Les formes d’intelligence de Gardneri Présentation et réflexions quant aux appl

Les formes d’intelligence de Gardneri Présentation et réflexions quant aux applications potentielles Jacques Belleau Conseiller pédagogique Cégep de Lévis-Lauzon Au fil des années, différentes théories de l’intelligence ont vu le jour. Depuis quelques décennies, on a beaucoup parlé des auditifs et des visuels et de l’impact que cela pouvait avoir sur l’apprentissage. Il a aussi été question, quoique avec une diffusion moins large dans le grand public, des fonctions cognitives qui distinguaient quatre types d’individus : le séquentiel verbal, le séquentiel non-verbal, le simultané verbal et le simultané non- verbal. Pour chacun de ces groupes, quelle que soit l’approche, l’intérêt réside dans la compréhension de la relation qu’un apprenant entretient avec un apprentissage à réaliser. Ce qui est insatisfaisant dans ces conceptions, c’est qu’elles sont dichotomiques, c’est-à- dire exclusives, alors qu’on observe rarement des types purs. Qui plus est, les théories qu’on nous propose sont trop souvent parcellaires, se révélant incapables de nous fournir une vision d’ensemble. C’est d’ailleurs pourquoi ces outils ont si peu d’impact sur notre quotidien pédagogique. Cela était vrai, jusqu’à ce qu’une nouvelle conception de l’intelligence développée par Howard Gardner commence à se répandre dans le grand public tout en retenant l’attention des milieux de l’éducationii. Cette théorie est suffisamment complexe pour expliquer un grand nombre de comportements, tout en étant suffisamment simple pour donner lieu à des applications en termes de pédagogie. Enfin, signalons qu’il s’agit d’une théorie qui, au lieu de proposer une conception entièrement nouvelle, prend plutôt appui sur différents travaux démontrant les diverses fonctionnalités du cerveau humain. On pourrait même dire que cette conception de l’intelligence essaie d’être unificatrice. 1- MISE EN CONTEXTE 1.1 Qu’est ce que l’intelligence? Qu’est ce que l’intelligence? Lorsque vous êtes en relation avec une autre personne, sur quelle base faites-vous une évaluation de son intelligence? Sur son QI (quotient intellectuel)? Sur sa capacité à résoudre des problèmes ou à répondre à des questions qui vous dépassent? Sur sa culture? Sur son habileté à discourir? Sur son adaptation à son environnement? Sur ses performances scolaires? L’intelligence est-elle le fruit de facteurs environnementaux comme un milieu propice et stimulant qui permet le développement, ou bien est-elle prédéterminée à la naissance? Le concept d’intelligence est-il universel? Autrement dit, une personne que nous considérons en occident comme très intelligente, jouirait-elle de la même considération au cœur de l’Afrique ou en Asie? Il appert que la perception de l’intelligence est fonction de variables qui diffèrent selon l’époque et la société au sein de laquelle elle s’exerce. Ainsi, par exemple, les personnes souffrant d’une surdité congénitale ont été traitées comme des êtres stupides et mis au Les intelligences multiples Jacques Belleau / Conseiller pédagogique / Cégep de Lévis-Lauzon / mars 2001 Page 2 ban de la société jusqu’à la mise au point du langage des Signes, en France par l’abbé de l’Épée, vers 1775, tout simplement parce qu’ils ne pouvaient communiquer. En fait, et cela est toujours vrai, l’un des éléments de la perception spontanée de l’intelligence est la conformité sociale. La conformité sociale peut être considérée comme l’une des manifestations primaires de l’intelligence, celle qui permet de survivre. On pourrait multiplier les exemples afin d’illustrer ce propos, mais ce qu’il est important de retenir, c’est que l’intelligence est avant tout fonction de la perception des contemporains de la société où elle se manifeste. C’est ainsi que le «génie iii» de nombreux artistes n’a été reconnu qu’après leur décès, leur marginalité étant en partie la cause de cette méconnaissance. Il arrive aussi qu’on juge a posteriori l’intelligence d’une personne. L’histoire nous propose de nombreux exemples d’éminents savants à leurs époques respectives, mais dont la réputation ne s’est pas maintenue dans le temps, contrairement à plusieurs de leurs contemporains. Ces personnes ont tout simplement émis des hypothèses, aujourd’hui risibles mais qui, dans le contexte des connaissances de leur époque, étaient crédibles et sérieuses. L’exemple de Georges Cuvier illustrera ce propos. Fondateur de la paléontologie et instigateur de l ‘anatomie comparée, il était un brillant orateur, un politicien et un grand fonctionnaire, aussi bien de la France révolutionnaire que post- révolutionnaire, ce qui est en soi un exploit. Cuvier, un contemporain de Darwin , malgré son apport incontestable à la science est un inconnu tout simplement parce qu’il prônait la fixité des espèces contrairement à Darwin qui prônait l’évolution des espèces. 1.2 La mesure de l’intelligence Le concept d’intelligence est demeuré dépendant de certaines normes sociales jusqu’au début du vingtième siècle. C’est vers cette époque qu’on a commencé à imaginer qu’on pourrait mesurer l’intelligence. Qui n’a pas entendu parler du fameux «QI» ! Il est fort à parier qu’à un moment de votre vie, vous ayez été confronté à l’un ou l’autre instruments de mesure de l’intelligence qu’on tend à regrouper sous le vocable de test de QI. Je ne m’étendrai pas sur le sujet car ce n’est pas mon propos. Je dirai simplement qu’au fil des ans on a constaté que ces mesures ont pour caractéristique principale de prédire l’avenir scolaire d’un individu avec une faible marge d’erreur, tout en se révélant incapables de donner des indications quant au devenir professionnel des personnes mesurées. Cela s’explique aisément par le fait que ces systèmes de mesure, tout comme notre système scolaire, accordent beaucoup d’importance aux les aspects de la logique, des mathématiques et de la langue. Dans les faits, les personnes qui performent bien dans ces domaines présentent des résultats à l’avenant. On a aussi observé que lorsqu’on soumet des non-occidentauxiv à ces tests, ils paraissent moins «intelligents» et moins «compétents» au regard des standards. Des facteurs culturels viennent donc influencer les résultats. Il faut inscrire les tests de QI dans un contexte socio-historique. Notre société occidentale est friande de classement. On mesure tout et ce qui ne se mesure pas a généralement peu de valeurs. Ces mesures privilégient certains éléments de notre tradition et tendent à créer Les intelligences multiples Jacques Belleau / Conseiller pédagogique / Cégep de Lévis-Lauzon / mars 2001 Page 3 des hiérarchies qui définissent une certaine élite. On parle souvent des «élites intellectuelles» ou de «l’intellingentsia» de nos sociétés pour décrire les groupes qui sont à l’avant-plan de notre société, ses têtes dirigeantes. On notera qu’on donne à ces catégories un nom qui réfère à des fonctions de réflexion ou à l’intelligence. De tout temps, dans toutes les sociétés, ces groupes ont existé; ce qui est plus récent, c’est l’existence d’instruments de mesure qui attestent de l’intelligence et qui, partant, permettent l’accès à certains lieux de prestige. La conception de l’intelligence que sous-tend cette forme de mesure laisse entendre que l’intelligence est innée, qu’elle ne se modifie guère avec l’âge, l’apprentissage ou l’expérience. Or, rien n’est plus faux. La plupart des chercheurs qui se penchent sur ce sujet estiment que, si les jeunes tendent à progresser dans différents domaines, avec l’âge ils connaissent, comme c’est le cas au plan physique, des périodes de développement accéléré et des périodes de stagnation. Le concept traditionnel de l’intelligence est aussi remis en question par les anthropologues ou les neurosciences qui ont récemment mis en évidence la plasticité du cerveau, c’est-à-dire la capacité du cerveau de reconstruire un réseau neuronal liant certaines fonctions à une nouvelle zone du cerveau à la suite d’un accident. 1.3 Les huit formes décrites par Howard Gardner Howard Gardner a commencé sa carrière dans un établissement traitant des anciens combattants. Ce qui l’a frappé à cette époque, c’est que certaines fonctions du cerveau pouvaient être atteintes par suite de maladies ou de traumatismes précis à certaines zones, sans affecter les autres capacités de la personne. Ce constat a amené Gardner à entreprendre sa réflexion sur les intelligences. D’entrée de jeu, Gardner avoue qu’il abuse du terme intelligencev. C’est un concept complexe à définir qui réfère à des notions de biologie, de chimie mais aussi à des aspects philosophique et psychologique. Il l’utilise pour frapper l’imagination, parce que c’est un terme commode qui n’est cependant pas univoque. L’intelligence, traditionnellement, est définie comme un attribut, ou un talent, inné. C’est une capacité opératoire qui ne se modifie que peu avec le temps, l’âge ou l’expérience. Gardner, quant à lui, hésite à définir l’intelligence au sens large. Il nous propose l’intelligence comme se manifestant de multiples façons, huit à ce jour, et que dans chaque cas, l’intelligence correspond à une capacité à résoudre des problèmes ou à produire des biens, de différentes natures et au sens large, ayant une valeur dans un contexte culturel ou collectif précisvi. Cette définition est insatisfaisante en soi puisqu’à l’extrême elle peut s’appliquer à une machine-outil. C’est pourquoi elle est précisée. En fait, l’intelligence est perçue «comme un potentiel biopsychologique. C’est-à-dire que chaque membre de l’espèce a la potentialité d’exercer l’éventail des facultes intellectuelles propres à l’espèce.vii» Chaque humain dispose à sa naissance d’un groupe d’intelligences, dont chacune se développera selon un rythme qui lui est propre. Si l’apparition de certaines intelligences est manifeste dès le jeune âge, d’autres, comme les intelligences personnelles, mettent plus de temps à mûrir. Soulignons que, d’une manière générale, les différentes Les uploads/Philosophie/ les-formes-de-l-x27-intelligence.pdf

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