Vincent Alain 1 La liberté, réalité ou illusion ? Introduction Être libre, c’es

Vincent Alain 1 La liberté, réalité ou illusion ? Introduction Être libre, c’est, pense-t-on, faire tout ce que l’on veut, comme on le veut, quand on le veut. Telle est, peut-on dire, la première notion que nous avons de la liberté. On perd alors entièrement ou partiellement sa liberté lorsqu’on rencontre un obstacle extérieur ou bien lorsque l’on est contraint. Chaque homme est, ainsi, plus ou moins libre, tout dépend des circonstances, de l’époque ou de la société dans laquelle il vit. Pourtant, peut-on en rester là ? Cette notion commune de la liberté est-elle une évidence inattaquable ? Bref, la liberté humaine est-elle bien certaine ? Soutenir que la liberté n’est qu’une illusion ne consiste pas à céder à la théorie du complot en s’imaginant que la « société », ou que le « système » - ou bien on ne sait quel « big brother » - nous prive de notre liberté tout en nous persuadant du contraire. La raison en est simple : dans ce cas, la liberté est toujours une réalité, elle a simplement été supprimée. Croire que la liberté n’est qu’une illusion consiste à poser un tout autre problème, un problème beaucoup plus difficile, beaucoup plus redoutable, radical et intéressant : celui du libre arbitre, c’est-à-dire de la liberté du choix. Reprenons la notion commune de la liberté, celle que nous partageons tous spontanément. Pour être libre, pense-t-on, il ne suffit pas d’agir comme on le veut, encore faut-il pouvoir librement choisir ce que l’on veut. En effet, si nos choix sont déterminés, alors la liberté n’est plus qu’une illusion : un mirage, une croyance fausse, peut-être même indéracinable, de la conscience humaine. Si ses choix sont déterminés, l’homme, alors, croit à tort décider en toute indépendance de sa vie et il se trompe en pensant être un sujet autonome auteur de sa vie. Si ses choix sont déterminés, l’homme s’imagine à tort être le maître de son existence, alors qu’une cause inconnue et étrangère le pousse à agir et décide de ce qu’il est. Si ses choix sont déterminés, l’homme ne choisit pas, mais il est choisi, il n’est plus l’auteur de ses actes, mais l’acteur inconscient d’un rôle, sinon déjà écrit, du moins prévisible. Enfin, si ses choix sont déterminés, l’homme n’est plus maître de son destin, mais il est soumis à une aveugle nécessitée et subit, au contraire, un destin contre lequel il ne peut rien. Dans ces conditions, on comprend que la liberté puisse être tenue par certains pour une illusion : c’est-à-dire pour le souhait irréel d’hommes désirant maîtriser une existence qui toujours leur échappe. Bref, poser la question de la réalité de la liberté humaine revient à poser le problème classique du libre arbitre : l’être humain choisit-il librement ce qu’il fait et donc qu’il est ? Ou bien, ses choix sont-ils déterminés par des causes cachées comme toute chose dans la nature ? Plan de la leçon : I. La liberté de la volonté se connaît sans preuve par la seule expérience que nous en avons. (La thèse du libre arbitre). II. Mais, la conscience de notre liberté est source d’illusion, car le libre arbitre n’est que l’ignorance des vraies causes qui nous poussent à agir. (La critique de la thèse du libre arbitre) III. Pourtant, la liberté n’a de réalité que si nos choix sont contingents. (La thèse du libre arbitre rectifiée et corrigé, c’est-à-dire bien comprise.) Vincent Alain 2 I. La thèse du libre arbitre : La liberté de la volonté se connaît sans preuve par la seule expérience que nous en avons. a. Les trois dimensions du problème de la liberté humaine. Avant toute chose, il convient de bien distinguer les divers problèmes que pose la liberté humaine afin de ne pas tout confondre. On peut diviser l’interrogation philosophique sur la liberté en trois : le problème du libre arbitre, celui de la liberté morale et enfin celui de la liberté politique. 1. Le problème métaphysique de la liberté est celui qui nous occupe. Il porte sur la liberté du choix. Sommes-nous vraiment les auteurs de nos choix ? 2. La liberté pose ensuite un problème moral : celui de la maîtrise de soi, c’est-à-dire de nos désirs et de nos passions. Bref, quel pouvoir avons-nous sur nous-mêmes ? 3. Enfin, la liberté a bien entendu une dimension politique. Il s’agit alors de réfléchir sur les principes de la liberté civile. Quelle est la forme d’organisation politique – d’État - qui permet et garantit aux citoyens une authentique liberté ? Bien entendu, ces trois problèmes ne sont pas séparables les uns des autres. La question du libre arbitre engage une certaine idée la liberté morale, mais aussi de la liberté civile et de la responsabilité. Enfin, contrairement à ce que l’on croît, le terme métaphysique ne signifie pas une réflexion abstraite loin des réalités de l’existence ordinaire, c’est tout le contraire. La métaphysique désigne une réflexion sur les principes de l’existence humaine, donc sur ce qui est le plus important. Or, qu’y a-t-il de plus essentiel que de savoir si nos choix sont libres ? Qu’y a-t-il de plus important que de savoir si nous sommes libres ? Liberté métaphysique ou la querelle du libre arbitre : le problème de la liberté du choix La liberté civile ou la liberté comme rapport aux autres : le nature et les limites de la liberté du citoyen Liberté morale ou la liberté comme rapport à soi : le problème de la maîtrise des désirs et des passions Vincent Alain 3 b. Qu’est-ce que le libre arbitre ? Pour le comprendre, partons d’un exemple, celui de l’animal et plus précisément des crabes rouges – ou Gecarcoidea natalis - de Christmas Island. Vous avez certainement vu les images de ces milliers de crabes qui envahissent chaque année les routes de cette île du nord de l’Australie. Ils seraient plus 40 millions alors que Christmas Island a une superficie de 136 km2. Chaque année, durant la saison humide, en octobre novembre, les crabes rouges quittent les forêts pour aller sur les plages se reproduire, il recouvre alors les routes et rien ne semble pouvoir arrêter leur irrésistible progression. Ces petits crustacés sont animés par une force naturelle – un vouloir -, ils sont déterminés à agir par un instinct : celui de reproduction. Ils répètent tous le même comportement, ils ont tous la même conduite, ils sont tous animés du même penchant au même moment, ils sont tous dirigés par une force qui les domine. Ils veulent, mais ils n’ont pas choisi ce qu’ils veulent, ils agissent, mais ne sont pas les auteurs de leur action. Ils ne sont donc pas des sujets. Ils offrent au contraire le spectacle fascinant de l’impérieuse nécessité de la nature. Ils sont alors, dit-on, hétéronomes, c’est-à-dire gouvernées par une loi étrangère : la nature en eux. L’homme, au contraire, fait l’expérience de la liberté. Il pense avoir un libre arbitre. Certes, il peut ressentir des impulsions, ou des pulsions, il fait l’expérience du désir et de la passion, il y a de la nature en lui, mais il peut s’y opposer, il peut s’y soustraire, il peut choisir ce qu’il veut faire ou ne pas faire. Il peut arbitrer entre ses désirs et des choix s’offrent alors à lui. Il est l’arbitre de ses choix. Il a un libre arbitre. On dira alors qu’il est autonome, qu’il est un sujet et qu’il peut se gouverner lui-même en se donnant ses propres règles. Il n’est pas gouverné par la nature, mais il se gouverne. Retenons bien cette image politique : la liberté consiste à pouvoir se gouverner soi- même. Il le peut, car il est libre. Bref, cette expérience de la liberté renvoie alors à un libre arbitre. L’animal n’a pas le choix alors que l’homme fait avec la conscience l’expérience du choix. Étant libre, il peut agir autrement. Les conduites humaines sont alors imprévisibles, diverses. Elles renvoient à un jeu complexe de Vocabulaire à retenir Métaphysique vient du grec ancien « méta » au-delà et de « phusis » nature. Ce terme signifie littéralement l’étude de ce qui est au-delà de la nature, c’est-à-dire de l’expérience. La métaphysique est ainsi la réflexion philosophique sur les principes de l’existence et de la connaissance humaine. Cette réflexion est au-delà de la nature, car elle ne porte pas sur l’expérience, mais sur les conditions de l’expérience. La réflexion sur la liberté est métaphysique dans la mesure ou elle ne porte pas sur l’acte libre, mais les conditions de l’acte libre : la liberté du choix. Vincent Alain 4 mobiles – causes des actions - et de motifs - raisons d’agir ou buts - : l’homme a ainsi une profondeur psychologique que les romanciers peuvent, par exemple explorer. c. La conscience que l’homme a de sa liberté prouve la réalité du libre arbitre. Approfondissons cette expérience de la liberté humaine en étudiant un extrait des Principes de la philosophie de Renée Descartes. « Que la liberté́ de notre uploads/Philosophie/ lec-on-sur-la-liberte-de-vincent-alain-def.pdf

  • 22
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager