332634900.doc DIDIER FRANCK Heidegger et le christianisme Séminaire tenu à l’EN
332634900.doc DIDIER FRANCK Heidegger et le christianisme Séminaire tenu à l’ENS en 2003 – 2004 [COURS N° 1 DU 15/10/03] (PRISE DE NOTES MULLER) Il ne s’agit pas du tout du premier Heidegger, catholique. Mais il s’agit de se demander : dans la construction phénoménologique de Heidegger, grecque, c’est-à-dire philosophiquement construit, est-ce qu’il n’est pas fait appel à la lumière chrétienne d’une manière ou d’une autre ? donc non pas traiter les textes où il est question du christianisme, mais au contraire. Dans un premier temps, on va voir La Parole d’Anaximandre, dernier texte des Holzwege, et surtout la seconde des deux phrases ; puis, expliquer comment, selon quelle logique descriptive (ou phénoménologique) on passe de l’alêthéia, la dimension fdtalde au sein de laquelle se produit ce qui est grec, à l’Ereignis, auquel on ne peut pas accéder si on ne part pas de l’alêthéia ; pour revenir à la question de savoir si dans ce qu’on appelle le grec, il n’y a pas XX. Qu’est-ce qui autorise cette démarche ? 1) quelque chose de simple que chacun peut voir lorsqu’il consulte les dernières pages du texte en question. Pour expliciter le sens du denier mot qu’il commente, to kreon, qui porte tout, même ce qui est initialement vrai, donc le grec du grec, Heidegger ouvre une parenthèse et cite augustin, et renvoie à un autre. Comment se fait-il que pour comprendre le plus grec du grec il faille aller chercher celui qui opère la conversion de la culture antique dans le christianisme ? Dans quelle dimension faut-il se tenir pour que, au moment où on est dans le plus grec, il faille avoir du latin, alors que tout le temps il dit que le latin, c’est la catastrophe pour le grec. 2) un texte de Heidegger, posthume, qui se trouve dans le volume 66 Besinnung (réflexion), et qui dans ce volume important se trouve à la fin, et qui est daté : ein Ruckblick auf dem Weg, fin 36 début 37. Ici, Heidegger jette un coup d’œil sur son propre chemin : énumère ses publications, pour saisir sa propre situation par rapport à son passé, dix ans après Etre et Temps. Et il explique comment il a été obligé par le mouvement même de pensée qui le portait à repenser l’ensemble de l’histoire de la philosophie occidentale, qui s’étend d’Anaximandre à Nietzsche, et il écrit, pages 415 – 4161 : « tout ce chemin s’accompagne silencieusement d’une Auseinandersetzung [mot qui d’ordinaire qualifie le rapport de Heidegger avec la tradition philosophique] avec le christianisme, explication qui ne fut pas un problème rapporté mais le maintien de la provenance la plus propre. Et, simultanément, la séparation douloureuse d’avec tout cela. Il ne convient pas de parler cette explication la plus intime, qui porte, non pas sur des points de doctrine, seulement sur la question de savoir si le Dieu nous fuit ou non, ou de savoir si nous- mêmes, en tant que créateur, pouvons encore en faire l’expérience ». Ce texte, auquel Heidegger accorde une importance puisqu’il le date, est donc le 2ème. L’explication magistrale (tout les cours d’après Etre et Temps) avec l’histoire de la philosophie et la mise en question de cette histoire depuis la vérité de l’être, s’est donc accompagnée d’une explication silencieuse avec la tradition chrétienne, et en présence du christianisme ; d’une manière ou d’une autre (même s’il peut y avoir une grande différence d’une manière à l’autre), en présence du Dieu chrétien lui-même, même si on n’y croit plus. Mais cette présence, la dimension chrétienne du sens, est tue, sans parole énoncée ni adressée. Par conséquent, 1 Citation approximative 1 Page 1 sur 73 332634900.doc la question qui se pose est : comment l’explication silencieuse a-t-elle pesé sur l’explication publique avec la métaphysique ? la question se pose en effet : si l’explication avec la tradition métaphysique s’est accompagné d’une explication avec le christianisme, c’est que le mouvement de pensée de Heidegger s’est accompli sous la forme d’une double explication, ce qui suppose que ces deux mouvements soient coordonnés et articulés l’un à l’autre. Comment ces deux explications sont-elle cordonnées, et où est-il possible et même nécessaire de le faire apparaître ? De l’explication avec l’histoire de la philosophie, certes. La question doit donc concerner l’ensemble de l’histoire de la métaphysique, d’Anaximandre à Nietzsche, qui ont, comme commencement et comme fin, joué un rôle essentiel. Le commencement, c’est Anaximandre, la fin c’est la pensée de Nietzsche, qui achève la métaphysique pour Heidegger. Mais relativement au christianisme, Anaximandre et Nietzsche ne sont pas comparables : il n’y a aucune difficulté de principe d’admettre que débattre avec Nietzsche impose de débattre le christianisme, puisque Nietzsche est lui-même en débat avec le christianisme ; mais pour Anaximandre ? où faut-il poser la question ? à propos du grec initial. Et la question qui se pose est donc : l’interprétation de la parole d’Anaximandre, autrement dit du commencement grec au regard de l’histoire de l’être, ne requiert-elle par d’une manière ou de l’autre, le christianisme ? Cf. donc ce texte, qu’il faut commenter. Même si la traduction, comme pour presque tous les Holzwege, est défaillante. La parole d’Anaximandre : la plus ancienne parole de la pensée grecque, dont il ne reste que deux paroles. La première parle de l’apeiron2 en disant que c’est le principe de toute chose. Mais la parole d’Anaximandre en général a beaucoup intéressé Heidegger : cf. Concepts fondamentaux de 41, cf. un cours non publié d’avant, et cf. notre texte de 46. Ce texte, nous en avons connaissance par la citation qu’en fait Simplicius dans son commentaire de la physique d’Aristote. « d’où les choses ont leur naissance, vers là aussi elles doivent sombrer en perdition, selon la nécessité ; car elles doivent expier et être jugées pour leur injutsice, selon l’ordre du temps ». Ainsi Nietzsche l’a-t-il traduit, et l’éditeur des présocratiques aussi. Puis Heidegger propose une traduction plate : « or, depuis quoi la génération est aux choses, aussi la perdition s’engendre vers le nécessaire ; car elles s’administrent les unes aux autres châtiment et expiation pour leur injustice, selon l’ordre du temps. » Puis il écarte les présuppositions des autres interprétations, et se demande : de quoi est-ce que tout ça parle ? et il remarque que la parole consiste en deux phrases : dans la première, il est question des onta, des étants, de la multiplicité de l’étant, et ta onta, c’est aussi tous les étants, donc il est question du tout de l’étant, de l’étant multiple en son entier. Et ça vaut pour la seconde aussi : la parole parle de l’étant dans son entier. Mais désigner ce dont la parole parle est une chose, autre chose comprendre ce qu’elle en dit. Mais cela n’est possible si nous ne nous demandons pas ce que signifie en grec on , étant, einai , être : traduire ne signifie pas comprendre. Mais cela, la parole ne nous le dira pas : les mots « étant » et « être » sont reçus par Anaximandre, non pas forgés. Donc ce dont elle parle lui a été offert par la langue même, et selon laquelle elle parle. Si nous voulons avoir une idée de ce qu’il faut entendre par étant et être, il faut aller le chercher ailleurs dans la langue grecque. Cette extériorité-là est aussi requise par le problème de la délimitation de la parole elle- même : problème philologique réel, et Heidegger va finir par réduire le texte de la parole, en 1946. Heidegger fait commencer la parole par « selon la nécessité », kata to kreon, et il reste seulement : « selon la nécessité, car ils se paient les uns aux autres châtiment et réparation pour la justice ». Si Heidegger coupe le texte, c’est toujours pour des raisons philosophiques, jamais d’abord philologiques, on verra. Mais il dit que on ne peut pas ne pas tenir compte du reste, de la genesis et de la phtora (déclin, corruption) auquel il faut tenter de redonner leur sens le plus originaire possible, le plus grec, avant les philosophes. Mais d’abord : quelle est 2 l’infini au sens du sans limite, sans terme, du non-défini donc 2 Page 2 sur 73 332634900.doc la signification philosophique de « grec » ? c’est quoi, penser de manière grecque ? Philosophiquement, s’entend ? Penser en grec « Dans notre façon de penser, grec ne désigne aucune particularité nationale, mais c’est le matin du destin conformément auquel l’être s’éclaire dans l’étant et revendique une essence de l’homme… » (GA V page 336). Grec, c’est ici pensé pour rapport à l’être ; c’est un moment du destin de l’être qui définit le grec, pas le grec qui définit l’être 3 . XXX4 C’est une construction phénoménologique, non pas spéculative mais appuyée sur une description, qui se laisse voir. C’est la lueur initiale de l’être dans l’étant, la premier apparition de l’être, qui apparaît nécessairement dans l’étant ; mais cette apparition a ceci de particulier qu’elle est en même uploads/Philosophie/ franck-heidegger-et-le-christianisme.pdf
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- Publié le Sep 27, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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