i ESSAIS R. P. SERTILLANGES, O. P. Membre de Vlnstitut PHILOSOPHIE DES LOIS ÉDI

i ESSAIS R. P. SERTILLANGES, O. P. Membre de Vlnstitut PHILOSOPHIE DES LOIS ÉDITIONS ALSATIA — PARIS 1946 /?/ r I. i- j? . ^ ; x / DU MEME AUTEUR Le Christianisme et les Philosophes (2 vol.). Aubier, éd. Philosophie générale de Saint Thomas d’Aquin (2 vol.). Aubier, éd. Philosophie morale de Saint Thomas d’Aquin (1 vol.). Aubier, éd. La Philosophie de Claude Bernard (1 vol.). Aubier, éd. Dieu ou Rien (2 vol.). Flammarion, éd. Catéchisme des Incroyants (2 vol.). Flammarion, éd. Les Sources de la Croyance en Dieu (1 vol.). Perrin, éd. Dieu gouverne (1 vol.). Ed. Spes Henri Bergson et le Catholicisme (1 vol.). Flammarion. Avec Henri Bergson. Br. Gallimard, éd. Lumière et périls du Bergsonisme. Br. Flammarion, éd. Copyright by Alsatia, Paris 1946. Tous droits de reproduction et de traduction réservés pour tous pays., y compris V U. R. S. S, FAITS ET IDEES Collection d’Essais. — Vol. n° II R. P. SERTILLANGES LA PHILOSOPHIE DES LOIS ÉDITIONS ALSATIA 1, rue Garancière — PARIS VI® 1946 445520 BOSTON COLLEGEIJBRAKY gjjgJvrVT 'T' ÏTÎ T^,MAS& AVANT-PROPOS Comme dans une circonstance précédente, je tiens à signaler que ce petit livre est loin d'envisager le problème des lois dans toute son ampleur. Bien d'autres questions pourraient être posées à ce sujet et bien des développe- ments demanderaient à se produire. Tel quel, ce travail, exécuté à la demande d'un groupe laborieux et sympathique, a été reconnu par des jiiges compétents îitile à publier, et j'ai dû me rendre à leur sentiment pour ne pas me refuser à un bien possible. Il s'agit d'un rapide essai, non d'un traité. Que le lecteur déçu de ce chef agrée mes excuses. Nature et diversité des lois Que cherchons-nous sous ce vocable solennel : les lois ? Il n’y a qu’une loi, c’est la pensée divine, c’est Dieu même. Dieu n’est-il pas le Recteur universel, l’autorité seule compétente pour indiquer son chemin à ce qu’il a créé, pour l’y pousser si c’est une créature irration- nelle, ou l’inviter impérativement à y marcher, si elle procède de lui comme raison aussi bien que comme substance ? Quand nous pensons la Divinité comme plénitude et comme perfection, nous l’appelons la Substance première, l’Etre parfait, le Souverain Bien. Quand c’est sa face lumière que nous contemplons, nous le disons Vérité, Raison souveraine. Quand nous nous souvenons de ses expansions, de ses émanations, nous l’appelons Créateur, premier Etre, premier Principe, Cause première, et, au point de vue des activités, premier Agent ou premier Moteur. Quand il s’agit de la régulation de toutes choses, nous l’appelons Loi, Loi souveraine, ou bien Souverain Législateur. 10 PHILOSOPHIE DES LOIS Montesquieu a dit : « La Divinité elle-même a ses lois ». Cest mal s’exprimer. A peine pourrait-on dire qu’elle est sa propre loi, comme Descartes a dit qu’elle est cause d’elle-même {causa sui). Ce serait déjà très différent; car avoir et être sont deux choses. Si Dieu avait une loi, cette loi lui viendrait d’ailleurs, serait pour lui un emprunt ou une contrainte, et il ne serait plus le premier en tout. Quant à dire qu’il est sa propre loi, c’est mieux, mais c’est encore incorrect, car nul n’exerce une régence sur ce qui est sa nature même. Dieu est ce qu’il est et vit comme il vit en raison de sa propre nature. Il n’y a pas là de législation, et l’on n’en peut parler que par métaphore. Dieu n’a pas de loi; il est essentiellement loi, non à l’égard de lui-même, mais à l’égard de tout le reste, parce qu’il est raison créatrice et de ce fait rectrice. La loi de toutes choses, et la loi des lois, si l’on consent qu’il y en ait d’autres, c’est la raison de Dieu. Par cela seul que nous parlons d’une philosophie des lois, nous donnons à penser que notre siège est fait en matière de philosophie générale, vu qu’à elle seule la science juridique, pas plus que la science morale, ne saurait se constituer une philosophie. Tous les juristes et tous les moralistes ne font pas cet aveu, et beaucoup ne se préoccupent en aucune façon de remonter au delà de leur matière pour décou- vrir les principes que leur science ne saurait fournir. Qu’on le veuille ou non, une science juridique ou une science morale repose sur une métaphysique. Positive ou négative, peu importe. Le point de vue métaphysique s’impose, et l’on en doit dire son avis sous peine d’aller au hasard, cueillant dans des philo- sophies disparates — systématiques ou de simple sens commun — des idées qu’on assemblera fatalement au petit bonheur; car si l’on se mettait à les coordonner, ce serait en raison de principes communs dont l’en- semble constituerait une philosophie. Notre philosophie a nous est le thomisme. Nous ne PHILOSOPHIE DES LOIS II nous en cachons pas. Nous sommes même un peu fiers de montrer l’effort tenté — et je le crois réussi — par notre Auteur aimé pour fonder une éthique et une théorie juridique rationnelles. Car sa philosophie est de caractère nettement ration- nel. On dit parfois intellectualiste ; c’est quand on veut la dénigrer et réserver pour soi l’épithète rationnel à laquelle personne ne renonce. Etant donc rationnelle, cette philosophie s’oppose d’abord au positivisme, puis aux divers volontarismes, où la raison est considérée comme un phénomène dérivé : « Au commencement était l'action. » « Au com- mencement était le Vouloir-vivre. » Nous disons, nous : « Au commencement était le Verhe », c’est-à-dire l’Idée, le vouloir n’étant qu’une tendance à la réalisation de ce que l’idée porte, et l’action cette réalisation même. Il s’ensuit, en matière d’éthique et en matière juridique, que nous rejetons à la fois le formalisme arbitraire de Kant, qu’on a qualifié à bon droit de capo- ralisme {sic volo sic jubeo) ; l’empirisme positiviste en toutes ses nuances, assemblant des faits et les qualifiant droit sans justification rationnelle ; le semi-empirisme du droit romain, droit rationnel dans sa structure, dans sa contexture, mais dominé par un impérialisme du dedans et du dehors, par une sorte de volonté de puis- sance à la façon de Nietzsche: domination de soi-même et d’autrui sans justification rationnelle suffisante. Enfin, tout en utilisant largement Aristote, dont la phi- losophie générale et la doctrine morale dominent de haut celles qui précèdent, fût-ce celles des juristes romains, notre philosophie éthique et notre philosophie juridique précisent et renforcent là où elles valent les pensés du Stagirite, et les dégagent de leurs tendances presque exclusivement politiques, ou pour mieux dire étatistes. Cela, c’est l’apport de la philosophie chrétienne, où la notion de la personne morale a tant de relief, au bénéfice d’une théorie du droit pénétrée à la fois de raison et d’humanité. Je ne puis naturellement m’attarder à justifier ici 12 PHILOSOPHIE DES LOIS notre philosophie thomiste. Je m’y suis essayé à maintes reprises et ce n’est pas ici le lieu. Je n’insisterai pas non plus sur le lien qui rattache à cette philosophie les idées que nous avons à exposer. C’est cette dernière exposition qui est notre objet. Mais je devais dire clairement d’où nous viennent nos inspirations. Je le devais particulièrement à ceux qui aiment aller au fond des choses, et dont l’esprit non prévenu aurait pu nous accuser, en voyant passer telle ou telle solution, d’arbitraire ou de pétition de principe. Il y a pétition de principe, mais comme toujours dans le cas d’une science subordonnée qui n’a pas tous les principes en elle-même. Les pétitions essentielles que nous faisons et qui dirigeront toute notre étude sont au nombre de trois. Je viens de mentionner la première : la rationalité du réel, qui est le fondement de la science, dès que celle-ci ne veut pas verser à un agnosticisme ou à un relativisme qu’au fond personne n’admet, ainsi que l’a prouvé Meyerson en s’appuyant sur toute l’histoire des sciences. La deuxième est la finalité, qui fait tiquer certains penseurs, mais qui n’en est pas moins une loi univer- selle de l’être et s’impose donc à toute science comme élément de fait, sinon comme méthode ; mais qui s’impose tout spécialement aux sciences biologiques, comme l’a affirmé avec tant de vigueur Claude Bernard, et qui doit donc dominer aussi, sous peine d’une rup- ture de continuité brutalement contraire à la nature des choses, les sciences morales, les sciences juridiques et les sciences politiques, qui sont de la biologie, ou si l’on veut de l’anthropologie au sens le plus large du terme. La troisième enfin de nos pétitions de principe est Veudémonisme, c’est-à-dire l’affirmation que tout vivant tend à son propre achèvement et, quand il s’agit de l’homme, à la béatitude, à condition de concevoir celle-ci en accord avec la rationalité qui est au point PHILOSOPHIE DES LOIS 13 de départ et qui s’impose ainsi à tout le reste. C’est la forme concrète du finalisme précédemment affirmé. Ainsi, rationalité, finalité, eudémonisme rationnel, telles sont nos positions de base. Tout le reste s’ensuivra, si nous ne laissons pas se briser le fil conducteur. Qu’il s’agisse uploads/Philosophie/ la-philosophie-des-lois.pdf

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