Son oeuvre La psychologie analytique « Psychologie jungienne » ou « psychologie
Son oeuvre La psychologie analytique « Psychologie jungienne » ou « psychologie analytique » ? Le concept de « psychologie analytique » apparaît pour la première fois en 1913, au XVIIe Congrès International de Médecine organisé à Londres. Dans une conférence Jung définit en effet sa nouvelle approche comme une psychologie ayant pour but la description des manifestations de l'inconscient, c'est pourquoi Jung lui préfère l'expression de « psychologie complexe »[189] ,[190] . Il la distingue des autres courants de la psychologie comme la psychanalyse de Freud, celle d'Alfred Adler, et de la « psychologie des profondeurs » (« tiefenpsychologie ») d'Eugen Bleuler. Dans ses écrits cependant, Jung propose de nombreuses expressions synonymes, alternant les concepts en fonction de l'objet qu'il traite. Ainsi, lorsqu'il parle des complexes psychiques, Jung emploie la locution « psychologie des complexes », en référence à ses expérimentations sur les associations lors de son passage au Burghözli. Ses successeurs (et détracteurs par ailleurs) nomment les théories matures de Jung « psychologie jungienne », voire, par dérision, « jungisme ». Cependant, Jung juge stérile le débat concernant son utilisation du terme « psychologie », dans l'expression « psychologie analytique » dans la mesure où il se considère somme toute comme un analyste du courant psychanalytique. Représentation conique de la structure de la psyché selon la psychologie analytique : 1. le Moi ; 2. le conscient ; 3. l'inconscient personnel ; 4. l'inconscient collectif ; 5. la partie de l’inconscient collectif qui ne peut être connue, dite « inconscient archaïque »[191] . Le postulat fondamental de la psychologie analytique est que la psyché[192] est dans son essence « naturaliter religiosa » (en latin : « naturellement religieuse ». La psychologie analytique se propose ainsi de donner du sens à la psyché, qu'elle nomme l'« âme » et propose une forme de développement de soi menant à la découverte de sa propre totalité : « La psychologie analytique nous sert seulement à trouver le chemin de l'expérience religieuse qui conduit à la complétude. Elle n'est pas cette expérience même, et elle ne la produit pas. Mais nous savons par expérience que sur ce chemin de la psychologie analytique nous apprenons l'« attitude », précisément, en réponse à laquelle une réalité transcendante peut venir à nous »[193] . Le terme d'« âme » utilisé par Jung a entraîné nombre de critiques de la part de ses pairs mais aussi venant du monde religieux. Charles Baudouin replace cependant la motivation de Jung dans son contexte : « Si Jung n'est pas toujours clair, au gré de ses lecteurs, c'est qu'il ne cède justement pas au goût prématuré de l'abstraction, qui classifie en simplifiant, en schématisant ; il traîne avec l'idée, de peur de l'appauvrir, tout un amalgame de réalité humaine, naturelle, illogique, « prélogique » à laquelle elle adhère intimement. C'est lourd peut-être, mais c'est riche et vrai (…) Il a réintégré, dans la psychanalyse matérialiste d'hier, l'« âme » naguère refoulée ; mais s'il a pu le faire efficacement, sainement, c'est bien parce que nul, plus que lui, n'a su conserver ce que Nietzsche appelait « le sens de la terre » »[194] . La psychothérapie jungienne La théorie jungienne redéfinit tous les composants de la cure psychanalytique. Henri Ellenberger signale par ailleurs que Jung était « un psychothérapeute exceptionnellement habile qui savait adapter le traitement à la personnalité et aux besoins de chacun de ses patients »[195] . Se démarquant de celle de Freud (à la fois « réductive » ou « analytique » : l'analyste recherche les causes et « prospective » ou « synthétique » à travers le couple analyste/patient) elle est selon Jung un « processus dialectique entre deux individus reposant sur le concept de « compensation psychique » », Carl Gustav Jung 26 ou Auseinandersetzung (confrontation). Selon Christian Delacampagne le succès de la théorie de Jung, auprès du public, est dû au fait que celle-ci centre moins la prédominance du sexualisme au sein de l'explication psychique ; ce faisant, elle soulève moins de résistance[196] . Chaque concept de la psychologie jungienne donne du sens à un aspect du système psychique : « La complexité de la psychanalyse jungienne tient au fait que toutes les instances psychiques sont en étroites relations les unes avec les autres. Décrire isolément un concept donne de lui une vision forcément partielle car ne tenant compte ni des rapports dynamiques avec les autres instances ni de l'ensemble du système psychique. Tout est lié, tout est en mouvement » explique en effet Élizabeth Leblanc[197] . Ainsi, l'analyse psychologique met en jeu des forces inconscientes qui en font un « processus initiatique », le seul « encore vivant et pratiquement appliqué dans la sphère de la culture occidentale »[198] . Le transfert est conseillé, et même recherché, car il permet de projeter sur l'analyste le mythe personnel du sujet. Enfin, la cure suit des phases archétypiques, déjà illustrées par l'alchimie ou les religions anciennes sous forme de paraboles qui conduisent le patient vers la recherche de sa propre totalité. « Le but du processus thérapeutique est [en effet] de permettre d'assimiler les éléments inconscients de sa psyché et réussir ainsi finalement l'intégration de sa personnalité et la guérison de sa dissociation névrotique »[199] . Une oeuvre mystique ou scientifique ? La critique selon laquelle la pensée de Jung est spiritualiste, voire mystique, a été émise dès les débuts de la psychologie analytique. Franck C. Ferrier en examine les conditions de production et le développement historique dans les écrits de Jung. Il y voit l'exploration d'une « troisième hypothèse », ni matérialiste ni spiritualiste, mais relevant du paradoxe épistémologique. Ferrier voit dans le postulat de la psyché en sympathie avec le cosmos, la pierre de touche du système théorique jungien[200] . Les références à la religion sont omniprésentes dans son oeuvre, Jung s'aventurant souvent dans le domaine de la morale, de la théologie et même de la métaphysique, bien qu'il en refuse l'usage en psychologie[201] . En fait, Jung aborde souvent lui-même la question de la mystique, et la mystique de Maître Eckhart en particulier, dont il dit qu'il est« le plus grand penseur »[202] du Moyen-Âge. Dans l'ouvrage Jung et la mystique[203] , Steve Melanson explique en effet que « c'est spécifiquement dans l'héritage d'Eckhart que Jung considère la possibilité d'un renouvellement de l'attitude religieuse en Occident »[204] . Car, pour Jung, un tel vécu de l'expérience mystique – dans le sillage de l'expérience mystique eckhartienne - permet à l'individu de trouver son sens intérieur et, ainsi, de développer une attitude religieuse propre à lui, une plus grande force d'âme et son autonomie spirituelle. De même, puisque « Jung, suisse, voisin de l'Allemagne nazie, comprennait qu'en Hitler-sauveur les allemands cherchaient ce sens qu'ils n'avaient pas eu la chance de voir naître en eux, (...) en lui s'est fortifié l'idée que, par l'addition d'un nombre suffisant de consciences ayant développé un tel sens propre, pourrait être évitées de nouvelles folies collectives modernes »[205] . Ce sont aussi des expressions comme « Dieu est le symbole des symboles » qui lui ont valu une réputation de mystique aux yeux du public. Enfin, Jung s'est focalisé dès ses premiers travaux (avec sa thèse de psychiatrie) sur le paranormal. Son concept de synchronicité est le point culminant de cet intérêt[206] , ce qui contribue à le décrédibiliser au sein de la communauté des psychanalystes et des psychiatres. Carl Gustav Jung 27 Le mandala est selon Jung la représentation de l'archétype de la totalité. Pourtant Jung se livre aussi à des réflexions épistémologiques sur la portée de l'investigation de l'esprit en tant qu'objet dans les sciences humaines. Dès ses débuts, Jung se dit empirique et pragmatique, se revendiquant de la méthode du philosophe américain William James. Jung part toujours en effet de des faits pathologiques, que son expérience de clinicien au Burghözli lui a permis d'affiner ; ses théories sont pour lui « des propositions et des essais visant à formuler une psychologie scientifique nouvelle, fondée en premier lieu sur l'expérience directe acquise sur l'homme même »[207] . La réalité psychique n'est « pas moins réelle que le domaine physique [et] a sa propre structure, est soumise à ses propres lois »[208] . En d'autres termes, la pensée Jung est panpsychique. Sa vision de la libido, en particulier, est éclairante : il s'agit pour lui d'une force créée par une polarité psychique (conscient/inconscient), « une énergie psychique sans pulsion sexuelle : une libido originaire qui peut être sexualisée ou désexualisée »[209] . En ne fondant pas sa théorie sur l'origine sexuelle du psychique, Jung se démarque de la psychanalyse, pour aboutir à une méthode davantage clinique. Les tests d'associations d'idées constituent un apport en psychologie expérimentale[210] alors que le cadre psychothérapeutique qu'il édifie influence les psychothérapies d'inspiration psychanalytique. Le créateur de concepts Jung poursuit, tout au long de sa vie, une analyse de la psychologie humaine qui le fait s'intéresser à la psyché de la personne normale avant de s'intéresser à la psyché de la personne névrotique ou uploads/Philosophie/ jung.pdf
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