Ré#exion 2 D’où vient l’autorité du devoir ? Découvrir l'expérience Premium Man

Ré#exion 2 D’où vient l’autorité du devoir ? Découvrir l'expérience Premium Manuels numériques Offres & Commandes Connexion S'inscrire ▶ Repères Origine / Fondement p. 321 En fait / En droit p. 321 Question Quelle relation ancienne relie « dommage » et « douleur » ? Texte 7 Le sentiment du devoir naît de rapports de force et d’intérêts ◉ ◉ ◉ Nietzsche, entreprend une généalogie de la morale, c’est-à-dire une enquête sur l’origine des concepts moraux, dont celui de devoir. La morale est souvent présentée comme un ensemble de règles universelles et éternelles mais, en réalité, elle a une histoire que Nietzsche entend dévoiler. Les notions « nobles » de justice, de réparation, d’obligation proviennent de valeurs en vérité beaucoup moins nobles : la pulsion de vengeance, la volonté d’être remboursé d’une dette, le calcul et la comparaison entre les individus. C’est avec une véritable cruauté que le devoir s’impose aux hommes, le châtiment inGigé pour l’obligation non respectée constituant la souffrance par laquelle l’individu doit se racheter. Mais comment est venue au monde cette autre « affaire lugubre », le sentiment de culpabilité, toute la « mauvaise conscience » ? Nous voici donc revenus à nos généalogistes de la moralea. Je le répète – ou ne l’ai-je pas encore dit ? – ils ne valent rien. Une expérience personnelle qui ne va pas plus loin que le bout de leur nez, une expérience purement « moderne » ; nulle connaissance du passé, nulle volonté de le connaître ; pas davantage d’instinct historique, de cette « seconde vue » qui est ici vraiment indispensable, – et l’on se mêle néanmoins d’histoire de la morale : forcément les résultats ne s’accorderont que d’assez loin avec la vérité. Ces généalogistes de la morale ont-ils jamais entrevu jusqu’ici, ne serait-ce que vaguement, que le concept de Schuld [faute] par exemple, concept fondamental de la morale, remonte au concept très matériel de Schulden [dettes]b ? Ou que le châtiment en tant que représailles s’est développé complètement à l’écart de toute hypothèse quant à la liberté ou à la non-liberté de la volonté ? – et cela au point qu’il faut au contraire que l’animal « homme » ait déjà atteint un haut degré d’humanisation pour commencer à faire des distinctions bien plus primitives, telles que « avec préméditation », « par imprudence », « accidentellement », « responsable » et les notions contraires, et en tenir compte dans la fixation de la peine. « Le criminel mérite punition, parce qu’il aurait pu agir autrement », cette idée aujourd’hui si commune, si naturelle en apparence, si inévitable, et que l’on met sans cesse en avant pour expliquer comment est né le sentiment de justice, est en fait une forme tout à fait tardive et même raffinée du jugement et du raisonnement humainc : qui la place dans les commencements se méprend grossièrement sur la psychologie de l’humanité primitive. Pendant la plus longue période de l’histoire humaine, on n’a nullement puni parce qu’on tenait le malfaiteur pour responsable de son action, donc pas du tout en supposant que seul le coupable doit être puni : – non, comme le font encore aujourd’hui les parents avec leurs enfants, on punissait par colère, du fait qu’on avait subi un dommage, et l’on passait sa colère sur l’auteur du dommage – mais cette colère se trouvait limitée et modifiée par l’idée que tout dommage trouve son équivalent d’une façon ou d’une autre et peut être réellement compensé, serait-ce par une douleur infligée à son auteur. D’où a-t-elle tiré son pouvoir, cette immémoriale idée, profondément enracinée, aujourd’hui peut-être inextirpable, d’une équivalence entre dommage et douleur ? Je l’ai déjà dit : du rapport contractuel entre créancier et débiteur, rapport aussi ancien que l’existence des « personnes juridiques », et qui ramène à son tour aux formes fondamentales de l’achat, de la vente, de l’échange, du trafic. […] C’est dans cette sphère, celle du droit des obligations, que se trouve le foyer d’origine du monde des concepts moraux « faute », « conscience », « devoir », « caractère sacré du devoir » – il a été à son début longuement et abondamment arrosé de sang comme l’ont été à leur début toutes les grandes choses sur terre. Et n’est-il pas permis d’ajouter qu’au fond ce monde a toujours gardé une certaine odeur de sang et de torture ! (même chez le vieux Kant : l’impératif catégorique sent la cruauté)d. C’est là qu’on a tramé pour la première fois ce sinistre mariage d’idées, devenu peut-être indissoluble « faute et souffrance ». Répétons notre question : comment la souffrance peut-elle être une compensation pour des « dettes » ? Parce que faire souffrir donnait un très grand plaisir et que celui qui avait subi le dommage et ses désagréments obtenait en échange une extraordinaire contre- jouissance : faire souffrir, – véritable fête, et, de nouveau, d’un prix d’autant plus élevé qu’elle était davantage en contradiction avec le rang et la situation sociale du créancier. […] Le sentiment de la faute, de l’obligation personnelle, – pour reprendre le fil de notre recherche – tire son origine, comme nous l’avons vu, du rapport le plus ancien et le plus primitif qui soit entre personnes, du rapport entre acheteur et vendeur, créancier et débiteur : c’est là que, pour la première fois, la personne affronte la personne, c’est là que pour la première fois la personne se mesure avec la personnee. À notre connaissance, il n’est pas jusqu’au niveau de civilisation le plus bas, qui ne révèle quelque chose de ce rapport. Établir des prix, mesurer des valeurs, inventer des équivalences, échanger – tout cela a préoccupé à tel point la toute première pensée de l’homme que ce fut en un sens la pensée tout court : c’est là qu’apprend à s’exercer la plus ancienne espèce de perspicacité, là que pourrait se situer la naissance de la fierté humaine, du sentiment de la préséance de l’homme sur les autres animaux. Peut-être le mot allemand « Mensch » (manas) exprimet-il précisément quelque chose de cet amour-propre : l’homme se désigne comme l’être qui mesure des valeurs, qui évalue et qui mesure, l’« animal estimateur par excellence »f. Achat et vente, y compris leurs accessoires psychologiques, sont plus anciens que n’importe quelle forme d’organisation sociale ou d’association que ce soit : c’est bien plutôt de la forme la plus rudimentaire du droit personnel que les collectivités les plus grossières et les plus primitives (dans leurs relations avec des collectivités semblables) reçoivent le sens de l’échange, du contrat, de la dette, du droit, de l’obligation et de la compensation en même temps qu’elles en reçoivent l’habitude de comparer puissance à puissance, de calculer, de mesurer. […] On en vint bientôt à cette généralisation : « Toute chose a son prix, tout peut être payé », au plus ancien et plus naïf canon de la justice, au début de toute « bonté », de toute « équité », de toute « bonne volonté », de toute « objectivité » sur terre. Friedrich Nietzsche, La Généalogie de la morale, 1887, trad. I. Hildenbrand, J. Gratien, © Éditions Gallimard, 1971. Aide à la lecture a. Pour comprendre ce qu’est la morale, on ne peut se contenter d’analyser le présent. Une méthode historique, que Nietzsche nomme « généalogie », est nécessaire pour démasquer l’origine véritable des notions morales. b. Ce que Nietzsche constate pour l’allemand est transposable à la langue française : on « s’acquitte » d’un devoir comme on s’acquitte d’une dette. Devoir s’emploie aussi pour « devoir de l’argent ». c. La notion de responsabilité, fondée sur le libre arbitre de l’individu, est une invention récente dans l’histoire de l’humanité. d. On retrouve une trace de l’origine réelle des valeurs morales dans le caractère cruel que comporte encore aujourd’hui le devoir, à la fois dans l’obéissance qu’on lui doit et dans la souffrance que nous imposent les punitions, si on ne le respecte pas. e. La morale n’est qu’une forme parmi d’autres d’une tendance plus fondamentale en l’homme : celle qui attribue une valeur aux choses et aux êtres qui permet de les comparer et de les hiérarchiser. f. La méthode généalogique donne lieu ici à une démystiKcation des valeurs : l’intention de Nietzsche est de mettre ^n à une illusion – celle d’une pureté de la morale, qui serait universelle et rationnelle, comme le veut Kant – et de démasquer les moyens par lesquels cette illusion s’impose et trompe les hommes. XIXe siècle Nietzsche Retrouvez ici sa biographie. Que l’auteur déclare-t-il ? a. La punition vise à rendre le coupable meilleur b. La punition est l’expression d’une passion violente c. Tout tort doit être compensé par un tort d’intensité égale d. Il est nécessaire de protéger la société contre les criminels TEXTE FONDATEUR Question En quoi les devoirs placés au-dessus des institutions sont-il naturels ? Texte 5 Certains devoirs s’imposent indépendamment de toute institution sociale ◉ ◉ ◉ Dans sa Théorie de la justice, consacrée à la détermination des uploads/Philosophie/ le-devoir-iii-d-x27-ou-vient-l-x27-autorite-du-devoir-lelivrescolaire.pdf

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