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K KL LE ES SI IS S – – R RE EV VU UE E P PH HI IL LO OS SO OP PH HI IQ QU UE E : : N NO OC CH HM MA AL LS S H HE EG GE EL L ! ! / / O OC CT TO OB BR RE E 2 20 00 07 7 © Tom Rockmore – « Force, entendement et monde inversé chez Hegel » 18 FORCE, ENTENDEMENT ET MONDE INVERSÉ CHEZ HEGEL∗ ∗ ∗ ∗ Tom Rockmore (Duquesne University) Le paragraphe de Hegel intitulé « Force et entendement » est à n’en point douter l’un des passages les plus complexes de la Phénoménologie de l’Esprit, laquelle œuvre est elle-même l’une des plus difficiles d’accès du canon philosophique. Tous les efforts réalisés pour donner sens à ce passage n’ont pas toujours été concluants, quand ils ne se sont pas montrés tout simplement inintéressants. Il y a plusieurs années déjà, J. N. Findlay avait attiré l’attention sur le caractère extrêmement étrange, voire ambiguë du terme « monde inversé »1. Plus récemment, H.-G. Gadamer en a proposé sa propre interprétation2. La difficulté rencontrée est en partie due à la prose hégélienne, notoirement connue pour son caractère impénétrable. Mais elle s’explique également par le caractère inédit de sa contribution. Si, comme je le pense, Hegel est souvent en avance sur les débats de son temps, la difficulté de saisir sa position réside en ce que ses idées sont souvent très différentes de tout ce qui est alors connu, expliquant pourquoi il faut dorénavant trouver de nouvelles voies susceptibles de les relier aux discussions de l’époque ainsi, bien sûr, qu’à celles de notre temps. Ainsi, je suis quelque peu en désaccord avec l’analyse de Federick Beiser selon laquelle l’originalité de Hegel est bien trop surestimée, puisqu’il n’y aurait aucune idée réellement nouvelle chez Hegel3. Bien que Hegel s’inspire toujours des discussions qui l’ont précédées, je crois que, si l’on sait où regarder, Hegel est un esprit extrêmement puissant et original, dont la position n’a pas encore été bien comprise. I. D’une approche épistémologique de Hegel Dans ce qui suit, je voudrais adopter une approche épistémologique afin de tenter une meilleure compréhension du passage de Hegel précité. Puisque mon point de ∗ Texte inédit d’une conférence prononcée le 7 juin 2007 à Moscou dans le cadre d’un colloque consacré à Hegel et traduit de l’anglais par Sylvain Camilleri avec l’aide de l’auteur. 1 Cf. J. N. Findlay, Hegel: A Re-examination, New York, Humanities Press, 1964. 2 Cf. H.-G. Gadamer, « Hegel’s “inverted world” », in R. Stern (ed.), G. W. F. Hegel: Critical Assessments, London, Routledge, Vol. III, pp. 131-147. Gadamer relie l’analyse hégélienne du monde inversé au problème plus général de savoir comment la conscience devient conscience de soi. 3 Cf. F. Beiser, German Idealism: The Struggle against Subjectivity (1781-1801), Cambridge, Harvard University Press, 2002, p. 11. K KL LE ES SI IS S – – R RE EV VU UE E P PH HI IL LO OS SO OP PH HI IQ QU UE E : : N NO OC CH HM MA AL LS S H HE EG GE EL L ! ! / / O OC CT TO OB BR RE E 2 20 00 07 7 © Tom Rockmore – « Force, entendement et monde inversé chez Hegel » 19 vue va à contre-courant de la recherche hégélienne contemporaine, je me dois de commencer par le justifier. Il faut donc montrer qu’une approche épistémologique est appropriée à un penseur post-kantien qui écrit au début du dix-neuvième siècle. Et, si une telle approche est appropriée, il me faudra également montrer comment elle permet de saisir correctement la contribution de Hegel à la problématique spécifique de cet article. L’époque contient tous les signes d’une renaissance hégélienne. De nouveaux livres sur Hegel apparaissent plus vite que ce qu’on pourrait les lire, et de nombreux aspects de sa pensée qui avaient jusque là été relativement négligés, voire même jamais abordés, attirent désormais l’attention, et pas toujours d’une manière favorable. Trendelenburg, par exemple, critique la logique de Hegel, et Engels soutient que Hegel a inversé la relation centrale entre la pensée et l’être. Après la mort de Hegel, l’émergence du néokantisme et le développement croissant des sciences modernes a détourné l’attention de plus d’un jugement hâtif dans sa contribution à l’épistémologie. L’intérêt de Hegel pour le problème de la connaissance a également été obscurci par la réception des dénommés « English Hegelians ». Certains d’entre eux, comme le kantien T. H. Green, se sont à peine intéressés à Hegel lui-même. D’autres, qui étaient manifestement plus ouverts, tels que Bradley, avaient cependant des points de vue très éloignés de ceux de Hegel. Et tout cela n’est certainement pas allé en s’arrangeant avec la forte attaque analytique contre l’idéalisme au tournant du vingtième siècle. Pour cette raison et pour d’autres encore que nous ne pouvons développer ici, il n’y a eu, pendant une longue période, qu’un intérêt minime pour la possible contribution de Hegel à la problématique de la connaissance. Entre-temps, la situation a quelque peu évolué, notamment en raison des penseurs analytiques qui, après avoir fermement suivi pendant près d’un siècle le refus de l’idéalisme proclamé par le premier et très influent tournant analytique, semblent opérer comme un retour à Hegel. Le résultat en est que l’on porte de plus en plus d’attention à la position de ce dernier sur la question de la connaissance, et ce d’autant plus que les penseurs analytiques se montrent souvent concernés par l’épistémologie. Bien qu’une approche épistémologique de Hegel, qui était encore insolite il y a vingt ans, se rencontre désormais plus fréquemment, le rapport entre les efforts actuels pour examiner les idées de Hegel sur la connaissance et les propres positions de ce dernier peuvent au mieux être qualifiés de distants. Malheureusement, force est de constater que l’attention récente du courant analytique à Hegel ne rend pas la compréhension de la contribution hégélienne à l’épistémologie plus facile mais, au contraire, la complique. La difficulté provient de la particularité ou de la nature spécifique de l’approche analytique. Parmi les facteurs qui peuvent être mentionnés, il y a la supposition selon laquelle Kant a déjà résolu le problème épistémologique, la résistance analytique traditionnelle à l’idéalisme évoquée plus haut et enfin l’approche analytique du problème du réalisme. K KL LE ES SI IS S – – R RE EV VU UE E P PH HI IL LO OS SO OP PH HI IQ QU UE E : : N NO OC CH HM MA AL LS S H HE EG GE EL L ! ! / / O OC CT TO OB BR RE E 2 20 00 07 7 © Tom Rockmore – « Force, entendement et monde inversé chez Hegel » 20 Le présupposé selon lequel l’auteur de la philosophie critique résout le problème épistémologique provient de Kant lui-même. Comme on s’en souvient, ce dernier suggère qu’une philosophie digne de ce nom commence et termine son succès avec sa propre œuvre. Cette indulgente auto-évaluation de la philosophie critique demeure très influente dans les cercles de chercheurs. A l’exception notable de Heidegger, la plupart des lecteurs de Kant le considèrent comme un épistémologue. De nombreux commentateurs pensent qu’il n’y pas d’épistémologie après Kant, et, à plus forte raison, certainement aucune épistémologie qui se respecte dans l’idéalisme allemand. Il s’ensuit que l’idéalisme post-kantien, tendance à laquelle Hegel appartient, ne pouvait pas relever de l’épistémologie à proprement parler. Cette conception de l’accomplissement kantien se reflète dans la mauvaise foi de beaucoup d’auteurs analytiques, qui refusent d’admettre qu’ils font quoique ce soit qui pourrait être considéré comme de l’épistémologie. L’idée selon laquelle Kant résout le problème de la connaissance est clairement problématique. Les contemporains de Kant se sont presque naturellement répartis en trois camps : ceux qui, comme Herder et Hamann, pensaient que sa position n’était pas absolument satisfaisante ; ceux qui, comme Maimon, pensaient que sa position était indépassable mais qu’elle ne pouvait déboucher que sur un certain scepticisme ; et ceux qui pensaient que la position kantienne était sur la bonne voie mais qu’elle avait besoin de se voir prolonger au-delà de la philosophie critique en accord avec son esprit supposé. Cette conception, dont on peut dire qu’elle est inaugurée par Reinhold, s’est progressivement répandue à tous les idéalistes allemands post-kantiens. Mais bien que les jugements sur l’accomplissement kantien aient largement variés, et qu’un nombre non négligeable de penseurs ait reconnu que Kant était sur la bonne voie, aucun contemporain n’a jamais pensé qu’il avait résolu le problème de la connaissance une fois pour toute. Un second thème important est la résistance très répandue à l’idéalisme comme approche de la connaissance qui se fait jour chez Engels dans le marxisme et chez Moore dans la philosophie analytique. Le marxisme et la philosophie analytique, qui illustrent deux des principales tendances de la philosophie du vingtième siècle, diffèrent considérablement l’un de l’autre. Bien qu’un marxiste puisse être un philosophe analytique et qu’un philosophe uploads/Philosophie/ force-entendement-et-monde-inverse-chez-hegel 1 .pdf

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