UNIVERSITÉ DE NOVI SAD FACULTÉ DES LETTRES CHAIRE DE LANGUE ET DE LITTÉRATURE F
UNIVERSITÉ DE NOVI SAD FACULTÉ DES LETTRES CHAIRE DE LANGUE ET DE LITTÉRATURE FRANÇAISES NOTION DE L’ABSURDE DANS CALIGULA ET DANS EN ATTENDANT GODOT NOM DE L’ÉTUDIANT : ASSISTANT : Marina Krstić Tamara Valčić-Bulić Novi Sad, 2010. Littérature depuis la Seconde Guerre mondiale La littérature subit les profonds boulversements qui secouent le siècle après la Seconde Guerre mondiale et est marquée par les crises historiques, politiques, morales et artistiques. Aux horreurs de la guerre s'ajoutent deux nouveaux drames humains: la découverte des camps de concentration, et la première utilisation de l'arme atomique à Hiroshima et Nagasaki. La littérature de l'après-guerre est tournée vers la critique de l'ordre social, des institutions et sûrtout des idées sur lesquelles nous vivons et elle s'achève avec la mise en procès de l'homme lui-même. Déjà à la fin du XIX siècle Nietzsche proclame la mort de Dieu, la science est impuissante à faire le bonheur de l'humanité, le monde cesse d'être ce vaste lieu rassurant dont l'homme était la mesure et le centre. Nous entrons alors dans ce que Nathalie Sarraute1 appelle ”l'ère du soupçon”. Parce que le recours à l'arme nucléaire a montré que l'espèce humaine pouvait s'anéantir, les écrivains commencent a s'occuper de la situation de l'homme dans l'univers. Dieu n'existant pas ou au moins étant indifférent, la vie immortelle n'est plus possible et l'homme se rend compte que sa vie n'a aucun sens. Par conséquent, la littérature, préoccupée par le problème de l'existence, fait sortir sur scène les personnages en proie à un monde qui les dépasse, un monde qui leur est étrange et hostile. C'est le cas dans l'existentialisme de Jean-Paul Sartre2 et dans la littérature de l'absurde d'Albert Camus et de Samuel Beckett. Dans ce travail seront présentées deux pièces de théâtre qui traitent le thème de l'absurde, l'une d'Albert Camus, Caligula (1944), et l'autre de Samuel Beckett, En attendant Godot (1953). Notre objectif est de montrer comment ces deux écrivains traitent le même sujet en utilisant de différents procédés littéraires. Existentialisme L'existentialisme est un courant de philosophie qui place au coeur de la réflexion l'existence individuelle, la liberté et les choix personnels. L'existentialisme prend sa 1 Nathalie Sarraute (1900-1999) écrivain français d’origine russe. 2 Jean-Paul Sartre (1905-1980) philosophe, écrivain et critique français. 2 forme d'un courant philosophique au XX siècle bien qu'on puisse dégager des éléments existentialistes dans l'oeuvre de maints philosophes et écrivains du XIX siècle. La plupart des philosophes depuis Platon soutenaient que le bien moral est le même pour tous. Au XIX siècle le philosophe danois, Søren Kierkegaard3, considéré comme le fondateur de l'existentialisme moderne, réagit contre cette tradition en affirmant que l'homme doit choisir sa propre voie sans se référer à des critères universaux. L'individu seul décide de la valeur morale de ses actes. Friedrich Nietzsche4 marque de son influence la pensée existentialiste par son pessimisme tragique. Martin Heidegger5 affirme que l'humanité se trouve dans un monde incompréhensible et indifférent. L'homme, ne pouvant comprendre la raison de sa présence ici-bas, est obligé de se donner un but et de le suivre, conscient de la mort et de l'absurdité de sa propre vie. Le terme d'existentialisme devient connu grâce à Jean-Paul Sartre qui l'avait appliqué à sa propre philosophie. Selon la formule célèbre de Sartre l'homme est l'être chez qui „l'existence précède l'essence“, c'est-à-dire, l'homme existe d'abord et se définit après. On ne peut le déduire d'une réalité préexistante puisqu'il n'y a pas de Dieu. Dieu n'existant pas, l'homme est libre de faire ce qu'il veut. Par ses choix, chaque homme créé sa propre nature et par conséquent, il est pleinement responsable de son existence. Étant donné que de nombreux philosophes existentialistes utilisent des formes littéraires pour former leur pensée, l'existentialisme est un mouvement aussi fécond en littérature qu'en philosophie. On peut voir l'influence des penseurs existentialistes dans l'oeuvre de Camus qui est associé à l'existentialisme en raison de grands thèmes existentialistes qu'il traite, comme celui de l'absurdité de la vie. On retrouve également ces thèmes dans le théâtre de l'absurde, notamment dans les pièces de Beckett. Notion de l'absurde dans Caligula Albert Camus attache l'existentialisme à une doctrine qu'il appelle la philosophie de l'absurde. Cette philosophie est présentée à travers le cycle de l'absurde que Camus qualifie aussi comme l'expression de la négation sous trois formes: idéologique, romanesque et dramatique. Définie dans l'essai Le Mythe de Sisyphe (1942), la 3 Søren Kierkegaard (1813-1855) écrivain, théologien protestant et philosophe danois. 4 Friedrich Nietwsche (1844-1900) philologue, philosophe et poète allemand. 5 Martin Heidegger (1889-1976) philosophe allemand. 3 philosophie de l'absurde est reprise dans le roman L'Étranger (1942), puis au théâtre dans Caligula (1944) et le Malentendu (1944). Le cycle de l'absurde est basé sur un postulat dominant, celui du non-sens de l'existence humaine. Caligula est une pièce où est posée la question fondamentale du sens à donner à une existence imposée à l'homme et qu'il doit subir jusqu'à la mort. Camus dénonce dans sa pièce l'absurdité de la conditon humaine à travers le personnage de Caligula. Le dramaturge choisit un homme qui, étant au sommet de l'humanité, ayant tous les pouvoirs, peut satisfaire ses moindres folies. L'homme absurde est donc au centre de la réflexion de Camus. Comme chez les philosophes existentialistes, le sentiment de l'absurde naît du caractère déraisonnable de l'existence de l'homme. La pièce débute lorsque le héros, ou plutôt cet anti-héros qui est Caligula, met en question le sens de son existence. Devant le cadavre de Drusilla, sa soeur et son amante, Caligula découvre brusquement cette vérité toute simple, toute claire, un peu bête, mais difficile à découvrir et lourde à porter6 qu'il confie à son affranchi, Hélicon: Les hommes meurent et ils ne sont pas heureux7. Il est frappé, comme par la foudre, par la certitude de la mort, par l'évidence brutale d'une vérité simple qui lui découvre l'absurdité de son existence, le non-sens du monde. Le jour de la mort de Drusilla, l'univers perd pour Caligula sa couleur, change de substance. Les choses n'ont plus l'illusion de la nécessité et nous voyons Caligula contempler son existence comme si elle ne lui appartenait plus, comme si elle était une chose en dehors de lui. Alors se pose la question: La vie vaut-elle ou non la peine d'être vécue? La plupart des essais qui traitent de l'absurde le considèrent comme un point d'aboutissement, une conclusion. Pour Camus, au contaire, l'absurde est un point de départ. Si l'on constate que l'absurde est la base des rapports humains, comment peut-on vivre dans l'absurde? Camus nous donne la réponse dans Le Mythe de Sisyphe: „Je tire de l'absurde trois conséquences qui sont ma révolte, ma liberté, ma passion.“ 6 Alber CAMUS, Caligula suivi de Le malentendu, Paris, Gallimard, 1958, p. 26 7 Ibid., p. 27 4 La révolte L'homme absurde est celui qui accepte lucidement le défi. C'est là le fondement de sa révolte qui le mène à assumer sa liberté. Quand Caligula annonce sa vérité à Hélicon, celui-ci lui répond: Allons, Caïus, c'est une vérité dont on s'arrange très bien. Regarde autour de toi. Ce n'est pas cela qui empêche à déjeuner.8 Mais Caligula affirme sa révolte : Alors, c’est que tout, autour de moi, est mensonge, et moi, je veux qu’on vive dans la vérité!9 Il se réfuse à cacher la vérité à son peuple. Il se fera son professeur. Il lui enseignera donc la vérité, pour qu’il apprenne à mourir, désespéré, mais lucide. La révolte de Caligula est sans espoir. Cette révolte n’est que l’assurance d’un destin écrasant : Je sais que rien ne dure! Savoir cela! Nous sommes deux ou trois dans l’histoire à en avoir fait vraiment l’expérience, accompli ce bonheur dément.10 Caligula s’engage alors dans un jeu qui n’a pas de limites : sa liberté n’a plus de frontières. La liberté Tout est permis puisque Dieu n’est pas et qu’on meurt. Jusqu’à la rencontre de l’absurde, Caligula avait l’impression d’être libre , mais il était esclave de l’habitude. La découverte de l’absurde lui permet de tout voir d’un regard neuf : il est profondément libre à partir du moment où il connaît lucidement sa condition sans espoir. Ayant constaté que ce monde est sans importance et qui le reconnaît conquiert sa liberté, ce qui résume la pièce, et possédant le pouvoir dit absolu, le jeune empereur va s’en servir pour apprendre à ses hommes de vivre dans l’absurde. Il ne tolérera plus qu’une fausse raison paralyse les hommes : Et justement, je vous hais parce que vous n’êtes pas libres. Dans tout l’Empire romain, me voici seul libre. Réjouissez-vous, il vous est enfin venu un empereur pour vous enseigner la liberté [...] 8Alber CAMUS, Caligula suivi de Le malentendu, Paris, Gallimard, 1958, p. 27 9 Ibid. 10 Ibid., p. 147 5 Allez annoncer à Rome que sa liberté lui est enfin rendue et qu’avec elle commence une grande épreuve.11 Les hommes sont tous "aussi coupables les uns que les autres12", car ils sont lâches et tiennent trop à leur femme, à leurs enfants, à leurs biens et à leur vie. La uploads/Philosophie/ knjiz-seminarski.pdf
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- Publié le Fev 03, 2021
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