« Les Souris et le Chat-huant »- Les Fables ( 1678) , XI, 9 de Jean de La Fonta

« Les Souris et le Chat-huant »- Les Fables ( 1678) , XI, 9 de Jean de La Fontaine Introduction - Auteur : La Fontaine est un auteur classique du 17ème siècle. On le connaît pour ses Fables où il cherche à nous instruire tout en nous divertissant mais il est aussi dramaturge et a écrit des contes. Il a passé vingt ans de sa vie en tant que Maître des Eaux et Forêts en Seine-et-Marne où il a pu observer longuement la nature et les animaux. En lisant ses Fables, on s’instruit sur des questions morales mais aussi sur différents comportements des animaux comme c’est le cas dans cette fable. - Œuvre : Le deuxième recueil des Fables publié en 1678 est un écho des préoccupations intellectuelles de La Fontaine ainsi que de l’intérêt qu’il porte à la philosophie. Cette fable est à relier avec le « Discours à Madame de la Sablière ». Madame de la Sablière est la mécène de La Fontaine. Le séjour chez elle avive sa curiosité pour les doctrines et les systèmes de pensée. Dans ce discours, il dit sa conviction de l’existence d’une âme et d’une forme d’intelligence chez les animaux et s’oppose à la théorie de Descartes des « animaux-machines » selon laquelle les animaux seraient des machines chez qui tout serait mécanique et corporel. - Texte : • Situation dans l’œuvre : Cette fable clôt le livre XI et le deuxième recueil des Fables. Cela prouve à quel point la question de l’intelligence animale est importante pour La Fontaine. • Thèmes : Le fabuliste y réfute la théorie cartésienne par un exemple qui est donné pour vrai : un hibou s’adonne à l’élevage de souris, leur ayant brisé les pattes pour les empêcher de fuir. • Caractérisation générale : Poème en alexandrins et octosyllabes avec des rimes croisées, plates et embrassées [LECTURE] Comment La Fontaine entend-il démontrer l’intelligence animale dans cette fable ? Mouvements I.V.1 à v. 7 : Quand la réalité dépasse la fiction II. V.8 à v. 27 : Un hibou fort prévoyant III. V.28 à 43 : La Raison animale Note de La Fontaine I. V.1 à v. 7 : Quand la réalité dépasse la fiction La Fontaine introduit la fable proprement dite par une réflexion préalable dont le but est de susciter l’intérêt du lecteur : il insiste sur le fait que le récit qui va être relaté est réellement incroyable. Le fabuliste met en valeur le caractère exceptionnel de l’histoire qu’il va raconter en l’excluant du cas général où il vaut mieux ne pas trop en promettre aux lecteurs, qui risquent d’être déçus. v. 1 « faut » Présent de vérité générale Exprime ce cas général sous la forme d’une maxime v. 3-4 « Savez- vous si les écoutant…?» Question rhétorique Il ne faut pas préjuger de l’admiration, de l’estime des lecteurs v. 5 « Voici pourtant un cas qui peut être Ce préalable a permis a l’auteur de montrer en quoi l’histoire de ce chat-huant sort de l’ordinaire excepté » v.6 « Je le maintiens prodige » • Terme hyperbolique • Pronom personnel « Je » Ici la réalité dépasse la fiction : cette histoire présente les attributs d’une fable ( anthropomorphisme, faits invraisemblables ) alors qu’elle est véridique. Il parle en terme hyperbolique pour la caractériser. LF engage sa parole, il certifie la véracité des faits racontés, il y reviendra d’ailleurs dans une note à la fin de la fable. II. V.8 à v. 27 : Un hibou fort prévoyant v.8 « abattit » Passé simple Début du récit v. 9 « vieux palais » Périphrase qui désigne le vieux pin Fonction anthropomorphique : c’est l’habitat du hibou v.9 «triste et sombre retraite» v.10 «Atropos» v.11«tronc caverneux» v.11«miné par le temps» Champ lexical de la nuit et de la mort Ce hibou ( = chat-huant) est dépeint selon les caractéristiques qui lui sont traditionnellement associées. Dimension inquiétante, presque fantastique de la description v. 13 « Logeaient… force souris sans pieds» Description Découverte macabre : des souris mutilées et bien nourries, élevées par le rapace v.16 « Cette Oiseau raisonnait. Il faut qu’on le confesse» Raisonnement LF déduit de cette découverte l’intelligence du hibou. v. 17« En son temps » v. 20 « ensuite » Marqueurs temporels Il reconstitue alors ce qu’a dû être le déroulé des faits sous la forme d’une narration organisée par les marqueurs temporels « Oiseau » v.19 « le drôle » v.17« le compagnon » • Majuscule • Ton Le ton est plaisant et empreint d’une forme d’admiration et de sympathie pour le hibou. v. 19 « pour y remédier » v.23 « tout manger à la fois, l’impossibilité s’y trouvait» CC de but Insiste sur la volonté propre du hibou, condition de sa capacité à raisonner - Traduit l’intention du hibou - L’animal écarte les écueils et fait des choix v.25 « Aussi loin que la nôtre » v. 26-27 « leur porter/ Vivres et grains pour subsister » Comparatif Dote l’animal d’une capacité à se projeter équivalente à celle d’un humain. Tel un éleveur, le hibou anticipe les besoins de ses proies pour se constituer un vivier III. V.28 à 43 : La Raison animale Au beau milieu de la fable surgit de manière explicite le débat qui oppose LF à Descartes à propos de la théorie cartésienne des animaux-machines : les cartésiens considéraient que chez les animaux tout était déterminé par le corps, ils ne leur reconnaissaient pas la capacité de raisonner et les comparaient à des machines, des montres mues par des ressorts... v.28-29 « Puis qu’un cartésien s’obstine » Exclamation Constitue un défi lancé aux cartésiens : comment continuer à soutenir cette théorie en ayant connaissance de cet exemple édifiant d’un animal qui raisonne ? v.30-31 « Quel ressort pouvait lui donner / Le conseil de tronquer un peuple mis en mue ?» • Question rhétorique • Ironie LF fait preuve d’une ironie mordante. Montre l’impuissance de la théorie cartésienne à expliquer le comportement du hibou v. 35 « quand » v. 36 et 38 « Donc » v. 37 « Et puis » v.40 « comment » Connecteurs logiques LF s’attache à restituer précisément le raisonnement de l’animal des vers 35 à 40. Traduisent les différentes étapes du raisonnement. v.34 « voyez » v. 40 « trouvez-moi » Impératifs Le lecteur est directement pris à témoin v. 42-43 « Quel autre art de penser Aristote et sa suite/ Enseignent-ils, par votre foi ?» Question rhétorique La fin du récit est marquée par un argument d’autorité qui rappelle que le raisonnement mis à jour chez ce hibou est conforme aux principes logiques tels que définis par les philosophes, ici représentés par la figure tutélaire d’Aristote. Note de La Fontaine Note de la main même de l’auteur Rédigée en prose Cas rare qui doit être souligné « Ceci n’est point une fable et la chose […] est véritablement arrivée. » « Ces exagérations sont permises à la Poésie » Mêle étonnement deux idées d’apparence contradictoire • Les faits relatés sont vrais • Les faits sont exagérés pour rendre le récit plus puissant Ainsi le statut ambigu de la fable est-il assumé par LF, qui ne prétend pas faire œuvre de philosophe mais qui met l’Imagination au service de la Pensée. Nous pourrions dire que la Poésie a ses raisons que la Raison ignore... Conclusion : Ainsi, la fable est le vecteur d’un débat philosophique puisque La Fontaine l’écrit clairement pour s’opposer aux idées philosophiques de Descartes et sa théorie sur les « animaux-machines». L’histoire est d’abord présentée comme véridique bien qu’extraordinaire ; puis l’on nous indique les circonstances dans lesquelles le fait fut découvert : l’abattage d’un arbre où logeait un hibou, et dans lequel on découvrit tout un élevage de souris sans pattes. Enfin, seulement, La Fontaine reconstitue (non sans humour) les étapes du raisonnement qui a dû conduire le hibou à pareil comportement… Il n’y a pas ici la moindre trace d’une condamnation quelconque de la « cruauté » du hibou, mais une réflexion sur son degré d’intelligence. En un mot, ce récit n’a rien d’une fable, et pour l’indiquer plus nettement encore, La Fontaine lui-même le dit, chose exceptionnelle, dans une note. On peut rapprocher cette fable de celle des « Deux Rats, du Renard et l’Oeuf » uploads/Philosophie/ les-souris-et-le-chat-huant.pdf

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