Collège de Maisonneuve L'intégrisme et le modernisme Partie I : l’Histoire de l
Collège de Maisonneuve L'intégrisme et le modernisme Partie I : l’Histoire de l’Islam (notes de cours) professeur Soheil Al-Kache cours donné au Cégep de Maisonneuve dans le cadre de PERFORMA Hiver 1996. 1P E R F O R M A PHILOSOPHIE ET ISLAM Modernisme et Intégrisme Par : Soheil Kash Dans son avant-propos à «L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme», Max Weber expose le «problème» auquel il a consacré l'oeuvre scientifique de toute sa vie: «Tous ceux qui, élevés dans la civilisation européenne d'aujourd'hui, étudient les problèmes de l'histoire universelle, sont tôt ou tard amenés à se poser, et avec raison, la question suivante : à quel enchaînement de circonstances doit-on imputer l'apparition, dans la civilisation occidentale, et uniquement dans celle-ci, de phénomènes culturels qui - du moins nous aimons à le penser - ont revêtu une signification et une valeur universelle»?(1) C'est à partir de ce problème que se constitue la problématique théorique de Max Weber, dans sa vaste recherche encyclopédique en histoire des civilisations et des religions, englobant les différentes formes de rationalité qui n'ont pu acquérir la validité «universelle» de la rationalité occidentale, enracinées qu'elles étaient dans des structures sociales et étatiques interdisant l'universalisation de la nationalité culturelle, et auxquelles manquait ce que Habermas va désigner sous le nom de la «modernité» par référence à la philosophie de Hegel qui aurait été, «le premier à ériger en problème philosophique la rupture de la modernité avec les suggestions normatives du passé, qui lui sont étrangères. Certes, dans le cadre d'une critique de la tradition qui 1Max Weber - L'Ethique protestante et l'esprit du capitalisme. Islam : histoire (janv.-fév. 96) Souheil Al-Kache (Collège de Maisonneuve) 2 intègre les expériences de la Réforme et de la Renaissance tout en réagissant aux débuts de la science moderne, la philosophie des temps modernes, de la scolastique tardive jusqu'à Kant, exprime déjà l'idée que la modernité a d'elle-même. Mais ce n'est qu'à la fin du XVIIIe siècle que la modernité se pose le problème de trouver en elle-même ses propres garanties; cette question prend une forme si aiguë que Hegel peut l'appréhender en tant que problème philosophique, et même en faire le problème fondamental de sa philosophie».2 Hegel, découvre le principe des temps nouveaux, la subjectivité. À partir de ce principe, il explique en même temps la supériorité du monde moderne et la fragilité qui l'expose aux crises. «Le principe du monde moderne est, en général, la liberté de la subjectivité. Selon ce principe, tous les aspects essentiels donnés dans la totalité spirituelle se développent pour obtenir leurs droits respectifs».3 Le terme de subjectivité (sujet) comporte quatre connotations: 1 - Le sujet singulier (individu) dans le monde moderne, c'est la singularité infiniment particulière qui est en droit de faire valoir ses prétentions. 2 - Le droit à la critique: le principe du monde moderne exige que ce que chacun doit accepter en apparaisse comme quelque chose de justifié. 3 - L'autonomie de l'action: il appartient aux temps modernes de vouloir répondre de ce que nous faisons. 4 - La philosophie idéaliste elle-même: pour Hegel, c'est l'oeuvre des temps modernes pour autant que la philosophie saisit l'idée qui a conscience d'elle-même. 2 Jurgen Habermas - Le discours philosophique de la modernité. 3 Hegel - Philosophie du droit. Islam : histoire (janv.-fév. 96) Souheil Al-Kache (Collège de Maisonneuve) 3 Les événements historiques clés qui ont imposé ce principe de la subjectivité sont la Réforme, les Lumières et la Révolution française.4 Ce sont justement ces «acquis» de la philosophie du sujet que la réflexion juridique, éthique et morale cherche à sauvegarder comme noyau rationnel indépendant du système hégélien qui se l'est approprié; et cela en vue de faire face à la philosophie heideggérienne qui s'attaque au modernisme dans son fondement même, la subjectivité. Ce n'est qu'avec Descartes, à l'aube de la métaphysique moderne, que «l'homme devient le premier et le seul véritable subjectum» c'est-à-dire «le centre de référence de l'étant en tant que tel».5 Cette métaphysique de la subjectivité se spécifie comme idéalisme fondé sur le principe de raison (Leibniz) comme principe logique. La forme achevée de la subjectivité métaphysique est illustrée par la «volonté de puissance» nietzschéenne qui débouche, selon Heidegger - et d'après le «travailleur» de Jünger - sur la maîtrise du monde par la technique - comme achèvement de la métaphysique. D'où l'interprétation globale du devenir de l'humanité comme un vaste processus de “déclin” qui commence par la «modernité». L'aire culturelle occidentale qui a rendu possible l'émergence de la Raison qui tend à s'imposer comme Raison Universelle, s'est retrouvée dans un nouveau rapport à l'Autre, où ce dernier fut identifié à la Déraison, et réduit à un objet d'étude qui vient rappeler à la rationalité occidentale son propre passé et ce, selon un récit européo-centriste racontant l'histoire de l'Humanité comme une évolution linéaire répétant nécessairement l'histoire de l'Occident lui-même. L'Autre a eu droit à deux nominations: les sociétés primitives dont s'occupe l'ethnologie, et les civilisations non occidentales qui sont devenues l'objet de l'orientalisme occidental, et qu'on identifie aux pays sous- développés du sud, du Tiers-Monde, ou plutôt à l'Orient tout court comme étant l'envers culturel et non géographique de l'Occident, et 4 Habermas - Le discours philosophique de la modernité. 5 Heidegger - Les chemins qui ne mènent nulle part. Islam : histoire (janv.-fév. 96) Souheil Al-Kache (Collège de Maisonneuve) 4 qu'on a tendance à le situer culturellement en dehors de la modernité occidentale qui s'identifie à la Raison Universelle. Pour ceux qui appartiennent à la culture chrétienne occidentale, l'Islam a toujours été en même temps, fascinant, parce que tout proche et tout autre à la fois, et rebutant, rejeté en tant qu'irrationnel et disqualifié pour la modernité, puisque celle-là est pétrie de christianisme occidental «laïcisé». S'il est vrai que l'Occident s'est créé un Orient imaginaire qu'il a refoulé pour justifier le commencement de sa mémoire gréco-romaine, l'Islam était toujours là pour s'interposer entre l'Occident et sa mémoire, et cela à travers sa propre lecture et du «miracle grec» et du modernisme occidental. S'il est vrai que l'expansion des empires, français et anglais, avait nécessité le développement d'un savoir orientaliste à même de fournir une meilleure approche des civilisations et religions avec lesquelles l'Occident intensifia ses contacts à partir du XVIIe siècle, il n'est pas moins vrai que le Canada se retrouve actuellement dans le besoin de développer une tradition de savoir orientaliste, non pour les mêmes raisons coloniales qui ont incité l'Europe à le faire, mais parce que les représentants de ces mêmes civilisations et religions constituent actuellement une partie de la population canadienne. Avant même d'être une civilisation, une culture ou un ensemble d'institutions, l'Islam fut et reste essentiellement une religion, c'est-à- dire un acte de foi dans la véracité, la pérennité et l'efficacité d'un credo. Il consiste avant tout, pour ceux qui le professent, dans l'acceptation du Coran et la reconnaissance de la mission de son Prophète, ainsi que le proclame l'énonciation même de sa profession de foi qui fait entrer dans la communauté des croyants: «Il n'y a d'autre Dieu que Dieu et Mouhammad est l'envoyé de Dieu». Mais, au-delà de cette adhésion de foi fondamentale, l'Islam, contrairement à une opinion fort répandue, n'est pas un. De bonne heure, il s'est diversifié en une pluralité de sectes ou d'écoles qui se sont souvent combattues et mutuellement condamnées, chacune d'elles se présentant comme la détentrice par excellence de la vérité révélée; Islam : histoire (janv.-fév. 96) Souheil Al-Kache (Collège de Maisonneuve) 5 beaucoup ont disparu au cours de l'histoire, mais beaucoup aussi ont subsisté jusqu'à nos jours avec une remarquable vitalité. La meilleure façon de chercher à définir l'Islam est non point de partir d'une école déterminée - majoritaire ou non - dont on ferait en quelque sorte l'expression d'une orthodoxie, mais de s'attacher à mieux connaître, dans le cours de l'histoire, cette profonde diversité intérieure de l'Islam. Le présent cours propose, dans le cadre de Performa, trois niveaux de lecture de la religion islamique qui se complètent: 1 - Histoire. 2 - Dogme. 3 - Philosophie (FALSAFA). La bibliographie élémentaire proposée pourra être complétée selon les besoins ultérieurs du programme Performa. ------------------------------------------------------------------------- BIBLIOGRAPHIE. --------------------------------------------------------------- ABDEL-MALEK A. - La dialectique sociale. Seuil. ABDEL-MALEK A. - Anthologie de la littérature arabe contemporaine. 2 vol. Paris, 1964. ABDEL JALIL J.- Aspects intérieurs de l'Islam. Seuil 1949. ABDEL JALIL J.- L'Islam et nous. Cerf 1947. AL-MAWARDI - Les Statuts gouvernementaux. Alger, 1915. ARKOUN M. - La pensée arabe. Que sais-je? 1975. ARKOUN M. & GARDET L.- L'Islam: hier, demain. Buchet-Chastel 1978. ARKOUN M. - Lectures du Coran. Maisonneuve et Larose 1982. ARKOUN M. - Pour une critique de la raison islamique. Maisonneuve et Larose 1984. BENNABI M.- Vocation de l'Islam. NRF 1954. BERQUE J. - Les Arabes d'hier à demain. Seuil 1960. Islam : histoire (janv.-fév. 96) Souheil Al-Kache (Collège de Maisonneuve) 6 BERQUE J. - L'Égypte. Impérialisme et révolution. NRF 1967. BERQUE J. - Langages arabes du présent. NRF 1974. BLACHERE R. - Le Coran. Que sais-je? 1977. BLACHERE R. - Introduction uploads/Philosophie/ integrisme-et-modernisme-i-l-x27-histoire-de-l-x27-islam.pdf
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- Publié le Sep 14, 2022
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