1 UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN FACULTÉ DES SCIENCES PHILOSOPHIQUES INSTITUT
1 UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN FACULTÉ DES SCIENCES PHILOSOPHIQUES INSTITUT SUPÉRIEUR DE PHILOSOPHIE LA CONTINGENCE : LE MAILLON ENTRE L’IRRÉVERSIBILITÉ DU TEMPS ET LE MAL Mémoire présenté par Alexandre POMPOSO Promoteur : en vue de l’obtention du grade Professeur Claude TROISFONTAINES de licencié en philosophie LOUVAIN-LA-NEUVE JUIN 1987 2 לד אלה אבהתי מהודא ומשבח אנה די חכמתא וגבורתא יהבת לי דניאל ב 3 Je remercie du fond du cœur l’incomparable encouragement spirituel que la mémoire de ma mère, et l’amour présent de mon père et de mon frère Oscar, ont exercé en moi. Je tiens à exprimer ma très vive reconnaissance à Monsieur l’Abbé Claude Troisfontaines qui a accepté de diriger ce travail, ainsi que pour m’avoir fait découvrir les grands esprits de la philosophie du dix-septième siècle. A mes frères Jacques de Longeaux, Luc Van Enst et Luc Schollen, je voudrais faire part de ma gratitude pour avoir fait preuve de patience en relisant le manuscrit corrigeant mes multiples déficiences dans la connaissance de la langue française. Je serai toujours débiteur de Monsieur le Chanoine A. Vander Perre et de Monsieur l’Abbé A. Léonard pour l’exemple qu’ils m’ont toujours donné. Finalement, je remercie Madame Verleysen pour la haute qualité de son travail dactylographique. 4 5 INTRODUCTION Y a-t-il, oui ou non, un rapport entre le temps, et le problème du mal ? Notre conviction est que cette question concerne la sensibilité la plus intime de l’homme et de sa nature, et elle porte sur trois aspects : chacun, et tous trois pris ensemble, nous incitent à approfondir notre connaissance du cosmos, de l’homme et de Dieu. Ces trois pôles de la questions son étroitement liés, et pourtant ce qui les distingue l’un de l’autre est ce par quoi la liaison se fait ; ils sont : le devenir (le temps), le mal et ce qu’on pourrait appeler nécessité – liberté – contingence (c'est-à-dire, le « oui ou non »). Ces mots ne sont que des étiquettes, et c’est pourquoi la question posée plus haut constitue tout le programme du présent essai ; chaque aspect de cette question est donc un point de départ pour notre enquête. Mais dans chacun de ces trois cas nous aboutirons à une double considération : tout d’abord celle du rôle de l’homme comme faisant partie de la nature et non pas comme point de vue extérieur, et d’autre part celle de la capacité de l’homme à voir au-delà de lui-même. En rapprochant ces trois aspects nous espérons aboutir à des conclusions nouvelles. En effet, une des découvertes les plus importantes de la science au cours de ce siècle est d’avoir repéré certains « mécanismes » permettant à la nature de s’auto – organiser chaque fois qu’une série de changements l’obligent à s’adapter à ceux-ci. Ces moyens employés par l’univers, et qui aujourd’hui sont connus sous le nom de structures dissipatives, ont mis en évidence les propriétés du temps, bien que déjà auparavant, dans le cadre de la mécanique quantique, beaucoup des questions d’ordre fondamental s’étaient posées à ce propos. Le temps doit ainsi comme l’avait prévu Boltzmann avoir une direction unique, garantie de con caractère irréversible ; c’est là la flèche du temps. Heisenberg a cherché à établir, pour la pair de variables dynamiques énergie et temps, des relations d’incertitude, similaires à celles qui lient les mesures configurées des variables position et quantité de mouvement ; or, seule l’énergie possède les propriétés opérationnelles requises (du point de vue de la théorie mathématique bien entendu). Le temps était donc supposé avoir ces mêmes propriétés. La nature nous fournit l’évidence observationnelle qui confirme cette hypothèse. Si nous voulons prendre des exemples plus frappants de la réalité opérationnelle de la flèche du temps, il nous suffit de considérer des phénomènes tels que l’apparition de la vie et de la vie intelligente, tous les processus d’adaptation aux changements du milieu environnant, la survie, la mort avec son caractère irrémédiable et la maladie avec sa génération de désordre physique et moral. Mais un autre exemple est toute l’évolution, avec 6 ses formes de vie supérieure. Bref, il s’agit de l’organisation hiérarchique de la nature, avec ses défauts et ses dégénérescences. Ces exemples donnent un support évident à l’action du temps, action que l’on nomme plus précisément opération (d’où le nom d’opérateur donné au temps) ; en effet, il y a une action du temps sur la matière et sur l’esprit. La conséquence première en est sans aucun doute l’obligation pour tous les systèmes d’aller de l’avant, sans pouvoir faire marche arrière. En second lieu, un effet « organisateur », qui traduit les limites de la capacité d’adaptation des systèmes de la nature, et lui impose de nouvelles échelles, c'est-à-dire de nouvelles unités de mesure et de comparaison. Celles-ci ne sont pas seulement un changement d’échelle numérique, mais bien plus, de nouvelles structures topologiques, véritables brisures de symétrie. La nature serait comme une espèce d’argile à densité variable, qui non seulement changerait de forme, mais aussi de consistance. A l’heure actuelle, la physique continue à mettre en évidence de plus en plus ce caractère universel de changements d’échelles. Universel parce qu’il s’étend à tout le cosmos, comme terrain des phénomènes physiques, chimiques, biologiques et même socio – politiques et économiques. Néanmoins, quelque chose de plus fondamental que ceci a été entrevu1, notamment le fait que lesdites structures apparaissent d’une façon assez imprévisible (mais non arbitraire), introduisant ainsi l’ingrédient de la surprise dans les théories physiques. Un autre aspect concerne la découverte, à l’intérieur de ces mêmes théories, de l’impossibilité d’envelopper toute la connaissance des lois de l’univers, car celles-ci varient et évoluent : elles son plongées avec la raison qui les découvre et les exprime dans le devenir. Ainsi nous revenons à la première idée énoncée : le temps – flèche et le temps – opérateur. Il va de soi, qu’une description pareille du comportement de la nature doit avoir en même temps une portée philosophique, étant donné que la raison de l’homme reste l’observateur privilégié dans le monde ; par conséquent, c’est l’homme aussi qui exprime son intentionnalité propre, non pas dans l’observation des phénomènes, mais dans leur description ; il fait ainsi sa vérité, laquelle ne peut pas être radicalement éloignée de la réalité cosmique, puisque l’homme (dans le sens le plus large possible) en fait partie. De cette façon, s’il faut expliciter la manière dont le monde se fait lui- même à partir de ce qui est déjà fait, ou en d’autres termes, s’il faut désigner un « faiseur d’espace », c’est certainement du devenir qu’il s’agit. On a souligné plus haut que dans le devenir il est question de surprise ; celle-ci renferme toute la signification de l’attente de l’esprit libre de l’homme, ainsi que de ses contraintes. C’est précisément là que se trouve la portée philosophique du devenir, à savoir si notre univers peut être autrement 1 Ceci fait appel à la recherche des trente dernières années. 7 (contingence) ou non (nécessité). Toutefois, une telle question concerne exclusivement la connaissance qui trouve son origine dans l’homme. Parler de connaissance, d’ignorance (contingence) et d’oubli (nécessité) n’a aucun sens en dehors de l’activité humaine. Les « actes » d’ignorer, de connaître, et d’oublier mettent en évidence les rayons d’intentionnalité de l’ego, ainsi que ses capacités d’extension. Placer la contingence pure dans un futur infiniment éloigné, et la nécessité pure dans un passé aussi infiniment éloigné, revient à tirailler de l’extérieur le présent entre deux forces contraires. Mais aussi, de l’intérieur de ce présent s’exerce un effort dû à des forces d’intention et d’extension. De même que pour un système « dynamique », on se pose la question de savoir quelle est la force résultante sur ce point qu’est le présent. La « beauté » attribuée d’habitude à la symétrie et à l’équilibre s’écroule complètement ici, et c’est l’asymétrie, cette « laideur »-là qui sera la véritable source de beauté, source de devenir et de désir. Si le « bilan » des forces était zéro, rien ne bougerait et le présent serait figé ; alors il serait parfaitement saisissable ! Mais c’est là une simplification excessive, puisque étant donné que dans le présent il y a une multiplicité concomitante, supposer cette éternité comme pleinement percevable, c’est trop vite l’assimiler à l’un simple ; c’est le collapse de l’infini. Cela correspond à une tendance de la pensée humaine, à savoir celle qui ne considère que l’intention et la nécessité pures ; et celle-ci modère la tendance opposée qui ne considère que la finalité de l’extension et de la contingence. Mais cette dernière l’emporte sur la première créant alors le déséquilibre des forces, qui provoque le déplacement du présent vers l’avenir. L’homme est pris à l’intérieur de cette dynamique, de sorte qu’en ce qui la concerne, elle est aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’homme (comme ego pur, ego psychique et corps propre). Voilà pourquoi, ce présent, constamment fuyant et intrinsèquement éternel, l’homme ne peut pas entièrement le saisir. C’est pourquoi tout l’enjeu de l’eschatologie s’effectue aussi bien au uploads/Philosophie/ la-contingence-le-maillon-entre-l-x27-irreversibilite-du-temps-et-le-mal.pdf
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- Publié le Mar 26, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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