants de l’époque « classique » (on citera notamment ChâTibi ou Al-Ghazâli) ont déterminé cinq finalités à préserver par-dessus tout, et ceci de manière formelle : la préservation de la religion (دِﯾْن), la préservation de la vie (ﻧَﻔْس), de la raison (ﻋَﻘْل), des biens matériels (ﻣﺎل) et de sa descendance (ﻧَﺳْل). D’autres savants ont pu parfois rajouter d’autres finalités comme la préservation de la dignité (ﻋِرْض) de l’homme (et donc la liberté). Chaque fatâwâ rendue se doit donc de prendre en compte ces finalités. Cependant, il conviendra de juger de la nécessité de mettre en œuvre tel ou tel moyen pour atteindre la finalité, c’est pourquoi le concept de Maqâsid est mis en œuvre conjointement avec celui de « Maslaha » (« utilité », « bien » visé).” -- Tiré du glossaire que propose la Revue “Les Cahiers de l’Islam”. 1.2.1. Pourquoi vouloir “fonder” la morale? : Illustrations du malaise Point de vue d’un “occidental éduqué” : “Un jour à Karachi, je me trouvais en compagnie de Sages musulmans, universitaires ou religieux. A les entendre vanter la supériorité de leur système, j’ étais frappé de constater avec quelle insistance ils revenaient à un seul argument : sa simplicité. […] Tout l’Islam semble être, en effet, une méthode pour développer dans l’esprit des croyants des conflits insurmontables, quitte à les sauver par la suite en leur proposant des solutions d’une très grande (mais trop grande) simplicité. D’une main on les précipite, de l’autre on les retient au bord de l’abîme […]” -- Claude Lévi-Strauss, Tristes Tropiques, 1955, Plon, Paris. 1.2.2. Pourquoi vouloir “fonder” la morale? : Illustrations du malaise Point de vue d’un “occidental éduqué” : “(…) si un corps de garde pouvait être religieux, l’Islam paraîtrait sa religion idéale : stricte observance du règlement (prières cinq fois par jour, chacune exigeant cinquante génuflexions [sic]) ; revues de détail et soins de propreté (les ablutions rituelles) ; promiscuité masculine dans la vie spirituelle comme dans l’accomplissement des fonctions religieuses ; et pas de femmes.” -- Claude Lévi-Strauss, Tristes Tropiques, 1955, Plon, Paris. 2. Dimensions de la morale, et contrepoids au moralisme 2.1. Dimensions de la morale ● Morale islamique = édifice vaste, nuancé, varié, aux dimensions nombreuses ; ● Suppose de comprendre toute une série de notions subtiles et articulées ; ● Notion d’autorité et de ses sources ; ● Notions de responsabilité, d’intention, de volonté, de libre arbitre, de capacité, de contrainte, de miséricorde, de repentir, d’exhortation, de sanction ; ● Dimension individuelle, familiale, sociale, et même de l’Etat (droits et surtout devoirs du gouverneur envers son peuple, mais également d’une nation envers les autres nations) ; ● En outre, les textes islamiques ont également établi les droits et les devoirs du Créateur envers Ses créatures, et vice versa ; ● Au-delà d’une morale de la sanction ou de la rétribution, il y a également une morale du désintéressement, du pardon… 2.2.1. la Morale : Contrepoids au moralisme Il existe en islam de nombreux contrepoids au Moralisme, notamment : ● Le “métamoralisme” (centralité de l’intention, Malamâtiya) ● L’encouragement à la Méditation des Signes de la Nature ; ● Notions de prédestination et d’élection ; ● L’idée récurrente de Dieu comme Transcendance incompréhensible ; ● La Beauté et le plaisir comme Voies d’accès privilégiée au Divin Beauté et Sensualité islamiques vues à une époque depuis l’Occident «Nos dévots, qui calomnient la terre, ont dit mille fois que la religion [islamique] n'a réussi que parce qu'elle est toute sensuelle.» Voltaire - Dictionnaire philosophique - Entrée “Tolérance” 2.2.2. la Morale : Contrepoids au moralisme 3. Les Voies spirituelles dites apophatiques 3.1. Les Voies spirituelles apophatiques : Définitions ● On les retrouve partout : islam, christianisme, judaïsme, hindouïsme, bouddhisme, taoïsme ; ● du substantif grec ἀπόφασις, apophasis, issu du verbe ἀπόφημι – apophēmi, «nier» ; ● approche de la théologie qui consiste à insister plus sur ce que Dieu n’est « pas », que sur ce que Dieu est ; sur le fait que Dieu est ineffable, et qu’Il est la négation de ce qui est, un Paradoxe suprême ; ● Anti-intellectualisme, détachement du monde et de soi-même, lutte contre les tendances psychiques spontanées... 3.2.1. Les Voies spirituelles apophatiques : Quelques exemples historiques ● Judaïsme : Dieu caché, Moïse (Dieu comme “ténèbre lumineuse”), Philon d’Alexandrie, Kabbale, Hassidisme… ● Christianisme : Clément d’Alexandrie, Pseudo-Denys l’Aréopagite, Jean Scot Érigène, la béguine Marguerite Porète, Maître Eckhart… ● Dans les spiritualités de l’Extrême-Orient : Hindouisme (Karma-Yoga), Taoïsme (Non-Agir), Bouddhisme (Nirvâna)… ● Et bien sûr l’Islam, qui est très marqué par cette dimension, et pas seulement dans le Tassawwûf. 3.2.2. Les Voies spirituelles apophatiques : Pseudo-Denys l’Aréopagite ● La théologie mystique : elle correspond à une révélation secrète. C'est le degré suprême de la connaissance de Dieu. Plus la connaissance est élevée, moins il est possible de l'exprimer par des mots ; la montée vers Dieu est donc une montée dans le silence et l'obscurité : « étant plongés dans l'obscurité au-delà de tout entendement, nous allons rencontrer non seulement la pauvreté des mots, mais l'absence totale de parole et de compréhension » ● La théologie symbolique : c'est le degré inférieur de la théologie. Elle examine les expressions issues de l'expérience des choses sensibles pour être rapportées à Dieu ; ainsi la Bible parlera-t-elle de la colère de Dieu, de l'ivresse de Dieu, du sommeil de Dieu, de son réveil, de la jalousie de Dieu, etc. Le symbole est une image qui renvoie au-delà d'elle-même, il permet de rendre l'invisible visible et de dire l'indicible. ● La théologie spéculative : elle explore les questions liées à la Bible, que Dieu n'a pas jugé bon de nous révéler. Ainsi la vie de Jésus durant son début de vie adulte, le nom des rois mages... Elle ne cherche pas à s'ériger en dogme. 3.2.3. Pseudo-Denys l’Aréopagite : Argument général de son Traité de Théologie Mystique “La théologie mystique est la science expérimentale, affective, infuse de Dieu et des choses divines. En elle-même et dans ses moyens elle est surnaturelle ; car ce n’est pas l’homme qui, de sa force propre, peut faire invasion dans le sanctuaire inaccessible de la Divinité : c’est Dieu, source de sagesse et de vie, qui laisse tomber sur l’homme les rayons de la vérité sacrée, le touche, l’enlève jusqu’au sein de ces splendeurs infinies que l’esprit ne comprend pas, mais que le cœur goûte, aime et révère. La prière seule, quand elle part de lèvres pures, peut incliner Dieu vers nous et nous mériter la participation aux dons célestes. Le but de la théologie mystique, comme de toute grâce divine, est de nous unir à Dieu, notre principe et notre fin : voilà pourquoi le premier devoir de quiconque aspire à cette science est de se purifier de toute souillure, de toute affection aux choses créées ; de s’appliquer à la contemplation des adorables perfections de Dieu, et, autant qu’il est possible, d’exprimer en lui la vive image de celui qui, étant souverainement parfait, n’a pas dédaigné de se nommer notre modèle.” La “Voie négative” est omniprésente dans le Qor’ân et les Ahadîth ● Notion de prophète illettré, qui fait miroir et écho à l’indicibilité de Dieu ; ● 99 Noms de Dieu, et le Centième est ineffable ; ● Dieu incomparable, inaccessible à l’imagination ou à l’entendement ● Lorsqu’Il est décrit, comme dans le verset de la Lumière, c’est sous la forme de paraboles paradoxales (et où le caractère non-naturel de Dieu est souligné) 3.3.1. Apophatisme en Islam Le Verset de la Lumière « Allah est la Lumière des cieux et de la terre. Sa lumière est semblable à une niche où se trouve une lampe. La lampe est dans un (récipient de) cristal et celui-ci ressemble à un astre de grand éclat ; son combustible vient d’un arbre béni : un olivier ni oriental ni occidental dont l’huile semble éclairer sans même que le feu la touche. Lumière sur lumière. Allah guide vers Sa lumière qui Il veut. Allah propose aux hommes des paraboles et Allah est Omniscient. » -- Qor’ân, Sourate 24 (An-Nûr), uploads/Philosophie/ fondements-spirituels-de-la-morale-musulmane.pdf
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- Publié le Fev 15, 2022
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