1. Section théorique Définir les culturèmes 15 Remarques sur le concept de cult
1. Section théorique Définir les culturèmes 15 Remarques sur le concept de culturème1 Georgiana Lungu-Badea Université de l’Ouest de Timisoara Roumanie Résumé : L’objectif de cette étude est d’offrir un aperçu du concept de culturème, de le définir et d’établir son champ sémantique. Les acceptions du terme dans la théorie du culturème et du transfert linguistique, dans la sociologie de la culture et la sociolinguistique nous permettront de le délimiter semantiquement d’autres concepts apparentés et d’identifier son acception traductologique. L’étude des oppositions binaires : culturème-traductème, culturème-connotation, culturème- néologisme, etc. nous a permis d’identifier ses traits : la monoculturalité, la relativité du statut de culturème et l’autonomie du culturème par rapport à la traduction. Afin de faciliter le choix du procédé de traduction convenable, nous esquissons une classification des culturèmes. Mots clés : culturème, connotation, allusion, unité de traduction, néologisme, monoculturalité. Abstract : The purpose of this article is to give further details about the concept of cultureme (the culture-bound term or phrase), its definition and semantic field. The significance of this term in the theory of the cultureme and in the theory of linguistic transfer, in the sociology of culture and in sociolinguistics offers the opportunity to set the semantic limits of culturème and to identify its significance in translatology. The binary opposition cultureme-translation unit, cultureme- connotation, cultureme-neologism etc. is thought to be a powerful tool to elucidate the fundamental characteristic of the cultureme: monoculturality and its relative autonomy of translation. A classification of the culturemes is suggested to facilitate the translation process and to choose the most appropriate method of translation. Keywords : cultureme, connotation, allusion, translation unit, neologism, monoculturality. 1 Le texte est la version entièrement remaniée de la première partie de la thése de doctorat Le Rôle du contexte extralinguistique dans la traduction des culturèmes (2003), publiée sous le titre Théorie des culturèmes, théorie de la traduction [en roum.], Timişoara, Editura Universităţii de Vest, 2004. 16 1. Introduction Chaque discipline, chaque domaine d’activité et, en général, chaque domaine du savoir, a leur propre terminologie. La traductologie ne fait pas exception : les enjeux auxquels cette science du langage doit répondre sans cesse l’obligent à ajuster ses instruments d’évaluation, mais aussi ses concepts. Si la linguistique opère avec des unités de base telles que phonème, morphème, phrase, etc., la traductologie est appelée à construire son propre métalangage en vue de fonder son propre appareil critique d’évaluation et d’analyse. Le discours traductologique intègre des notions empruntées à des domaines divers : linguistique générale (signifié, signifiant, syntagme, etc.), linguistique différentielle (transposition, changement de la classe morphologique et syntaxique et changement de la catégorie grammaticale), grammaire (temps, aspect, etc.), rhétorique et stylistique (personnification, métaphore, etc.), techniques de rédaction (réorganisation structurelle, condensation, etc.), pédagogie (objectif général, objectif spécifique), terminologie (fiche terminologique, bien distincte de la fiche lexicologique, langage de spécialité), lexicologie (emprunt, calque), analyse littéraire (analyse et interprétation du discours, etc.) et psychologie cognitive (compléments cognitifs). La traductologie a aussi son propre appareil terminologique, unanimement reconnu par les spécialistes du domaine (traductème ou unité de traduction, stratégie de traduction, traduction pédagogique, traduction érudite, traduction littérale, traduction sémantique, traduction comparée, etc.), qui s’enrichit toujours de nouveaux termes, comme c’est le cas du culturème. Ce dernier, très peu théorisé par les recherches sociologiques entreprises en Roumanie, a été consacré suite aux études relatives au transfert culturel, à l’interculturel et aux différences culturelles (Els Oksaar 1988, Vermeer 1983, Vermeer et Witte 1990, Nord 1997, etc.). Malgré la bibliographie existante sur le concept, le terme culturème n’est pas répertorié par les dictionnaires. Cette lacune terminologique serait due, selon nous, à l’absence d’un dictionnaire traductologique ou d’un dictionnaire de termes spécifiques à la théorie et à la pratique de la traduction qui intègre également la dimension socioculturelle de la traduction.2 2 Les ouvrages des spécialistes du domaine traductologique (Vinay et Darbelnet, J. Delisle, etc.) contiennent également des glossaires terminologiques qui, bien que variables en terminologie selon les langues et les théoriciens, permettent de saisir, au delà de la richesse synonymique, l’essentiel de l’information traductologique et d’identifier la réalité à laquelle un terme renvoie. De tels glossaires sont peu accessibles pour des raisons matérielles (tirage réduit, coûts élevés, commandes impossibles à effectuer, etc.). En revanche, on pourrait citer les glossaires élaborés par des écoles de traduction, mis en ligne sur le site web des établissements. 17 Dans notre tentative de définir le concept de culturème et de l’intégrer dans la théorie du transfert traductionnel et culturel, nous avons jugé opportune une démarche en deux temps, correspondant à deux questions : • Qu’est-ce que le culturème ? i. Aperçu de la notion, définition, structure, champ sémantique ; ii. Acception du terme dans la théorie du culturème et du transfert linguistique (E. Oksaar, 1988, Vermeer 1983, H. Vermeer et H. Witte, 1990, A. Chesterman, 1997, 2000, G. Lungu-Badea, 2001) ; iii. Le concept de culturème dans une approche « comparative et culturaliste » ; iv. Le concept de culturème dans une perspective sociologique (O. Benko, 1985, 1989, I. Evseev, 1985). • Qu’est-ce que n’est pas le culturème ? v. Distinction entre culturème et d’autres concepts, opératoires en linguistique, stylistique, etc. tels que : connotation, allusion, néologisme, traductème ou unité de traduction, etc. Les conclusions de cette double démarche se retrouvent dans la troisième section de la présente recherche : • Proposition de classification des culturèmes. Notre choix méthodologique s’est porté sur une démarche qui nous a semblé plus appropriée à la problématique envisagée: lever les ambiguïtés et souligner ce qu’est bien le culturème par rapport à ce qu ce n’est pas culturème. Le domaine d’application du concept qui sera analysé dans ce qui suit est la théorie et la pratique de la traduction. Notre approche relative à la définition du culturème s’appuie sur l’explication de termes proches au concept ou de termes prêtant à confusion. La définition qui sera proposée se trouvera justifiée par la démarche méthodologique adoptée et sera opératoire dans la critique de la traduction, mais aussi dans la pratique et l’évaluation de la traduction. Notre corpus sera constitué, d’une part, d’exemples extraits du roman Candide de Voltaire, de Gargantua et Pantagruel de Rabelais, et d’autre part, de textes informatifs publiés dans des hebdomadaires français de vulgarisation ou d’exemples de titres d’articles, de livres, etc. Notre objectif sera de souligner l’importance du repérage de cette unité porteuse d’information culturelle pour la compréhension correcte de son contenu informatif et l’importance de sa réexpression (traduction) adéquate lors du transfert culturel. 18 2. Le culturème. Essai de (re-)définition 2.1. Définition du concept Le terme culturème3, créé selon le modèle phonème, morphème, lexème, etc., est une notion d’emballage qui va au-delà des idées d’un domaine, touchant toutes les créations socioculturelles. Ce concept hérité de la cybernétique, le culturème, contient le principe de la mesure de la quantité d’information ou d’originalité et il est inextricablement lié, non uniquement par son nom, à la culture : « La culture sera […] mesurée par l’étendue des culturèmes possédés par l’organisme multipliée par l’importance des associations que cet organsime effectue entre culturèmes. » (Moles 1967, 34). Le concept renvoie à des unités porteuses d’informations culturelles, à des termes culturellement marqués (A. Martinet4), « allusions prestigieuses » (Vinay et Darbelnet5), proches des cultismes6, sans pour 3 Dans le Grand Dictionnaire Terminologique, le terme culturème (non courant, 1976) — dont l’équivalent anglais proposé par CILF est cultureme — est défini en tant qu’ « élément constituant d’une culture ». 4 Le linguiste français fait principalement référence à des termes que Worf et Sapir considèrent intraduisibles : inexistant en langue cible, le recours à l’emprunt ou à la naturalisation ne serait à même de faciliter la compréhension du message de l’émetteur / auteur. Considérons la situation de traduction suivante : une maison d’édition d’un pays équatorial sollicite la traduction du russe d’un roman qui décrit la vie pénible en Sibérie, pendant l’hiver. Le traducteur surmontera-t-il les problèmes de restitution des références culturelles, géographiques, climatériques, etc. ? Le bagage cognitif des récepteurs du TC serait-il si réduit que la restitution des réalités climatériques, par exemple, imposerait l’explication et la description du phénomène ? Un tel phénomène, dont les récepteurs n’ont pas fait l’expérience, représente en fait un faux problème de traduction et de réception. Culturaliser, c’est l’une des attributions de la traduction et du traducteur, sans pour autant combler la connaissance formelle des faits. 5 J.-P. Vinay et J. Darbelnet (1958, 242-266) distinguent plusieurs types d’allusions: allusions figées dans le lexique, allusions figées dans le message et allusions figées dans le langage métalinguistique. 6 Le Petit Robert (1991, 436) enregistre la définition suivante : « cultisme, (1823 < esp. cultismo < lat. cultus « cultivé ») ; hist. littér. Affectation, préciosité du style, mise à la mode au début du XVIIe siècle, par certains écrivains espagnols (Góngora), v. gongorisme ». Le Dictionnaire étymologique et historique (Dauzat, Dubois et Mitterrand 1978, 216) précise que le terme français cultisme provient du français culte (1823) qui sera à l’origine du terme français culturel, créé à la fin du XIXe siècle. Le Dictionnaire explicatif uploads/Philosophie/ georgiana-lungu-badea-cultureme-translationes-1-2009.pdf
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- Publié le Fev 12, 2021
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