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Tous droits réservés © Société de philosophie du Québec, 1999 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 7 déc. 2019 01:27 Philosophiques Le savoir absolu hégélien, ou comment rentrer chez soi Éric Guay Volume 26, numéro 1, printemps 1999 URI : https://id.erudit.org/iderudit/004931ar DOI : https://doi.org/10.7202/004931ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Société de philosophie du Québec ISSN 0316-2923 (imprimé) 1492-1391 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Guay, É. (1999). Le savoir absolu hégélien, ou comment rentrer chez soi. Philosophiques, 26 (1), 71–82. https://doi.org/10.7202/004931ar Résumé de l'article Inspiré par la fascinante métaphore hégélienne de la « maisonnette » tirée d’un écrit de jeunesse, ce texte veut montrer sa concrétisation postérieure par le « Savoir absolu » de la Phénoménologie de l’Esprit (1807). On a souvent dit que l’ouvrage de 1807 réconciliait la modernité avec l’ère hellénique. De plus, l’on sait que Hegel considère cette dernière comme le premier moment du savoir, illustrant ce chez-soi auquel les Modernes ont dû renoncer pour acquérir leur propre vision du monde. L’argumentation présentée ici vise à montrer qu’à la manière d’un sujet qui, après un laborieux périple, revient enfin chez soi, c’est bien à un retour en « pays de connaissance » que nous convie cette œuvre célèbre du philosophe allemand. Miracle rendu possible par la découverte d’une circularité qui nous traverse tous ! PHILOSOPHIQUES 26/1 — Printemps 1999, p. 71-82 Le savoir absolu hégélien, ou comment rentrer chez soi1 ÉRIC GUAY Département de philosophie Université du Québec à Trois-Rivières PHILOSOPHIQUES 26/1 — Printemps 1999, p. Philosophiques / Printemps 1999 RÉSUMÉ. — Inspiré par la fascinante métaphore hégélienne de la « maisonnette » tirée d’un écrit de jeunesse, ce texte veut montrer sa concrétisation postérieure par le « Savoir absolu » de la Phénoménologie de l’Esprit (1807). On a souvent dit que l’ouvrage de 1807 réconciliait la modernité avec l’ère hellénique. De plus, l’on sait que Hegel considère cette dernière comme le premier moment du savoir, illustrant ce chez-soi auquel les Modernes ont dû renoncer pour acquérir leur propre vision du monde. L’argumentation présentée ici vise à montrer qu’à la manière d’un sujet qui, après un laborieux périple, revient enfin chez soi, c’est bien à un retour en « pays de connaissance » que nous convie cette œuvre célèbre du philosophe allemand. Miracle rendu possible par la découverte d’une circularité qui nous traverse tous ! ABSTRACT. — Inspired by the fascinating Hegelian’s metaphor of the « small house » taken from a youth’s work, this paper tends to show its posterior achievement by the « absolute Knowledge » of the Phenomenology of Spirit (1807). It has often been told that the 1807's work settled modernity with Hellenic era. Moreover it is known that Hegel considers the Hellenic era as the first step of the knowledge, demonstrating the home that the Moderns had to renounce to acquire their own point of view of the world. The illustration presented here shows that the Hegel’s Phenomenology calls us to a return on « home ground ». The same way as a subject who comes back home after a laborious journey. Miracle enabled by the discovery of a circle going through every one of us ! La philosophie est précisément cela : être vraiment chez soi (zu Hause), — que l’homme soit dans son esprit chez lui en terre natale2. Alors qu’il est étudiant au Tübinger Stift, entre 1788 et 1793, le jeune Hegel s’adonne à la rédaction d’un texte interrogeant la possibilité d’accéder, avec l’aide de la religion, à un lieu où l’homme peut arriver à se sentir pleinement chez lui dans le monde. On peut en effet y lire : « la maisonnette (das Häuschen) que l’homme peut alors déclarer sienne, il faut que la religion aide à la bâtir.3 » L’image de cette demeure, ce « chez-soi » qui fait aussi figure de « patrie » (einheimisch), traverse l’ensemble des écrits hégéliens, comme en 1. Ce texte, financé par le Fonds FCAR, est une version remaniée d’une communication libre présentée au 65e congrès de l’ACFAS tenu à Trois-Rivières du 12 au 16 mai 1997. 2. G.W.F. Hegel, Vorlesungen über die Geschichte der Philosophie I, Sämtliche Werke # 17, Stuttgart, F. Frommann, 1965, p. 190 ; G.W.F. Hegel, Leçons sur l’histoire de la philosophie I, trad. Garniron, Paris, Vrin, 1971, p. 23. 3. G.W.F. Hegel, Tübinger Fragment, in Theologische Jugendschriften <désormais 72 · Philosophiques / Printemps 1999 témoignent d’ailleurs les paroles d’un Hegel plus mature présentées en exergue. Mais ces dernières dénotent par contre l’organisation d’un système de pensée qui fait malheureusement défaut aux premières tentatives d’accéder à ce « lieu » où l’on soupçonne que pourrait sereinement « demeurer » l’humanité. On devra attendre près de quatorze ans après la démarche du Fragment de Tübingen, que l’on attribue plus précisément aux années 1792- 1793, pour que le chemin qui conduit à la construction de cette « maisonnette », transposée en Savoir absolu (das absolute Wissen), nous soit adéquatement montré selon le même impératif religieux, par la publication de la Phénoménologie de l’Esprit4. Si le Tübinger Fragment manque incontestablement sa cible, en ne nous permettant pas d’associer le monde moderne à cette « petite maison » où l’on se sent si bien « chez-soi », c’est en grande partie parce qu’il n’envisage pas encore la modernité comme un « progrès » de la pensée, mais bien plutôt comme un « déclin ». C’est là un écueil qui guette tout homme qui se questionne sur son savoir à partir de la pensée moderne, en jetant un coup d'œil rétrospectif sur la sagesse d’autrefois qui brille en raison de sa fabuleuse simplicité. Attardons-nous-y, en relevant la principale borne qui limite les premières articulations de la pensée hégélienne. La méconnaissance de la véritable dialectique de la totalité Les écrits hégéliens de jeunesse souffrent en plusieurs endroits d’un manque de médiation, d’immédiateté. Mais, nous enseigne Hegel, loin de se révéler comme quelque chose qui serait à proscrire arbitrairement, l’immédiat doit d’abord être assumé avant de s’enrichir pour devenir un moment supérieur de la connaissance5. C’est donc un passage obligé de toute pensée de ne pas avoir d’autre choix que de commencer avec ce qui se trouve immédiatement là, et le jeune Hegel n’y a visiblement pas fait exception. Malgré le fait que le Tübinger Fragment expose clairement la nécessité de la médiation de l’immédiateté, ou de « l’expérience jointe à la réflexion6 » (Erfahrung verbunden mit Nachdenken) qui nous hisse « au-dessus de la dépendance à l’égard des opinions et des impressions de la sensibilité7 », ce dernier n’arrive pas à élever la totalité de son cité : Tüb.>, Frankfurt, 1966, p. 17 ; R. Legros, Le fragment de Tübingen, in Le jeune Hegel et la naissance de la pensée romantique <désormais cité : Frag.>, Ousia, 1980, p. 280. Pour une étude exhaustive du Tübinger Fragment et de la pensée du jeune Hegel, le lecteur lira avec attention l’ouvrage de R. Legros mentionné ci-haut, ainsi que J. Taminiaux, La nostalgie de la Grèce à l'aube de l’idéalisme allemand, Martinus NijHoff, La Haye, 1967. 4. La Phénoménologie de l’Esprit (Phänomenologie des Geistes) fut livrée au public le 29 mars 1807. G.W.F. Hegel, Phänomenologie des Geistes <désormais cité : Ph.G.>, Gesammelte Werke # 9 , Hamburg, Felix Meiner, 1980 ; G.W.F. Hegel, Phénoménologie de l’Esprit <désormais cité : Ph.E.>, trad. Labarrière/Jarczyk, Paris, Gallimard, 1993. 5. Le concept hégélien d’«Aufhebung», qui exprime l’unité-tripartite des verbes nier- conserver-dépasser, illustre bien ce mouvement de transformation de l’immédiateté. 6. Tüb., p. 15 ; Frag., p. 277. 7. Idem. Le savoir absolu hégélien · 73 discours à ce niveau conceptuel. L’on ne doit pas s’étonner de ce constat, de la part d’un auteur qui, à cette époque, affirme que « la sagesse n’est pas la science8 » (Weisheit ist nicht Wissenschaft), lorsque l’on sait que, quelques années plus tard, ce dernier réajustera son tir en exprimant, de la façon suivante, le dessein d’un remarquable ouvrage : Contribuer à ce que la philosophie approche la forme de la science (Wissenschaft) — du but [qui consiste] à pouvoir renoncer à son nom d’amour du savoir et à être savoir effectif — c’est là ce que je me suis proposé. La nécessité intérieure que le savoir soit science tient à sa nature, et c’est seulement la présentation de la philosophie elle-même qui est l’explication satisfaisante à ce propos9. Ce revirement relève d’avantage d’un approfondissement de la pensée hégélienne que d’un simple changement de cap. Il nous montre un Hegel confiant d’avoir su cerner la « nature du savoir » — seule justification de tout discours qui se prétend véritablement scientifique. uploads/Philosophie/ le-savoir-absolu-et-hegel.pdf

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