CAHIERS D’ÉTUDES MÉDIÉVALES© CODIRECTEURS: G.-H. ALLARD — J. MÉNARD Institut d’
CAHIERS D’ÉTUDES MÉDIÉVALES© CODIRECTEURS: G.-H. ALLARD — J. MÉNARD Institut d’études médiévales Université de Montréal la science de la nature : théories et pratiques BELLARMIN Montréal VRIN Paris CAHIERS D’ÉTUDES MÉDIÉVALES II La science de la nature : théories et pratiques Les Cahiers d'études médiévales sont publiés avec la participation des Facultés de Théologie et de Philosophie des Jésuites au Québec. Le présent ouvrage a été publié grâce à une subvention accordée par le Conseil Canadien de Recherches sur les Humanités, dont les fonds ont été fournis par le Conseil des Arts du Canada. Institut d’études médiévales Université de Montréal CAHIERS D’ÉTUDES MÉDIÉVALES II La science de la nature : théories et pratiques Bellarmin Montréal J. Vrin Paris 1974 S 3 S'S' M ^ Dépôt légal — 4e trimestre 1974 — Bibliothèque Nationale du Québec Copyright © Institut d’études médiévales, Université de Montréal 1974 ISBN 0-88502-180-0 TABLE DES MATIERES Pour dissiper un malentendu...................................................... 9 ÉTUDES John E. Murdoch, Naissance et développement de l’atomisme au bas moyen-âge latin .......................................................... 11 Carlos. A. Ribeiro do Nascimento, Le statut épistémologique des « sciences intermédiaires » selon Saint Thomas d’Aquin ................................................................ 33 G.-H. Allard, Réactions de trois penseurs du XIIP siècle vis-à-vis de l’Alchimie.......................................................... 97 DOCUMENT John B. Friedman, Thomas of Cantimpré, De Naturis Rerum. [Prologue, Book III, Book X IX ]........................................ 107 BIBLIOGRAPHIE Claude Gagnon, Recherche bibliographique sur l’Alchimie médiévale occidentale .......................................................... 155 ONT COLLABORE A CE Cahier John E. Murdoch, Professeur au Department of History of Sciences (Harvard University, U.S.A.). Carlos. A. R ibeiro do N ascimento, Professeur à Saô Paolo (Brésil). Guy-H. Allard, Professeur à l’Institut d’études médiévales (Université de Montréal). John B. Friedman, Professeur au Department of English (University of Illinois, U.S.A.). Claude G agnon, Professeur au département de philosophie (Collège Edouard- Montpetit, Montréal). POUR DISSIPER UN MALENTENDU . .. On a cru et on croit encore malheureusement que l’avènement de la science est de date récente. Au dire de certains, ce qui ne correspond pas au concept moderne et univoque de « science », ne mérite pas de figurer dans une histoire des sciences et ne peut en aucune façon prétendre au statut scientifique. L’historien est obligé de raisonner tout différemment. Sensible à la mouvance des problématiques à travers les cultures, soucieux d’étudier plutôt les sociétés en synchronie qu’en diachronie, l’historien est tout aussi attentif à l’analogie qu’à l’univocité des situations et des épistémolo- gies ; par-delà la continuité et l’unité postulées d’une histoire des sciences, il s’arrête surtout à la diversité, à la spécificité et à la dis continuité de cette même histoire. On peut bien dire, par exemple, que l’alchimie est une « pré-chimie » ; c’est une affirmation « com mode » mais pas très éclairante — reconnaissons-le — ni pour la compréhension de l’alchimie, ni pour la connaissance de la chimie. Heureusement, des affirmations de ce genre — elles ont eu leur parallèle dans certains axiomes ethnologiques (« l’âge primitif est un âge pré-logique ») — commencent à être remises en question. Il est bien évident que la physique médiévale, pour prendre un autre exemple, ne répond pas aux mêmes interrogations ni ne résout celles-ci de la même manière que celle de Newton ou d’Einstein. Doit-on, pour autant, la disqualifier comme science ? La science médiévale se présente comme un savoir {scientia) qualitatif portant aussi bien sur l’observation des choses {res) que sur leurs raisons {rationes). Elle vise d’abord à observer toutes les choses : la nature comme totalité {natura), ses parties intégrantes, les plantes (plantaires), les animaux (bestiaires, monstres), les pierres (lapidaires), les astres (astrologie). Même l’examen de Dieu (la res suprême) s’élaborera selon les lois et les exigences d’une science {theologia). Par contre, la science médiévale sera plus qu’une observation « naïve » des choses ; elle finira par manifes- 10 CAHIERS D’ÉTUDES MÉDIÉVALES ter l’ambition de vérifier les interprétations théoriques des phéno mènes (experientia). En certains cas même, elle mettra au point des techniques et des instruments de manipulation qui comportent des traits d’une véritable technologie. C’est dans ce contexte qu’appa raissent les sciences intermédiaires (scientiæ mediæ). En d’autres mots, la science médiévale est non seulement un savoir théorique mais, pour une part également, un savoir appliqué. Il importe de rappeler ici une évidence qu’on est trop souvent porté à oublier : la science médiévale n’a pas connu les dichotomies science/techni- que, sciences positives/sciences de l’homme, langage qualitatif/lan gage quantitatif ; sa ramification des sciences n’est pas la nôtre. Ce Cahier traitant de « la science de la nature » veut témoi gner de l’existence et de la présence de la science dans la culture et la société médiévales. La recherche historique sur le moyen âge s’est assez peu attardée à ce genre d’études avec la conséquence que, laissé en friche, cet aspect du moyen âge a suscité peu d’inté rêt : les manuels d’histoire du moyen âge qui considèrent la science médiévale comme une partie intégrante et indispensable de la culture de l’époque, se comptent sur les doigts de la main. De là le malentendu possible ! Il reste à souhaiter que notre civilisation hautement scientifique et technique nous donne le goût d’inven torier davantage l’héritage scientifique du moyen âge et, partant, d’en reconstruire une image plus équilibrée et plus complète. Guy-H. Allard — Jacques Ménard Institut d’études médiévales Montréal. John E. Murdoch Selon les critiques d’Aristote, l’atomisme de Leucippe et de Démocrite, bien que le plus encourageant, voire le meilleur des systèmes de philosophie naturelle d’avant Socrate, était néanmoins incapable de fournir une explication satisfaisante du monde physi que. L’opposition d’Aristote à ses deux prédécesseurs ne résume pourtant pas toutes ses critiques contre les conceptions atomistes. Dans le sixième livre de la Physique, il exige qu’aucun continu — d’espace, de temps ou de mouvement — ne se compose d’indivisi bles, la structure atomiste, non seulement des corps sensibles, mais de toute grandeur en général, étant, selon Aristote, inadmissible. Donc, si par sa réfutation de l’hypothèse de Leucippe et de Démo crite Aristote avait désavoué un atomisme physique, par ses argu ments du sixième livre de la Physique en faveur de la continuité absolue de toute grandeur étendue, il avait également écarté avec rigueur toute possibilité d’un atomisme mathématique et ainsi, pour ne citer que les exemples décisifs, toute possibilité de la création d’une ligne par des points successifs ou d’un espace de temps par des instants successifs. C’était contre ceci, contre la substance même du sixième livre de la Physique, et non pas contre l’opposition d’Aristote à Démocrite, qu’allait réagir l’atomisme qui apparut à la fin du moyen âge. NAISSANCE ET DÉVELOPPEMENT DE L’ATOMISME AU BAS MOYEN ÂGE LATIN Cependant, les doutes du quatorzième siècle en face de l’oppo sition rigide d’Aristote à un atomisme mathématique n’étaient pas les premiers à apparaître sur ce point dans la philosophie médiévale. Du moins, ils ne l’étaient pas si nous comprenons dans l’étendue du même mouvement philosophique l’Islam aussi bien que la Chrétienté. Car, dès le neuvième siècle, des théologiens mutazilites 12 CAHIERS D’ETUDES MEDIEVALES adoptaient l’idée d’atomes sans extension Le mobile qui les poussait à épouser un tel atomisme était évidemment leur désir d’assurer la toute-puissance de Dieu, de faire disparaître les liens de causalité du monde naturel pour les rapporter à Dieu lui-même. Ils réalisèrent ce désir par l’affirmation d’un atomisme temporel qui soutenait que toute existence ne pouvait être qu’instantanée et donc que les rapports entre les choses matérielles, voire leur identité même dans le temps, ne pouvaient provenir que du mécanisme par ticulier d’une création divine constamment renouvelée. Pour ces premiers théologiens islamiques, l’atomisme fondamental était donc un atomisme temporel, mais conçu de telle sorte qu’il semble avoir entraîné, presque comme un corollaire naturel, l’affirmation d’un atomisme spatial. Tout corps, toute grandeur se composait de points sans extension. Ici ils réagissaient directement contre l’opposition d’Aristote à un atomisme mathématique. Généralement, il leur fallait expliquer comment ces atomes sans extension pouvaient composer un corps de quelque grandeur que ce soit. Notre doxographie démontre que le théologien mutazilite atomiste, dans ses efforts pour fournir de telles explications, consacrait beaucoup de soins au problème du contact ou de la juxtaposition des indivisibles, à la question de savoir combien d’indivisibles pouvaient toucher un indivisible donné et à l’énigme du nombre minimal de points- atomes nécessaire pour composer le plus minuscule des corps ma tériels Comme nous pourrons le percevoir mieux par ce qui suit, dans ces réflexions particulières, les savants islamiques ne faisaient que suivre un ordre d’exposition nécessité par les arguments persis tants et pénétrants d’Aristote contre la possibilité même de la doc trine à laquelle ils adhéraient, c’est-à-dire, de Tatomisme mathéma tique sous toutes ses formes. En effet, l’autre aspect physique important dans ce premier atomisme islamique semble être dérivé aussi d’une réaction contre Aristote. Car ces penseurs croyaient en la discontinuité absolue du mouvement ; les corps allaient par sauts. Leur façon d’exprimer cette théorie fort étonnante peut bien nous rappeler ce qui, selon les commentateurs grecs d’Aristote, était la réplique d’Épicure aux 1. Pour cet atomisme islamique, voir Salomon uploads/Philosophie/ la-science-de-la-nature-theories-et-pratiques-montreal-medieval.pdf
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- Publié le Dec 03, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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