Chez le même éditeur Pour l’Éveil, Pierre Feuga Gheranda Samhitâ, Jean Papin Yo

Chez le même éditeur Pour l’Éveil, Pierre Feuga Gheranda Samhitâ, Jean Papin Yoga, corps de vibration, corps de silence, Éric Baret Le Seul Désir, Éric Baret L’Impensable Réalité, Jean Bouchart d’Orval La Voie du bambou, Yen Chan Sakti-sûtra, Jean Papin Dieux et déesses de l’Inde, Stéphane Guillerme Caraka Samhitâ, 1. Les principes, Jean Papin Le Sacre du dragon vert, Éric Baret Les Doigts pointés vers la lune, Wei Wu Wei Amour et connaissance, Alan Watts Mandalas à contempler et à colorier, Christian Pilastre Le Secret le mieux gardé, Jean Bouchart d’Orval être et ne pas être, Douglas Harding Le Miroir du vent, Pierre Feuga Le Chemin des flammes, Pierre Feuga S’éveiller en rêvant, Stephen LaBerge Les crocodiles ne pensent pas, Éric Baret Essais sur l’expérience libératrice, Roger Godel Itinéraire d’un maître zen venu d’Occident, Taïkan Jyoji Mandalas à colorier, Christian Pilastre God is Pop, Stéphane Guillerme Philosopher par le feu, Anthologie de textes alchimiques, Françoise Bonardel Caraka Samhitâ, 2. Les thérapeutiques, Jean Papin Reflets de la splendeur, Le shivaïsme tantrique du Cachemire, Jean Bouchart d’Orval Dans notre cœur, nous savons, ShantiMayi La Joie sans objet, Jean Klein 54 expériences de spiritualité quotidienne, José Le Roy & Lorène Vergne Voyage au pays des mandalas, Christian Pilastre Les saveurs du zen, Taïkan Jyoji & Françoise Dye Le miroir au sens limpide, Trésor du Dzogchen, Nuden Dorjé Ken Wilber, La pensée comme passion, Frank Visser © Éditions Almora • 51 rue Orfila, 75020 Paris • janvier 2010 www.almora.fr ISBN : 978-2-35118-044-0 fragments tantriques Du même auteur Cent douze méditations tantriques, le « Vijñâna-Bhairava », traduction du sanskrit et commentaire, Accarias/L’Originel, 1988. Cinq visages de la Déesse, Le Mail/Le Rocher, 1989. Liber de Catulle, traduction du latin, Orphée/La Différence, 1989. Les Trophées, José-Maria de Heredia, choix et présentation, Orphée/La Différence, 1990. Le bonheur est de ce monde, Accarias-L’Originel, 1990. Satires de Juvénal, traduction du latin, Orphée/La Différence, 1992. L’Art de la concentration, Albin Michel, coll. « Espaces libres », n° 32, 1992. Tantrisme, Dangles, 1994. Le Yoga (en collaboration avec Tara Michaël), PUF, coll. « Que sais-je ? », n° 643, 1998. Comme un cercle de feu, traduction du sanskrit et commentaire de la Mândûkya-upanishad et des Kârikâ de Gaudapâda, Accarias-L’Originel, 2004. Pour l’Éveil, Almora, 2005. Le Chemin des flammes, Almora, 2008. Le miroir du vent, Almora, 2008. fragments tantriques pierre feuga collection dirigée par José Le Roy A l m o r a 7 Note de l’éditeur De 1990 à 2006, Pierre Feuga a écrit pour différentes revues les chroniques que nous avons réunies ici. Nous remercions par- ticulièrement Infos Yoga, Fidhy Infos, 3e millénaire et Connaissance des Religions d’avoir été à l’initiative de ces textes. 9 Fragment d’« éveil » Il n’est pas d’époque, de croyance ou de voies privilégiées pour atteindre l’éveil. Cette expérience est universelle, intem- porelle et accessible aujourd’hui à qui fait preuve de lucidité et de vigilance. « À quoi pensez-vous lorsque vous êtes assis en lotus et que vous fermez les yeux ? » me demanda un jour une élève de yoga. Je trouve la question intéressante dans sa naïveté. Cette dame, de toute évidence, n’avait jamais expérimenté par elle- même que l’on pût ne penser à rien et pourtant ne pas être un abruti parfait. Mais si je lui avais fourni cette réponse : « Je ne pense à rien, Dieu merci », elle l’eût acceptée d’une certaine manière, rattachée à la notion ordinaire que l’on se fait du « mysticisme » en général et de la spiritualité « orientale » en particulier. Or il me sembla, sinon plus honnête, du moins plus fécond pour tous d’avouer qu’à ce moment précis je pensais peut-être au robinet de mon évier qui fuyait ou à mon tiers provisionnel que je devais payer avant le soir. Mais ce que je regrette aujourd’hui de n’avoir su exprimer plus clairement à cette personne est ceci : que je pense ou que je ne pense pas, cela en réalité n’a aucune importance. Ce qui en a une – et encore assez légère – c’est que je sois assis en 10 face de vous, les jambes croisées sans souffrance, le dos à peu près droit, le visage détendu, le souffle tranquille. C’est par tous ces éléments harmonieusement réunis que je puis à la rigueur, quoique sans le chercher, vous convaincre de la quiétude qui m’habite et vous aider, si toutefois vous en avez envie, à décou- vrir votre propre quiétude. Je ne fais pas plus d’effort pour arrêter que pour alimenter ma pensée parce que je ne crois pas à ma pensée. Non seulement elle n’a pas plus de consistance que la vôtre, chère Madame, mais elle ne compte ni plus ni moins à mes propres yeux que ma digestion ou ma respiration. Si je la compare à l’une et l’autre, c’est qu’elle ne représente, elle aussi, qu’une fonction. « Je pense donc je suis » ? Peut- être mais ne pourrais-je aussi légitimement affirmer : je digère donc je suis, ou : je respire donc je suis, ou encore : j’écris donc je suis ? Il s’agit là d’expressions variées de mon être, mouve- ments spontanés, jeux. Même en l’absence de toute activité sensorielle ou mentale, d’ailleurs je suis, par exemple, quand je dors sans rêver ou quand – car cela arrive aussi – je m’as- sois en lotus, les yeux clos, sans penser à mon robinet qui fuit. Je suis, et tout alors m’est bien égal, la surpopulation, la pro- chaine guerre, l’opinion que vous avez de moi. Même le fait de méditer m’est égal et je me soucie de l’illumination comme d’une guigne. Je suis, conscient que je suis, et je suis heureux d’être conscient que je suis. « Heureux » ? Voilà le mot dangereux et que l’on asso- cie rarement à une vie spirituelle digne de ce nom. Le Christ n’est-il pas mort pour racheter les péchés du monde ? Le Bouddha n’a-t-il point proclamé l’universalité de la douleur ? L’hindouisme ne nous enseigne-t-il pas que même la condition divine n’a rien d’enviable, l’unique béatitude consistant à ne rien désirer, à la limite à ne jamais exister ? Tout cela se peut bien mais ne trouble en rien l’état, ou plutôt le mouvement, la liberté jouante dont je parle et que je nomme d’un terme facile et compréhensible pour tous : « bonheur ». 11 C’est que le mien se fonde non sur une autosatisfaction mais sur une sensation permanente de l’éphémère. Celle-ci m’attei- gnit dès la fin de l’enfance, à contempler les fleurs, les nuages, à tomber amoureux de filles qui m’assassinaient et me ressus- citaient d’une œillade. Les poètes ne me touchèrent qu’en tant qu’ils parlaient de cela, de la merveille fuyante du monde, de la mort toujours penchée sur le lit des amants. Ce qui m’avait longtemps fait souffrir devint un jour mon extase. J’appris à aimer l’oubli. La vie se révéla bien plus savoureuse et géné- reuse dès que je cessai de m’en croire propriétaire. Tous les jours je croise des femmes plus belles que les idoles proposées à la frustration des foules. Je sais qu’il existe encore des chefs- d’œuvre inconnus, des livres géniaux que personne ne lit, des tableaux sublimes que personne ne regarde. Il est probable aussi qu’il se trouve toujours de vrais sages sur Terre, mais qui les remarquerait, avec le bruit que font ceux qui parlent de la sagesse ? Revenons à la pensée. Beaucoup de gens engagés dans une recherche intérieure la considèrent comme l’Obstacle principal à l’illumination. Elle ne mérite à mon sens ni tant d’honneur ni tant d’horreur. Encore une fois se glorifier ou se condamner parce qu’on pense est aussi disproportionné que de s’admirer ou de se culpabiliser parce qu’on respire ou digère. Traitez la pensée comme une fonction, une activité parmi d’autres, elle ne vous gênera plus. Elle ne vous mènera pas à l’éveil, elle ne vous empêchera pas de vous y maintenir. Les neuf dixièmes des problèmes physiques, psychiques et pseudo-spirituels des hommes ne proviennent pas de ce qu’ils pensent bien ou mal mais, plus concrètement, de ce qu’ils ne savent ni se nourrir, ni respirer, ni faire l’amour. Jugez-vous ces remarques trop maté- rialistes, triviales et indignes d’un professeur de yoga ? Vous lui prêteriez sans doute une oreille plus respectueuse s’il vous exprimait les mêmes convictions dans un langage sibyllin, en saupoudrant son discours de citations sanskrites et chinoises. 12 Aider avec efficacité les êtres humains, ce serait d’abord, me semble-t-il, leur enseigner ces trois arts, d’ailleurs éminemment traditionnels : celui de s’alimenter comme il convient ; celui de respirer avec toutes les ressources de ses poumons ; celui de donner et de partager le plaisir amoureux ou du moins, si l’on a quelque vocation à la chasteté, de vivre cette vertu sans dessèchement ni intolérance. Sur une base aussi saine, l’Éveil pourrait naître plus facilement, il n’aurait aucune excuse pour ne pas naître ! C’est dans le corps et par le corps que l’on com- mencerait de méditer, ne cherchant uploads/Philosophie/ feuga-pierre-fragments-tantriques-ed-almora-2010.pdf

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