1960-11-16 LE TRANSFERT DANS SA DISPARITE SUBJECTIVE, SA PRETENDUE SITUATION, S
1960-11-16 LE TRANSFERT DANS SA DISPARITE SUBJECTIVE, SA PRETENDUE SITUATION, SES EXCURSIONS TECHNIQUES 1 1960-11-16 LE TRANSFERT DANS SA DISPARITE SUBJECTIVE, SA PRETENDUE SITUATION, SES EXCURSIONS TECHNIQUES 2 J’ai annoncé pour cette année 1 que je traiterai du transfert, de sa disparité subjective. Ce n’est pas un terme que j’ai choisi facilement. Il souligne essentiellement quelque chose qui va plus loin que la simple notion de dissymétrie entre les sujets. il pose dans le titre même… il s’insurge, si je puis dire dès le principe, contre l’idée que l’intersubjectivité puisse à elle seule fournir le cadre dans lequel s’inscrit le phénomène. Il y a des mots plus ou moins commodes selon les langues. C’est bien du terme impair <odd, oddity>2, de l’imparité subjective du transfert, de ce qu’il contient d’impair essentiellement, que je cherche quelque équivalent. Il n’y a pas de terme, à part le terme même d’imparité qui n’est pas d’usage en français, pour le désigner. Dans sa prétendue situation, dit encore mon titre, indiquant par là quelque référence à cet effort de ces dernières années dans l’analyse pour organiser, autour de la notion de situation, ce qui se passe dans la cure analytique. Le mot même prétendu est là pour dire encore que je m’inscris en faux, du moins dans une position corrective, par rapport à cet effort. Je ne crois pas qu’on puisse dire de l’analyse purement et simplement qu’il y a là une situation. Si c’en est une, c’en est une dont on peut dire aussi : ce n’est pas une situation ou encore, c’est une fausse situation. Tout ce qui se présente soi-même comme technique doit s’inscrire comme référé à ces principes, à cette recherche de principes qui déjà s’évoque dans l’indication de ces différences, et pour tout dire dans une juste topologie, dans une rectification de ce dont il s’agit qui est impliqué communément dans l’usage que nous faisons tous les jours théoriquement de la notion de transfert, c’est-à-dire de quelque chose en fin de compte qu’il s’agit de référer à une expérience, qu’elle, nous connaissons fort bien pourtant, tout au moins pour autant qu’à quelque titre nous avons pratiqué l’expérience analytique. Je fais remarquer que j’ai mis longtemps à en venir à ce cœur de notre expérience. Selon le point d’où l’on date ce séminaire qui est celui dans lequel je guide un certain nombre d’entre vous depuis quelques années, selon la date où on le fait commencer, c’est dans la huitième ou dans la dixième année que j’aborde le transfert. Je pense que vous verrez que ce long retard n’était pas sans raison. Commençons donc… au commencement,3 chacun m’impute de me référer à quelque paraphrase de la formule : « Au commencement était le Verbe », « lm Anfang war die Tat »4 dit un autre, et pour un troisième, d’abord (c’est-à-dire au commencement du monde humain), d’abord était la praxis <Marx>. Voilà trois énoncés qui sont en apparence incompatibles. A la vérité, ce qui importe du lieu où nous sommes pour en trancher, c’est-à-dire de l’expérience analytique, ce qui importe n’est point leur valeur d’énoncé, mais si je puis dire leur valeur d’énonciation, ou encore d’annonce, je veux dire ce en quoi ils font apparaître l’ex nihilo propre à toute création et en montrent la liaison intime avec l’évocation de la parole. À ce niveau, tous évidemment manifestent qu’ils rentrent dans le premier énoncé : « Au commencement était le Verbe ». Si j’évoque ceci, c’est pour en différencier ce que je dis, ce point d’où je vais partir pour affronter ce terme plus opaque, ce noyau de notre expérience qu’est le transfert. J’entends partir, je veux partir, je vais essayer, en commençant avec toute la maladresse nécessaire, de partir aujourd’hui autour de ceci, que le terme « Au commencement » a certainement un autre sens. Au commencement de l’expérience analytique – rappelons-le – fût l’amour. Ce commencement est autre chose que cette transparence à elle-même de l’énonciation qui donnait leur sens aux formules de tout à l’heure. C’est un commencement épais, confus, ici. C’est un commencement non de création mais de formation – et j’y viendrai tout à l’heure – au point historique où naît ce qui est déjà la psychanalyse et qu’Anna O. a baptisé elle-même, dans l’observation inaugurale des Studien Uber Hysterie, du terme de talking cure ou encore de ramonage de cheminée : chimney sweeping. Mais je veux avant d’y venir rappeler un instant, pour ceux qui n’étaient pas là l’année dernière, quelques uns des termes autour desquels a tourné notre exploration de ce que j’ai appelé l’Éthique la psychanalyse. Ce que j’ai voulu l’année dernière expliquer devant vous c’est – si l’on peut dire – pour se référer au terme de création que j’ai donné tout à l’heure, la structure créationniste de l’ethos humain comme tel, l’ex nihilo qui subsiste dans son cœur qui fait pour employer un terme de Freud, le noyau de notre être, Kern unseres Wesen. J’ai voulu montrer que cet ethos s’enveloppe autour de cet ex nihilo comme subsistant en un vide impénétrable. Pour l’aborder, pour désigner ce caractère impénétrable, j’ai commencé – vous vous en souvenez – par une critique dont la fin consistait à rejeter expressément ce que vous me permettrez d’appeler (tout au moins ceux qui m’ont entendu me le passeront), la Schwärmerei de Platon, Schwärmerei en allemand, pour ceux qui ne le savent pas, désigne rêverie, fantasme dirigé vers quelque enthousiasme et plus spécialement vers quelque chose qui se situe ou se dirige vers la superstition, le fanatisme, bref la connotation critique dans l’ordre de l’orientation religieuse qui est ajoutée par l’histoire. Dans les textes de Kant, le terme de Schwärmerei a nettement cette inflexion. Ce que j’appelle Schwärmerei de Platon, c’est d’avoir projeté sur ce que j’appelle le vide impénétrable l’idée de souverain bien. Disons qu’il s’agit simplement d’indiquer le chemin parcouru, qu’avec plus ou moins de succès assurément, dans une intention formelle j’ai essayé de poursuivre ; j’ai essayé de poursuivre ce qui résulte du rejet de la notion platonicienne du souverain bien occupant le centre de notre être. Sans doute pour rejoindre notre expérience, mais dans une visée critique, j’ai procédé en partie de ce qu’on peut appeler la conversion aristotélicienne par rapport à Platon qui sans aucun doute sur le plan éthique est pour nous dépassé ; mais au point où nous en sommes de devoir montrer le sort historique de notions éthiques à partir de Platon (assurément la référence aristotélicienne), l’Éthique à Nicomaque est essentielle. J’ai montré qu’il est difficile à suivre ce qu’elle contient d’un pas décisif dans l’édification d’une réflexion éthique, de ne pas voir que pour autant qu’elle maintient cette notion de souverain bien, elle en change profondément le sens. Elle la fait par un mouvement de réflexion inverse consister en la contemplation des astres, cette sphère la plus extérieure du monde existant absolue, incréee, incorruptible. C’est justement parce que pour nous elle <la sphère> est décisivement volatilisée dans le poudroiement des galaxies qui est le dernier terme de notre investigation cosmologique, qu’on peut prendre la référence aristotélicienne comme point critique de ce qu’est dans la tradition antique, au point où nous en sommes là parvenus, la notion de souverain bien. Nous avons été amenés par ce pas au pied du mur, du mur toujours le même depuis qu’une réflexion éthique essaie de s’élaborer ; c’est qu’il nous faut ou non assumer ce dont la réflexion éthique, la pensée éthique n’a jamais pu se dépêtrer, à savoir qu’il n’y a de bon (good, gut),de plaisir, qu’à partir de là. Il nous reste à chercher <ce qu’est> le principe du Whol tat, le principe du bien agir. Ce qu’il infère permet de laisser dire qu’il n’est peut- être pas simplement la B.A., la bonne action, fut-elle portée à la puissance kantienne de la maxime universelle. Si nous devons prendre au sérieux la dénonciation freudienne de la fallace de ces satisfactions dites morales, pour autant qu’une agressivité s’y dissimule qui réalise cette performance de dérober à celui qui l’exerce sa jouissance, tout en répercutant sans fin sur ses partenaires sociaux son méfait (ce qu’indiquent ces longues conditionnelles circonstancielles est exactement l’équivalent du Malaise de la Civilisation dans l’œuvre de Freud), alors on doit se demander par quels moyens opérer honnêtement avec le désir ; c’est-à-dire comment préserver le désir avec cet acte où il trouve ordinairement plutôt son collapsus que sa 1 L’annonce se trouve dans La Psychanalyse, Recherche et Enseignement freudiens de Psychanalyse, vol. 6, Paris, P.U.F., 1961, P.313, cf. document annexe. 2 Lacan J., « La lettre volée », in Écrits, p-47. 3 Variantes envisagées : Commençons donc : « Au commencement… chacun »…. Commençons donc au commencement. Chacun… 4 (Goethe, Faust, 1, 3) repris par Freud à la fin de Totem et Tabou. 1960-11-16 LE TRANSFERT DANS SA DISPARITE SUBJECTIVE, SA PRETENDUE SITUATION, SES EXCURSIONS TECHNIQUES 3 réalisation et qui au mieux ne lui présente (au désir) que son exploit, sa geste héroïque comment préserver le désir, préserver ce uploads/Philosophie/ lacan-seminaire-viii-transfert.pdf
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- Publié le Aoû 31, 2021
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