1. Les principaux courants théoriques de l’enseignement et de l’apprentissage :

1. Les principaux courants théoriques de l’enseignement et de l’apprentissage : un point de vue historique Les sciences de l’éducation puisent leurs fondements théoriques, entre autres, dans la psychologie, la sociologie, la philosophie et les sciences cognitives. Cette diversité de champs théoriques à la base des différentes approches de l’enseignement et de l’apprentissage peut parfois être confondante dans la mesure où certains auteurs peuvent se retrouver à l’intérieur de plus d’un courant théorique. Actuellement, une majorité de théoriciens en éducation s’accordent pour regrouper les modèles de l’enseignement et de l’apprentissage selon quatre courants : le courant béhavioriste, le courant cognitiviste, le courant constructiviste et le courant socio-constructiviste. Le présent document décrit de manière synthétique les quatre courants préalablement mentionnés et en cerne les principales caractéristiques. De plus, il contient des exemples qui illustrent les concepts clés sous-jacents et qui permettent de faire le lien avec la pratique de l’enseignement. Abordé dans une perspective historique, cet ouvrage entend nourrir la réflexion des professeurs qui désirent situer leurs pratiques éducatives à l’intérieur d’un cadre conceptuel et qui veulent être à même d’apprécier la complexité et l’impact de leurs actions pédagogiques. Le tableau 1 présente un résumé schématique des quatre principaux courants en les reliant aux conceptions de l’acte d’enseigner et d’apprendre qui leur correspondent. La figure 1 offre un aperçu global de l’évolution chronologique des courants théoriques et permet d’en identifier les auteurs respectifs les plus influents. Tableau 1. Représentation schématique des principaux courants théoriques Socio- constructiviste Constructiviste Cognitiviste Béhavioriste Enseigner c’est… Organiser des situations d’apprentissage propices au dialogue en vue de provoquer et de résoudre des conflits socio-cognitifs. Offrir des situations obstacles qui permettent l’élaboration de représentations adéquates du monde. Présenter l’information de façon structurée, hiérarchique, déductive. Stimuler, créer et renforcer des comportements observables appropriés. Apprendre c’est… Co-construire ses connaissances en confrontant ses représentations à celles d’autrui. Construire et organiser ses connaissances par son action propre. Traiter et emmagasiner de nouvelles informations de façon organisée. Associer, par conditionnement, une récompense à une réponse spécifique. Méthodes pédagogiques appropriées Apprentissage par projets, discussions, exercices, travaux. Apprentissage par problèmes ouverts, étude de cas. Exposé magistral, résolution de problèmes fermés. Programme d’autoformation assistée par ordinateur. Anastassis Kozanitis Bureau d’appui pédagogique Page 1 sur 14 Septembre 2005 École Polytechnique Avant J.C. 500-400 16e et 17e siècles 19e siècle (fin) 20e siècle (début) 20e siècle (milieu) 20e siècle Empirisme anglais Locke Hume Empirisme Aristote Empirisme logique Comte Bernard Béhaviorisme Pavlov Watson Thorndike Cartésianisme Descartes Psychanalyse Freud Erickson Gestaltisme Wertheimer Koffka Constructivisme Approche développementale Piaget Approche interactionniste Bruner Néo-béhaviorisme Hull Skinner Cognitivisme Traitement de l’information Gagné Ausubel Apprentissage stratégique Tardif Lafortune et al. Approche sociale cognitive Rotter Bandura Psychologie humaniste Rogers Pearls Mentalisme Structuralisme Wundt Titchener Rationalisme Socrate Platon (fin) 21e siècle Approche historico- culturelle Vygotsky Perspective européenne Doise et Mugny Perret-Clermon Socioconstructivisme Figure 1. Historique et évolution des courants théoriques de l’apprentissage (adapté de Minier, 2003) Anastassis Kozanitis Bureau d’appui pédagogique Page 2 sur 14 Septembre 2005 École Polytechnique 1.1 Le béhaviorisme Le béhaviorisme (ou comportementalisme en français) en tant que théorie de l’apprentissage s’intéresse à l’étude des comportements observables et mesurables et considère l’esprit (mind en anglais) comme une « boîte noire » (Good et Brophy, 1990). Les fondements théoriques du béhaviorisme remontent jusqu’à Aristote qui étudiait les associations entre des événements naturels comme l’éclair et la foudre. La conception béhavioriste est également dérivée des travaux des philosophes empiristes britanniques et de la théorie darwinienne de l’évolution, qui met en relief la façon dont les individus s’adaptent à leur environnement. Toutefois, le terme béhaviorisme est apparu au début du XXe siècle, introduit par le psychologue américain John Watson. Celui-ci reprochait un manque de rigueur scientifique à la psychologie qui se voulait l’étude des états intérieurs ou des sentiments au moyen de méthodes subjectives d’introspection. Watson insistait sur le fait que, n’étant pas observables, ces états ne pouvaient être étudiés. Il a été grandement influencé par les travaux du physiologiste russe Ivan Pavlov sur le conditionnement des animaux. Watson proposait de faire de la psychologie une discipline scientifique en préconisant le recours à de procédures expérimentales objectives en vue d’établir des résultats exploitables statistiquement. Cette conception l’entraîna à formuler la théorie psychologique du stimulus-réponse (ou conditionnement classique). Comme Pavlov, il a d’abord travaillé avec des animaux, mais plus tard s’est intéressé au comportement humain. Il croit que les humains naissent avec des réflexes ainsi qu’avec les réactions émotionnelles de l’amour et de la rage. Pour lui tout autre comportement est le résultat des associations stimulus-réponse créées par le conditionnement. Pour illustrer le fonctionnement de la théorie du conditionnement classique (stimulus- réponse) on décrira une célèbre expérience de Watson qui concerne un jeune enfant (Albert) et un rat blanc. L’expérience de Watson À l’origine, Albert n’a pas peur du rat, mais Watson faisait retentir soudainement un bruit très fort à chaque fois qu’Albert touchait au rat. Étant donné qu’Albert sursautait de frayeur par le bruit, il est rapidement devenu conditionné à avoir peur du rat. La peur a été généralisée à d’autres petits animaux de couleur blanche. Watson a ensuite procédé à l’extinction de la peur en présentant le rat sans le bruit. Cependant, à l’époque certains chuchotaient que la peur conditionnée d’Albert pour les rats blancs était beaucoup plus puissante et permanente que ce que rapporte l’auteur de l’étude. Il semble même qu’Albert aurait fait une crise lorsque ses parents l’ont placé sur les genoux du Père Noël pour se faire photographier. La barbe blanche lui rappelait trop le rat. Du point de vue de l’enseignement, le béhaviorisme considère l’apprentissage comme une modification durable du comportement résultant d’un entraînement particulier. De 1920 jusqu’au milieu du siècle dernier, le béhaviorisme domina la psychologie aux États-Unis, tout en exerçant une puissante influence partout dans le monde. Dans les années 1950, la masse d’informations cumulée grâce aux expériences en laboratoire a conduit à l’élaboration de nouvelles théories du comportement. Les théories néo béhavioristes se sont cristallisées dans les travaux de Skinner qui a mis au point un programme de conditionnement plus élaboré que celui initialement développé par Watson. Pour Skinner, les mécanismes d’acquisition se fondent sur le phénomène du conditionnement opérant selon lequel l’apprentissage consiste à établir une relation stable entre la réponse souhaitée et les stimuli présentés, à l’aide de Anastassis Kozanitis Bureau d’appui pédagogique Page 3 sur 14 Septembre 2005 École Polytechnique renforçateurs positifs ou négatifs. Selon cet auteur, on dispose de quatre mécanismes qui permettent « d’opérer » sur le comportement d’un individu. D’abord, on retrouve le renforcement positif (addition d’un stimulus appétitif) et le renforcement négatif (retrait d’un stimulus aversif) qui encouragent la reproduction d’un comportement désirable ou approprié. Puis, l’extinction (absence de renforcement positif ou négatif) et la punition (ajout d’un stimulus aversif) ont comme objectif de faire cesser un comportement non désirable ou inapproprié. L’exemple qui suit peut aider à mieux saisir le fonctionnement du conditionnement opérant. Alexandre et les mathématiques Alexandre, un étudiant universitaire de première année désire recevoir une bonne note au contrôle de mi-session du cours de mathématiques. Pour ce, il travaille très fort et fait tous les exercices proposés dans le plan de cours. En recevant sa copie d’examen corrigée, il constate que ses efforts ont porté fruit puisqu’il a reçu une note de 19 sur 20, ce qui le satisfait grandement. Il se dit alors qu’il fera de même pour les examens finaux (la bonne note a renforcé le comportement de travailler fort et d’étudier de façon assidue). De plus, le professeur avait annoncé en début de session que les étudiants qui recevront une note au dessus de 18 sur 20 au contrôle n’auront pas à effectuer une présentation orale devant la classe en fin de session. Étant donné qu’Alexandre ne se sent pas très à l’aise de parler en public, il est ravi de pouvoir se soustraire de cette activité (le fait de pouvoir se retirer d’une activité qui ne lui plaît pas a également renforcé le comportement de travailler fort et d’étudier de façon assidue). Par contre, Alexandre a la fâcheuse habitude de parler à son voisin de pupitre durant les explications du professeur. Au départ, ce dernier l’ignore en espérant qu’il se taise bientôt (ne pas porter d’attention à un comportement peut mener à son extinction). Comme Alexandre ne se tait pas, le professeur décide de sévir et lui demande d’effectuer une recherche bibliographique sur un thème des mathématiques qui lui est rébarbatif (cette punition vise à faire cesser le comportement d’Alexandre). Par ailleurs, il existe des programmes de conditionnement encore plus complexes qualifiés de renforcement partiel, c’est-à-dire que les comportements ne sont pas renforcés à chaque apparition. Ces derniers sont, soit renforcés à intervalles de temps fixes ou variables, soit à ratios de réponse fixes ou variables. Les machines à sous du casino constituent l’exemple parfait d’un système de renforcement à intervalles et à ratios variables. Aujourd’hui, les principes du béhaviorisme sont surtout utilisés avec des personnes atteintes de déficiences mentales sévères ou modérées, ainsi qu’avec des détenus lors de thérapies qui visent la réintégration uploads/Philosophie/ historique-approche-enseignement.pdf

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