31/01/12 1 1 René Barbier L’ÉTHIQUE ÉDUCATIVE AU COEUR DE L’INNOVATION PÉDAGOGI
31/01/12 1 1 René Barbier L’ÉTHIQUE ÉDUCATIVE AU COEUR DE L’INNOVATION PÉDAGOGIQUE DÉCEMBRE 2011 31/01/12 2 2 SOMMAIRE Introduction p.4 Chapitre 1. Conscience écologique et éthique de l’éducation : p.9 1.1 Ecologie, esthétique et poétique de notre être‐au‐monde 1.2 L’éducateur comme passeur de sens p.9 1.3. La dimension sociale et solidaire de l’acte éducatif p.10 1.4. L’approche transversale p.12 i.5. Les Trois Pulsions de l’apprenant p.14 Morale d’État et éthique personnelle : une impossible conciliation p.18 Chapitre 2 L’innovation et la novation : rappel des enjeux p.22 Introduction p.22 2.1 De quelques innovations représentatives d’une éthique éducative p.24 2.1.1 une pédagogie du risque ; l’escalade p.24 2.1.2 La question de la dérive en pédagogie p.34 Au total, quelques remarques Sur le plan méthodologique : p.41 La force de l'institué Une autre option possible p.42 Questionnement éthique sur l’innovation « la dérive créative » p.43 Chapitre 3 Technologie, éthique et innovation pédagogique Réflexion sur l’expérience 3 G p.46 3.1 Introduction p.46 3.2. L’expérience 3G p.46 3.2.1 De l’imaginaire social du NET p.47 3.2.2 L’ordinateur et l’imaginaire social p.49 Chapitre 4 Réflexion sur un sens de la vie animé par une éthique éducative et sur une autre éducation p.58 4.1. Le sens de la vie et le sens du monde p.58 4.1.1. . Le sens de la vie et le sens du monde : une question essentielle toujours d’actualité 4.1.2. Le dépassement de soi dans le processus existentiel et le symbolique aujourd’hui ‐ l’assomption de l’inéluctabilité de l’imaginaire et de l’élaboration collective du symbolique p.70 ‐ Sur la Profondeur p.73 ‐ La Reliance est ainsi une catégorie fondamentale de la vie spirituelle laïque. p.76 ‐ Élaborer le symbolique : vers une éco‐éthique dont parle le philosophe japonais contemporain Tomonobu Imamichi. p.81 Le manager et le formateur de managers doivent‐ils être « optimistes » ? p.81 Le réenchantement du monde et la vision des scientifiques p.83 La pensée du japonais Tomonobu Imamichi p.84 4.2. Le Sensuel, le Sensible et l’Intelligible p.86 4.2.1. Le Sensuel et l’imaginaire p.87 4.2.2. Le Sensible et la participation p.87 4.2.3. L’Intelligible et le symbolique p.88 4.2.4 L’imaginaire, le symbolique et le réel et le tiers inclus p.88 Le Réel ou l’être‐là et l’Advenir p.89 Conclusion p.90 Bibliographie p.92 Annexe : entretien avec Edgar Morin sur l’éthique et l’éducation p.97 31/01/12 3 3 Une fois l’unité perçue organiquement, le miracle c’est la diversité et non l’unité qu’elle véhicule Jacques Masui ( Cheminement) 31/01/12 4 4 INTRODUCTION En quoi l’éthique éducative peut-elle se refléter dans les actions pédagogiques menées par le CIRPP et en quoi joue-t-elle un rôle dans la problématique du management émancipant ? Toute la réflexion que j’ai menée depuis des années dans le cadre du CIRPP me conduit à privilégier l’émergence de la question éthique dans la compréhension actuelle de l’évolution de notre civilisation technologique1. Dès lors l’éthique éducative s’y trouve activement concernée dans sa spécificité et son exigence ontologique. Morale ou éthique ? Lorsque nous voulons expliquer la spécificité de la morale, plusieurs perspectives nous sont offertes. André Comte-Sponville en propose cinq. - La morale versus Darwin pour laquelle tout se joue en fonction de l’intérêt de l’espèce. - La morale versus Durkheim pour laquelle l’intérêt se déplace du côté de la société - La morale versus Kant où la raison devient une référence absolue - La morale versus Jésus-Christ pour laquelle l’amour prend toute la place - La morale versus Freud complètement engendrée par le surmoi parental Mais comme il le remarque, chaque type de morale présente une faille. Il faut – dit-il – les accepter tous les cinq à la fois, dans un jeu subtil de médiation2. André Comte-Sponville nous fournit des exemples qui font dérailler un raisonnement purement philosophique et abstrait – constitutif de la morale objective - et nous ouvrent sur une décision relevant de la singularité d’une conscience humaine face à un problème crucial. Ainsi nous dit-il si en 1943 des SS frappent à notre porte et que nous cachons des résistants ou des Juifs traqués, et que les sbires nous demandent avec insistance « Y a-t-il des résistants, des juifs cachés dans votre grenier ? », je suis certain que personne ne s’interrogera sur l’intérêt de l’espèce. J’espère que personne ne s’interrogera sur l’intérêt de la société. J’imagine et j’espère que tout le monde se fichera éperdument de savoir si le mensonge est ou non universalisable sans contradiction. Vous allez mentir et vous aurez évidemment raison. » (p.45). C’est alors que la morale concrète et existentielle s’appuie sur l’amour du prochain pour étayer sa réponse. De mon point de vue elle passe alors directement au niveau de 1 René Barbier, « L’éthique éducative, une problématisation », rapport au CIRPP, juin 2011, in Journal des chercheurs http://www.barbier-rd.nom.fr/journal/article.php3?id_article=1495 (page vue le 25 novembre 2011) 2 André Comte-Sponville, François Euvé, Guillaume Lecointre, Dieu et la science, Paris, Les Presses de l’ENSTA, 73 pages, notamment pages 44-45 31/01/12 5 5 l’éthique personnelle, singulière, reflétant une philosophie de la vie radicale où les valeurs ultimes sont en jeu pour un être unique : celui qui prendra la décision. Je suis du même avis que Michel Maffesoli lorsqu’il dit que la morale « représente un monde qui n’est plus » après la phase de déconstruction philosophique post-nietzschéenne et l’aventure de la post-modernité qui instaure l’ère de la pluralité des visions du monde. La morale issue des Lumières, celle du Progrès, de la Science ou de l’Eglise s’est terminée en « moraline » (Nietzsche) et en hécatombes, en holocaustes et en génocides au XXe siècle. Il ne reste plus que le retour à la conscience individuelle de la personne qui prend toute la valeur et l’enjeu du « vouloir-vivre » et de « l’instant éternel » en reconnaissance une éthique de l’esthétique. Il s’agit de « créer sa vie, créer dans sa vie. Jouir au présent de ce qui est donné à vivre »3. L’attitude philosophique conduit dans ce cas à l’émergence d’éthiques particulières multiples dans lesquelles « Au-delà ou en deça des universaux – l’Humanité, la Classe, le Parti, la Race, le Marché, dont le fondement est rationnel -, elles mettent l’accent, pour le meilleur et pour le pire, sur le partage de valeurs spécifiques, et sur le sentiment d’appartenance que cela ne manque pas d’induire ». (p.20) Il me semble que nous pouvons, en vérité, réfléchir à trois orientations éthiques ; - La première est celle du discours absolutisant et abstrait, élaboré et conceptualisé, qui veut systématiser une morale fondée sur la raison raisonnante et l’impérialisme de valeurs prônées par l’Occident. C’est la Morale, avec un grand M issue de la philosophie des Lumières, de la Raison comme absolu et de la mise à l’écart de la vie affective et sensible. - La deuxième s’inscrit dans un registre complètement singulier et dans la reconnaissance de ce qui avait été perdu : la nature, la puissance des pulsions, la joie de la vie dionysiaque et de l’effervescence sociale, comme Michel Maffesoli le décrit depuis des années dans toute son oeuvre, mais que Michel Onfray vient également étayer à sa manière. - La troisième, qui a ma préférence, sans refuser la précédente, la nuance en faisant remarquer que sous le monde des apparences et des phénomènes multiples, émiettés, particuliers et souvent recomposés en formes « tribales », réside un niveau plus secret, plus intime, à découvrir par l’expérience de conscience holistique et noétique et que j’appelle la profondeur de la non-dualité. Michel Maffesoli depuis longtemps, comme d’ailleurs d’autres chercheurs en éducation (Michel Lobrot, Georges Lapassade, Patick Boumard, Remi Hess, Gabriele Weigand) insistent pour valoriser la dissociation ordinaire et dénoncent « le mythe de 3 Michel Maffesoli, Le réenchantement du monde. Une éthique pour notre temps, Paris, La Table Ronde, 206 pages, page 93. 31/01/12 6 6 l’identité »4. Contrairement à ces penseurs amis, ma vision du monde non-dualiste s’accommode mal d’une centration exclusive sur la pluralité absolue des apparences et des formes. Je pense en termes de réel-monde « voilé », ou de profondeur à vivre dans une expérience intime et imprévue de la conscience (insight) telle que de très nombreux sages et mystiques de l’humanité affirment l’avoir vécue depuis l’origine de l’humanité, notamment en Orient, mais également, pour ceux qu’inspire la croyance chrétienne, dans l’ouverture vers l’indicible de la théologie négative d’un maître Eckhart et surtout d’un Angelus Silesius. L’éthique, dans ce cas, complètement expérientielle et singulière, prend des distances avec la morale extérieure sans tomber, pour autant, dans les illusions possibles de l’hédonisme de la pure jouissance, même tribale. La théorisation en sciences humaines s’en trouve essentiellement fécondée sous l’appellation « approche transversale ». Un schéma peut donner à voir cette perspective éthique d’un nouveau genre en articulant les positions philosophiques de quatre auteurs : Krishnamurti, Castoriadis, Morin et Maffesoli. Il me semble que la position d’Edgar Morin est celle du juste milieu, à condition de reconnaître la part d’ouverture au tout-autre, à l’Autreté comme vécu de la profondeur du Réel-Monde non symbolisable dans la psyché individuelle dégagée des fascinations religieuses. 4 Michel Lobrot, uploads/Philosophie/ l-x27-ethique-educative-au-coeur-de-l-x27-innovation-pedagogique-par-rene-barbier 2 .pdf
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- Publié le Fev 19, 2021
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