Sous la direction d’Eduardo Portella Avec des contributions de Rafael Argullol,

Sous la direction d’Eduardo Portella Avec des contributions de Rafael Argullol, Jean Baudrillard, Roberto Cardoso de Oliveira, Emmanuel Carneiro Leão, Barbara Freitag, Zaki Laïdi, Claude Lévi-Strauss, Ronaldo Lima Lins, Eduardo Lourenço, Michel Maffesoli, Eduardo Prado Coelho, Muniz Sodré, Gianni Vattimo La bibliothèque du philosophe | Éditions UNESCO Chemins de la pensée : vers de nouveaux langages Chemins de la pensée : vers de nouveaux langages Chemins de la pensée : vers de nouveaux langages La bibliothèque du philosophe | Éditions UNESCO Sous la direction d’Eduardo Portella Avec des contributions de Rafael Argullol, Jean Baudrillard, Roberto Cardoso de Oliveira, Emmanuel Carneiro Leão, Barbara Freitag, Zaki Laïdi, Claude Lévi-Strauss, Ronaldo Lima Lins, Eduardo Lourenço, Michel Maffesoli, Eduardo Prado Coelho, Muniz Sodré, Gianni Vattimo Les appellations employées dans cette publication et la présentation des données qui y figurent n’impliquent de la part de l’UNESCO aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant à leurs frontières ou limites. Les idées et opinions exprimées dans cet ouvrage sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les vues de l’UNESCO. Publié en 2000 par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture 7, place de Fontenoy, 75352 Paris 07 SP (France) ISBN 92-3-203647-9 © UNESCO 2000 On n’insistera jamais assez sur le rôle de veille intellectuelle que l’UNESCO a pour mission de jouer, en tant que seule organisation du système des Nations Unies à conjuguer éducation, science, culture, communication et sciences sociales et humaines. Fruit d’un héritage mondial — la pensée moderne dans son inflexion plurielle —, l’UNESCO doit être une mémoire, en même temps qu’un lieu où les idées s’échangent, s’affrontent, se précisent et s’épanouissent. En cette fin de millénaire, nos repères éthiques se font de plus en plus rares et fragmentaires. Un bilan s’impose, non seulement des traditions philo- sophiques, mais aussi du questionnement auquel elles sont soumises, ainsi que du rôle même du penseur, aujourd’hui contesté, voire éclipsé à la fois par les techno- sciences et par la médiatisation. Tandis que celles-ci transforment nos sociétés, on en vient, face à l’échec des utopies successives, à se demander si le philosophe doit — ou peut — renoncer à figurer le monde autrement. Pour dégager de nouvelles perspectives, primordiales pour notre réflexion et indispensables à notre action, le professeur Eduardo Portella a été invité à lancer dès 1997 un dialogue ouvert, sans parti pris, qui porte sur cet héritage un regard à la fois critique et constructif. Le projet Chemins de la pensée aujourd’hui : nouveaux langages à l’aube du IIIe millénaire est né de cette demande. Aujourd’hui rassemblés dans ce volume, les travaux entrepris dans le cadre du projet ne vont pas s’y arrêter. A peine ouverts, ces chemins ne prétendent Préface en aucun cas apporter des réponses toutes faites ; ils nous invitent, au contraire, à poursuivre les interrogations qui sont le propre de la pensée. Plus que jamais, il importe de ne pas renoncer à penser. Il importe notam- ment que l’UNESCO franchisse le cap du millénaire avec une capacité renforcée pour mobiliser les systèmes de connaissance, les tendances philosophiques, les méthodologies scientifiques et le dialogue interculturel en faveur d’une meilleure compréhension mutuelle, condition sine qua non d’une culture de paix. Questionner le millénaire qui s’achève, interroger le siècle qui s’écoule, voilà la seule préparation possible pour accueillir ce qui est neuf dans le millénaire qui s’ébauche à travers les multiples attentes propres à notre temps. Ouvrir des horizons au questionnement, c’est dégager les conditions qui permettent, d’ores et déjà, d’entreprendre cette interrogation. Tel est le défique le passage du millénaire impose à la pensée. Toute pensée est la présence embarrassante et déconcertante, dans la conscience pluri- séculaire de l’Occident, de la non-conscience qui n’a pas de temps d’humanité. C’est pourquoi la pensée requiert beaucoup de concentration et peu d’impatience. Ce n’est que dans le recueillement serein de la patience que nous pouvons prendre pos- session de ce qui est donné, dans tout passage et toute transition, comme toujours neuf : la non-conscience. La conscience qui prédomine dans la réalisation moderne de l’homme occidental a fait et continue de faire en sorte que le chemin le plus long soit celui qui mène au plus près, et l’ultime parcours, quel qu’il soit, celui qui mène au commencement de tout : la non-conscience. En cette période, deux questions se posent par rapport à un seul et même enjeu : l’empire de la conscience. La première est une interpellation : les crises du passage du second au troisième millénaire sont-elles les crises d’une conscience en particulier, ou bien la crise de la conscience en tant que telle, de la conscience en tant que conscience ? Le propre de toute conscience, en tant que conscience, n’est-il pas d’engendrer des crises, d’induire le conflit, de provoquer l’angoisse ? Avant-propos La seconde question est un appel : surmonter la crise de ce passage ou de cette transition ne revient-il pas à inscrire, dans la propre chair de l’histoire, que toute crise, en tant que crise de conscience et de la conscience, est déjà radicalement dépassée par la créativité de la pensée de la non-conscience ? Tout millénaire, chaque siècle, toute année, chaque journée, heure et ins- tant, sont à la fois et constamment nocturnes et matinaux. Dans ces temps chargés d’expectatives, les fureurs nocturnes du deuxième millénaire prédominent sur les prouesses matinales. Un cycle de l’histoire de l’humanité, entamé il y a vingt-cinq siècles, s’achève. Un point culminant est atteint et une fin s’instaure. C’est le moment propice à la non-conscience, où nous pouvons parvenir à être plus libre- ment ce que nous avons et avoir plus intensément ce que nous sommes. Car tout devient fluide, et rien ne se fige. Les vieux modèles s’écroulent et les nouveaux idéaux ne se sont pas encore implantés. Les limitations de la conscience et la perte de ses représentations se font sentir plus intensément. Le monde entier entre en transition et éprouve la pression du passage. Il y a deux mille cinq cents ans, Bouddha surgissait en Inde, Lao Tseu en Chine, Zarathoustra en Perse et les pré-Socratiques en Grèce. Aujourd’hui nous nous retrouvons dans les interstices de l’histoire, dans l’antichambre d’un autre jour historique. Les paramètres se vident de sens, les valeurs se dissipent, les principes d’ordre s’affaiblissent. Nous vivons un état malléable où l’ancien n’a plus l’impor- tance qu’il avait. Le pouvoir du passé est évacué et l’avenir, s’il est déjà arrivé, n’est pas encore complètement ancré. Nous sommes dans un intervalle de l’histoire. Il est temps de penser à la désinstallation, à un jour de création. Dans la crise de tous les fondements, la pensée a effectué les premiers pas vers un détache- ment de la prépondérance et du pouvoir irréfutable de la conscience. Dans l’œuvre de Nietzsche, Zarathoustra entame sa descente pour annoncer, au « dernier homme », l’avènement du « surhomme ». Que nous apporte-t-il d’eschatologique, de radicalement neuf, ce « sur » du surhomme ? Ne serait-il pas notre détachement, notre affranchissement vis-à-vis de la conscience et de sa domination ? Les paroles, écrites en lettres de sang, dans le prologue du premier livre d’Ainsi parlait Zarathoustra, nous invitent à contempler le renouveau de la non-conscience : « Je voudrais prodiguer et partager jusqu’à ce que les sages d’entre les hommes se réjouissent de leur non-conscience et que les pauvres se réjouissent de leur richesse ! C’est pourquoi je viens de descendre dans les profondeurs, comme tu le fais au crépuscule, lorsque tu plonges dans la mer et que tu apportes la lumière au monde d’en-bas, toi, l’astre au-dessus de toute richesse1 ! » Nous sommes dans une transition de principes. Il est essentiel de se demander s’il est possible d’opérer ce passage vers le troisième millénaire sans savoir quel est le verbe de l’histoire. Sera-t-il faire, agir, arriver, produire ? Sera-t-il desti- ner et acheminer ? Quel sera le verbe que l’histoire conjuguera dans cette transition de millénaire ? Présupposer de l’un d’entre eux serait risquer de retomber dans la grande ruse de la conscience, qui prétend se débarrasser de la non-conscience de l’histoire, dans l’illusion de pouvoir la dominer. Emmanuel Carneiro Leão 1. « Ich möchte verschenken und austeilen, bis die Weisen unter den Menschen wieder einmal ihrer Torheit und die Armen wieder einmal ihres Reichtums froh geworden sind. Dazu muss ich in die Tiefe steigen : wie du des Abends tust, wenn du hinter das Meer Gehst und noch der Unterwelt Licht bringst, du überreiches Gestirn ! » (Traduction de l’auteur.) Remerciements Les écrits de Barbara Freitag, Roberto Cardoso de Oliveira, Ronaldo Lima Lins, Michel Maffesoli, Muniz Sodré et Gianni Vattimo viennent enrichir les débats qui ont eu lieu à Paris (UNESCO) et à Rio de Janeiro (Académie brésilienne des lettres), en février et en avril 1999, autour des thèmes proposés par Eduardo Portella, Jean Baudrillard, Emmanuel Carneiro Leão, Rafael Argullol et Eduardo Prado Coelho. Ni colloques ni symposiums, encore moins conférences, ces ren- contres ont uploads/Philosophie/ 120125fre-pdf.pdf

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