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Cet article est disponible en ligne à l’adresse : http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=APHI&ID_NUMPUBLIE=APHI_673&ID_ARTICLE=APHI_673_0399 La cohérence des deux premières Critique. Lecture du « Canon de la raison pure » par Antoine ROULLÉ | Centres Sèvres | Archives de Philosophie 2004/3 - Tome 67 ISSN 1769-681X | pages 399 à 419 Pour citer cet article : — Roullé A., La cohérence des deux premières Critique. Lecture du « Canon de la raison pure », Archives de Philosophie 2004/3, Tome 67, p. 399-419. Distribution électronique Cairn pour Centres Sèvres. © Centres Sèvres. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. La cohérence des deux premières Critique Lecture du « Canon de la raison pure » ANTOINE ROULLÉ Université d’Évry — Val d’Essonne Le « Canon de la raison pure » constitue, comme l’ont justement fait remarquer la plupart des commentateurs qui se sont penchés sur lui, la conclusion de la Critique de la raison pure, en ce qu’il permet l’achèvement de cette dernière: Martial Gueroult, dans un article demeuré célèbre, parle de ce chapitre comme « du couronnement de l’oeuvre » 1. François Marty, dans un article consacré à la Théorie transcendantale de la méthode, pose que cette seconde partie de la première Critique nous apprend à mettre « le centre de gravité de la Critique de la raison pure toute entière, jusqu’en son Analytique, dans l’intérêt pratique » 2, intérêt pratique dont il est précisé- ment question dans le Canon. Jean Grondin, enfin, évoque la Théorie trans- cendantale de la méthode, et plus précisément le Canon, comme constituant « La conclusion de la Critique de la raison pure » 3. Si le « Canon de la raison pure » constitue bien l’aboutissement de la Critique de la raison pure, l’interprétation de ce chapitre est donc décisive pour la signification d’ensemble de la première Critique. Par ailleurs, puis- que le Canon de 1781 fournit la première formulation « systématique » des idées de Kant en matière morale, il engage également la question du rapport des deux premières Critique, et ce, à un double point de vue: du point de vue systémique, cette question pose le problème de l’articulation des deux premières Critique; du point de vue du contenu, cette question pose le pro- blème de la cohérence et de l’homogénéité des deux premières Critique, au moins en matière morale. 1. « Canon de la raison pure et Critique de la raison pratique », Revue internationale de philosophie, n° 30, 1954, p. 332. 2. « La Méthodologie transcendantale, deuxième partie de la Critique de la raison pure », Revue de métaphysique et de morale, 1975, p. 25. 3. « La conclusion de la Critique de la raison pure », Kant-Studien, 1990, Heft 2, p. 129- 144. On connaît l’interprétation tranchée que donne Martial Gueroult de ce chapitre de la Théorie transcendantale de la méthode dans l’article que nous avons cité plus haut, et dont le propos est de montrer la discontinuité, et même l’hétérogénéité, des deux premières Critique dans la mesure où le Canon, selon lui, conduit à l’hétéronomie 4. Le débat consistant à savoir si Kant est déjà en possession de l’autonomie ou non en 1781 divise les com- mentateurs. Victor Delbos estime que « la Critique de la raison pure ne contient pas encore le mot, ni explicitement l’idée d’autonomie » 5. François Marty, quant à lui, dans son article sur la Théorie transcendantale de la méthode, affirme tout au contraire que si « le terme d’autonomie ne vient pas dans la Méthodologie, sa réalité y est » 6. Si l’interprétation de Martial Gueroult permet de pointer avec acuité et pertinence les difficultés du texte kantien, et de faire apercevoir les différences indéniables entre les textes de 1781 et ceux de 1788 sur la question morale, il nous semble néanmoins pos- sible de proposer du Canon une lecture alternative. Si, à l’évidence, le Canon et la Critique de la raison pratique présentent des différences, ces différen- ces ne sont toutefois pas si radicales qu’elles rendent ces deux textes hétéro- gènes, au point d’exclure une Critique de la raison pratique qui soit, même seulement après coup, compatible avec lui. Cela tient à ce que les thèses du Canon ne nous semblent pas déboucher sur l’hétéronomie. Notre propos est donc de tenter, à rebours de l’interprétation de Martial Gueroult, une lec- ture du Canon qui mette en évidence le fait que ce texte, parce qu’il ne conduit nullement à l’hétéronomie, rend possible la conciliation de la pre- mière et de la seconde Critique, de sorte que, loin de s’exclure ou de s’op- poser sur la question morale, Critique de la raison pure et Critique de la raison pratique peuvent au contraire trouver à s’articuler et à se compléter. Objet et fonction du « Canon de la raison pure » Pour comprendre que la question du rapport des deux premières Critique se joue dans le « Canon de la raison pure », c’est-à-dire aussi pour apercevoir pourquoi dans une critique de la raison pure spéculative est sou- levée la question de l’usage pratique de la raison, il faut commencer par rap- peler l’objet et la fonction du Canon dans l’économie générale de l’ouvrage. Un « canon » est défini par Kant de la manière suivante: 400 A. ROULLÉ 4. Op. cit., p. 340 et 356. 5. La philosophie pratique de Kant (p. 246). Cette phrase signifie-t-elle que la Critique de la raison pure contient l’idée d’autonomie, mais de façon seulement implicite? Par le flou qu’elle entretient, la formule est bien prudente. 6. Op. cit., p. 15. « J’entends par canon l’ensemble des principes a priori du légitime usage de certains pou- voirs de connaître en général. […] Ainsi, l’Analytique transcendantale était le canon de l’en- tendement pur; car il est seul capable de véritables connaissances synthétiques a priori. Mais là où n’est possible aucun usage légitime d’une faculté de connaître, il n’y a point de canon. Or, suivant toutes les preuves qui ont été données jusqu’ici, toute connaissance syn- thétique de la raison pure dans son usage spéculatif est totalement impossible. Il n’y a donc pas de canon de l’usage spéculatif de la raison (car cet usage est dialectique de part en part), mais toute logique transcendantale n’est à cet égard que discipline » 7. Ce texte permet de rappeler les résultats de la première partie de l’ou- vrage, et de comprendre la manière dont le Canon vient s’articuler à cette dernière. Il nous indique du même coup que c’est dans le Canon, et seule- ment avec lui, que s’achève véritablement la Critique de la raison pure. Un « canon » définit l’usage légitime d’une faculté. L’usage légitime de l’entendement a été établi dans l’Analytique transcendantale, c’est-à-dire à la fois dans l’Analytique des concepts, qui arrime les catégories à l’expé- rience comme leur seul lieu d’exercice légitime, et dans l’Analytique des principes, qui détermine les propositions synthétiques a priori dont est capa- ble la faculté de juger à partir des concepts de l’entendement. D’autres pas- sages de la Critique de la raison pure sont plus précis. Ce qui constitue le canon de l’entendement, mais également de la raison, est la logique géné- rale, mais pure: « une logique générale mais pure ne s’occupe donc que des principes a priori; elle est un canon de l’entendement et de la raison, mais seulement par rapport à ce qu’il y a de formel dans leur usage » 8. Pour ce qui est de l’Analytique des principes, cette dernière n’est pas à proprement parler le canon de l’entendement, mais de la faculté de juger: « l’analytique des principes sera donc simplement un canon pour la faculté de juger, qui lui enseigne à appliquer à des phénomènes les concepts de l’entendement, qui contiennent la condition des règles a priori » 9. C’est toutefois tout autant un canon de l’entendement, puisqu’il s’agit de l’application des concepts de ce dernier, et donc de son usage légitime, non plus simplement formel comme précédemment, mais transcendantal. De sorte que l’entendement possède deux canons: la logique générale pure lui sert de canon dans son usage formel. Dans son usage transcendantal, ce qui lui sert de canon, c’est l’Analytique des principes. Pour ce qui est de la raison, les choses sont plus complexes dans la mesure où il faut distinguer la raison spéculative et la rai- COHÉRENCE DES DEUX PREMIÈRES CRITIQUE 401 7. Critique de la raison pure, Théorie transcendantale de la méthode, chapitre 2 (Ak. III, 517-518; P1, 1359). Pour les références au texte de Kant, nous donnons le tome uploads/Philosophie/ la-coherence-des-deux-premieres-critiques-lecture-du-canon-de-la-raison-pure.pdf
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- Publié le Apv 22, 2021
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