Copyright AFECAP 1 Histoire naturelle du cancer (Chapitre 9) Auteurs : V. Coste

Copyright AFECAP 1 Histoire naturelle du cancer (Chapitre 9) Auteurs : V. Costes, S. Guyetant Mai 2005 Pré requis : • Connaître l'anatomie du système lymphatique et de la grande circulation • Connaître les caractéristiques morphologiques des cellules cancéreuses Objectifs • Savoir ce qu'est la dysplasie en pathologie tumorale, et en connaître des exemples • Définir un carcinome in situ et comprendre les conséquences pratiques de ce diagnostic • Citer les différentes étapes du processus métastatique • Connaître les grandes voies de dissémination métastatiques des cellules cancéreuses • La localisation des métastases par voie hématogène n'est pas aléatoire. Citer les 2 théories proposées pour expliquer l'existence de sites métastatiques préférentiels et illustrer chacune par 2 exemples Références • site d’oncologie générale de la faculté de médecine de Caen : http://www.oncoprof.net/ • Cancer Medecine, 5th edition, Robert C. Bast Jr., Donald W. Kufe, Raphael E. Pollock, Ralph R.Weichselbaum, James F. Holland, Emil Frei, B.C. Decker Inc. 2000 (section 5) en accès gratuit (en anglais) sur : http://freebooks4doctors.com/ 1. INTRODUCTION L'histoire naturelle d'un cancer peut être divisée schématiquement en plusieurs étapes: • la transformation cancéreuse d'une cellule • l'expansion clonale de la cellule cancéreuse (théorie clonale du cancer) • la croissance de la masse tumorale qui devient cliniquement détectable et l'invasion locale avec envahissement loco-régional par le tissu cancéreux • la dissémination des cellules cancéreuses à distance du foyer tumoral initial et la formation de foyers tumoraux secondaires = les métastases. Cette progression tumorale est liée à l'instabilité génétique des cellules cancéreuses. Des modifications génétiques spontanées vont survenir progressivement, avec apparition de variants du clone initial, entraînant une hétérogénéité de la tumeur. Ces clones variants auront des comportements prolifératifs, invasifs, antigéniques, et métastatiques hétérogènes, ou encore une sensibilité inégale à la chimiothérapie. Copyright AFECAP 2 2. ETATS PRECANCEREUX ET PHASE INITIALE DU CANCER Tous les épithéliums reposent sur une membrane basale qui sépare les cellules épithéliales du tissu conjonctivo-vasculaire sous-jacent appelé chorion. Les étapes du développement d'un carcinome (= cancer d'origine épithéliale) avant la phase d'invasion correspondent aux étapes strictement intra-épithéliales de la carcinogenèse. On distingue 2 étapes : les dysplasies et le carcinome in situ. 2.1. Conditions et lésions précancéreuses, notion de dysplasie Les conditions précancéreuses sont des états cliniques associés à un risque significativement élevé de survenue de cancer. Elles permettent de déterminer des populations à risque pour un cancer donné. Les lésions précancéreuses sont des anomalies histopathologiques qui peuvent aboutir à l'apparition d'un cancer (gastrites chroniques...). Certains cancers apparaissent aussi sur des lésions pré-existantes, comme les carcinomes développés sur des cicatrices de brûlure ou des lésions de radiodermite. Une condition précancéreuse est donc distincte d'une lésion précancéreuse. Exemple : la polypose colique familiale est une condition précancéreuse, car cette maladie entraîne un risque important de cancer du colon. Elle se traduit en particulier par la survenue de nombreux adénomes coliques. Ces adénomes comporteront des lésions de dysplasie (lésion précancéreuse). Certaines lésions précancéreuses sont appelées dysplasies. Les dysplasies sont des troubles acquis de la multiplication cellulaire résultant d'anomalies génétiques qui altèrent le contrôle de la prolifération cellulaire, et sont responsables d'anomalies de maturation cellulaire. Les dysplasies ne sont décrites que dans les épithéliums (col utérin, tube digestif, voies aériennes, glande mammaire, voies urinaires...) et sont des lésions précancéreuses car les cellules dysplasiques peuvent, inconstamment et dans un délai très variable, se transformer en cellules cancéreuses par accumulation d'autres anomalies génétiques. NB : le terme de "dysplasie" a un deuxième sens, plus près de son étymologie ( dys / anomalie ; platein / construire)(cf chap 5). Il désigne toute lésion résultant d'une anomalie du développement d'un tissu, d'un organe ou d'une partie de l'organisme (par exemple, dysplasie rénale, dysplasie dentaire). Il est également utilisé pour désigner certaines maladies Copyright AFECAP 3 constitutionnelles rares, à caractère malformatif plus ou moins manifeste (exemple : dysplasie fibreuse des os). Des états dysplasiques peuvent survenir : • à l'occasion d'un état inflammatoire chronique (ex: gastrite chronique à Hélicobacter ; métaplasie glandulaire du bas oesophage par reflux acide chronique : endobrachyoesophage ; certaines maladies inflammatoires chroniques intestinales) • sur des infections virales (condylomes à papillomavirus du col utérin) • dans des tumeurs bénignes (adénomes du colon). Caractères microscopiques des dysplasies L'état dysplasique peut être diagnostiqué par l'examen anatomo-pathologique, cytologique et/ou histologique : • mitoses en nombre augmenté, • augmentation des rapports nucléo-cytoplasmiques, • anisocytose et anisocaryose, • diminution de la différenciation cellulaire • troubles de la polarité cellulaire, désorganisation de l'épithélium adénome colique (fig9.12) Ces anomalies microscopiques sont plus ou moins intenses, et ceci est la base de la notion de grade : l'anatomo-pathologiste doit non seulement reconnaître une dysplasie mais doit indiquer son grade c'est-à-dire son intensité. En règle, plus la dysplasie est marquée, plus le risque de transformation en cancer à plus ou moins court terme est élevé. Le grade a donc pour but de proposer un pronostic pour guider l'attitude thérapeutique. Différentes terminologies sont employées pour qualifier les différents grades de dysplasie : • dysplasies légère, modérée et sévère (OMS) • néoplasie intra-épithéliale (NIE) de degrés I, II et III • dysplasies de bas grade et de haut grade. 2.2. Le carcinome in situ (CIS) Copyright AFECAP 4 2.2.1. Définition Au niveau des épithéliums, séparés du tissu conjonctif par une membrane basale bien distincte, il est possible de décrire un stade de carcinome in situ : prolifération de cellules épithéliales cancéreuses qui intéresse toute la hauteur de l'épithélium mais qui ne franchit pas la membrane basale de l'épithélium, et donc n'envahit pas le tissu conjonctif. Le carcinome in situ est aussi dit "non invasif". A ce stade , les cellules cancéreuses ne sont pas accompagnées par un stroma. En pratique, les termes de carcinome in situ et de dysplasie sévère (ou de haut grade) sont souvent employés comme synonymes. 2.2.2. Localisations : ce sont celles des dysplasies • col utérin • autres muqueuses malpighiennes (lèvres et bouche, oesophage, larynx, muqueuses génitales, bronches après métaplasie malpighienne) et peau • urothélium (vessie surtout) • muqueuses digestives (surtout à partir des adénomes, parfois aussi en muqueuse plane : par exemple sur une métaplasie intestinale gastrique ou du bas œsophage (endobrachyoesophage) • sein : carcinome lobulaire in situ touchant les petits acini mammaires, ou carcinome intra-canalaire dans les canaux excréteurs galactophores 2.2.3. Diagnostic : il est microscopique, sur des biopsies ou sur des pièces opératoires *en effet il n'y a pas de masse tumorale et les modifications macroscopiques sont minimes (mais elles peuvent permettre d'orienter des biopsies et donc de dépister le cancer in situ) *Les anomalies sont celles de cellules cancéreuses (cf chapitre 8) et sont difficiles à distinguer d'une dysplasie sévère ou de haut grade mais, en pratique, ceci n'a pas d'importance car l'attitude thérapeutique est identique qu'il s'agisse d'une dysplasie sévère ou d'un carcinome in situ. Le point important du diagnostic est ici, par définition, l'intégrité de la membrane basale et donc l'absence d'envahissement cancéreux du tissu conjonctif. Condylome (fig9.10) Carcinome in situ Copyright AFECAP 5 (fig9.09) Carcinome épidermoïde microinvasif (fig9.08) Schéma d'un carcinome micro invasif (fig9.13) NB : Un diagnostic de certitude repose sur l'étude histopathologique de la totalité de la lésion (pour être sûr que le carcinome est "in situ" dans toute la lésion), donc sur une pièce d'exérèse. Sur une biopsie, l'anatomo-pathologiste ne peut répondre que "aspect de CIS" (= CIS dans la limite de la biopsie examinée). Sur des prélèvements cytologiques, on peut suspecter l'existence de cellules cancéreuses mais on ne peut dire si le carcinome est in situ ou invasif. 2.2.4. Evolution • un CIS peut demeurer non invasif pendant plusieurs années • un CIS évolue spontanément dans la très grande majorité des cas en un carcinome invasif (mais il existe de très rares régressions spontanées) • le schéma évolutif "dysplasie → CIS → carcinome invasif", s'il est très fréquent, n'est probablement pas applicable à tous les carcinomes. On peut dépister un carcinome in situ et ceci est très important pour le pronostic : en effet, au stade de carcinome in situ, aucune métastase ne s'est constituée. Le traitement peut être local et limité, et conduire à la guérison. 3. PHASE LOCALE DU CANCER : L'INVASION 3.1. Aspects fondamentaux Remarque préliminaire : l'invasion locale et les métastases sont deux caractéristiques essentielles des cancers et sont responsables de leur morbidité et de leur mortalité. Pour des raisons pratiques, ces deux phases sont séparées ici en deux chapitres différents, mais bon nombre des mécanismes impliqués dans l'invasion et le processus métastatique sont communs. Copyright AFECAP 6 Les cellules tumorales envahissent le tissu conjonctif selon un processus actif et complexe, lié à l'acquisition de nouvelles propriétés biologiques par certaines cellules du clone tumoral. Le stroma du cancer (notamment l'angiogenèse indispensable dès que la masse tumorale dépasse 1 à 2 mm de diamètre) nécessaire à la croissance de la tumeur s'élabore lors de la phase d'invasion. Comme nous l'avons vu précédemment, la plupart des cancers épithéliaux (= carcinomes) passent par une phase de prolifération purement intra-épithéliale (carcinome in situ). Le franchissement de la membrane basale par les cellules carcinomateuses définit un carcinome invasif. uploads/Philosophie/ histoire-naturelle-du-cancer.pdf

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