N°2 – Septembre 2009 ISSN : 2031-4973 - eISSN : 2031-4981 - Publication en lign
N°2 – Septembre 2009 ISSN : 2031-4973 - eISSN : 2031-4981 - Publication en ligne sur http://popups.ulg.ac.be/dissensus/ http://www.philopol.ulg.ac.be Figures du courage politique dans la philosophie moderne et contemporaine Coordination : G. Jeanmart et L. Blésin Gaëlle Jeanmart, « Une approche généalogique de questions politiques sur l’actualité du courage » – Introduction p. 2 Etienne Tassin : « Achille et les clandestins : la scène politique du courage » p. 16 Marc-Antoine Gavray : « Le courage, du relativisme de Protagoras à l’unité platonicienne des vertus » p. 37 Annick Stevens: « Le rôle du courage dans la praxis : un questionnement à partir d’Aristote » p. 55 Julien Pieron : « L’audace de la pensée : sur Kant et les Lumières » p. 65 Raphael Alvarenga : « La mesure de l’impossible : penser le courage dans le cadre d’une rupture avec la condition présente » p. 78 Raphaël Gély : « Du courage de mourir au courage de vivre :quels enjeux politiques ? Introduction à une phénoménologie radicale du courage » p. 116 Laurence Blésin: « De l’affect à l’engagement. Une lecture pragmatiste du courage » p. 146 Alain Loute : « La logique excessive du geste courageux : une force de création sociale ? Réflexions à partir de Paul Ricœur » p. 166 Thierry Ménissier : « “Recomposer” l'intérêt général. Un essai de théorie normative en réponse à la crise du républicanisme classique » p. 178 – Revue de philosophie politique de l’ULg – N°2 – Septembre 2009 – p. 2 Figures du courage dans la philosophie moderne et contemporaine (Coordination : G. Jeanmart et L. Blésin) Gaëlle Jeanmart, « Une approche généalogique de questions politiques sur l’actualité du courage » – Introduction Le courage est de toute évidence une vertu universellement admirée. Le prestige dont il jouit ne semble dépendre ni des sociétés ni des époques. De tout temps, la lâcheté a été méprisée et la bravoure, estimée. Mais les formes en peuvent varier, comme les contenus : chaque époque a ses peurs et ses courages. Selon la civilisation, c'est à chaque fois un certain profil de la notion qui s'esquisse, c'est une nouvelle manière de problématiser le courage qui se dessine. Nous avons récemment « commis » une histoire philosophique du courage, Thomas Berns, Laurence Blésin et moi-même1, organisée selon quelques grandes questions qui permettent de couvrir les principales représentations du courage à travers l’histoire, en essayant de déterminer les points de fixation des débats sur le courage, les principales tensions entre ces représentations et les déplacements qui peuvent être produits pour cerner les enjeux des débats contemporains. Il ne s’y agissait pas de bâtir une architectonique des différentes dimensions du courage, mais bien de faire droit, à travers une généalogie, à la positivité de ces tensions, dans la mesure où il nous paraissait souhaitable que ce conflit reste interne au courage lui-même et le laisse dans sa problématicité plutôt que de faire du courage un mot d’ordre. Plus encore que de relativiser l’éloge du courage en en présentant les figures diverses et parfois contradictoires, la généalogie peut aboutir en effet à une approche critique de l’éloge lui-même. Car si le courage vaut peut-être 1 T. Berns, L. Blésin, G. Jeanmart, Du courage. Une histoire philosophique, Paris, Les Belles Lettres, « Encre marine », à paraître en janvier 2010. Les trois auteurs développent depuis plusieurs années une recherche collective sur le courage dans le cadre de la Fondation Bernheim, à l’initiative d’Edouard Jakhian, son président de 2004 à 2009. – Revue de philosophie politique de l’ULg – N°2 – Septembre 2009 – p. 3 partout et toujours mieux que la lâcheté, il reste encore à se demander notamment ce que produit de néfaste le discours sur le courage. La résistance à un appel au courage quotidien comme le journal-parlé passe par la complication (généalogique) de l’évidente nécessité d’être courageux et de la définition de l’acte courageux. Ces complications peuvent s’égrainer en une série de questions : Sur quels présupposés repose l’appel médiatique et commun au courage ? Quelles conséquences a-t-il ? À quelle logique appartient-il ? Quels sont ses objectifs et ses enjeux ? Quel rapport le courage entretient-il avec la vérité ? Faut-il considérer, comme dans l’Antiquité, que la vérité limite la force d’âme à des motifs et des objectifs déterminés comme « bons » à la suite d’une enquête, ou faut-il considérer comme Kant (dans une sorte de révolution copernicienne de ce rapport antique de la vérité au courage) qu’une certaine force d’âme est nécessaire pour enquêter et s’émanciper intellectuellement ? Est-ce qu’il y aurait un « véritable » courage auquel opposer des formes illusoires de courage ? Et faudrait-il, dès lors, prendre la peine de dénoncer les effets négatifs de ces actes de « faux » courage ? Enfin, s’il y a un véritable courage, cela tient-il à un lien du courage à la justice ou à la vérité qui l’empêche d’être une audace éventuellement a- ou im-morale ? Ou plutôt à un fond d’affectivité fondamentale qui fait du courage autre chose qu’une injonction morale abstraite ? Le courage est-il une qualité de l’âme ou de l’acte ? Ou ce qui revient au même : faut-il interroger de manière privilégiée les conditions ou les conséquences du courage ? Est-il essentiel de savoir précisément ce qui rend possible le courage : qui sont ces sujets capables de courage, quels combats intimes se livrent en eux, quelles peurs ils surmontent pour se battre, comme une approche phénoménologique du courage le suggérerait ? Ou le courage doit-il être questionné plutôt pour ce qu’il rend possible, de façon à se concentrer sur le sujet manifesté et donc en quelque sorte produit par l’acte courageux ? Dans ce cas, ce sujet construit est-il le héros, l’acteur de l’histoire, comme le propose H. Arendt, ou le public, comme le suggère J. Dewey ? Cette deuxième figure du courage est-elle non psychologique, considère-t-elle l’intériorité comme un mythe, dès lors qu’elle considère que seul existe véritablement, c’est-à-dire politiquement, ce qui est manifeste ? Et faudrait-il ainsi opposer ces deux approches comme on opposerait une approche politique à une approche psychologique du courage ? Ou y a-t-il une politique qui se cache derrière la considération des sujets – Revue de philosophie politique de l’ULg – N°2 – Septembre 2009 – p. 4 et de leurs affects ? Si le courage est une manière de se battre, s’il est une valeur agonistique, à quoi doit-il résister ? À quelles peurs ? Est-ce traditionnellement à la peur de mourir, comme le montre Achille, le héros courageux par excellence, qui choisit la mort honorable au combat plutôt que la fuite honteuse ? Ou ne serait-ce pas une peur plus fondamentale, qu’on aurait tort de supprimer en naturalisant le désir de vivre : la peur de vivre précisément, comme Nietzsche ou Foucault le laissent à penser ? Si cette résistance est une force de la volonté, d’où vient cette volonté ? Est-elle cette part en nous qui nous est donnée (car qui choisit la force de sa volonté ?) ? Ou y a-t-il un contexte social qui peut donner cette force ou en défaire la possibilité ? Autrement dit, est-on courageux « en soi » et selon un caractère propre, ou est-ce la situation, l’état d’esprit du temps, le public, l’histoire qui font et défont les « courageux » ? L’Antiquité a fait du courage un objet largement partagé de questionnement philosophique, situé au cœur d’une problématisation prioritairement morale, c’est-à-dire dans une doctrine de la vertu. Prise en considération depuis ce discours sur la vertu, on peut dire que la question du courage, sans cesse remodelée, a véritablement fait tradition : il y a eu, pendant l'Antiquité et le Moyen Âge, une riche doctrine du courage, qui en étudiait les formes diverses, les fondements épistémologiques et les liens avec les autres vertus. Cette histoire philosophique du courage, dont nous allons esquisser ici quelques traits, débute par la moralisation d’une notion appartenant originellement au registre de la guerre. On assiste avec Platon de manière particulièrement nette à cette moralisation du courage, qui ne concerne plus l’exploit héroïque rendu possible par des dieux insufflant le thumos nécessaire aux combattants, mais la guerre intestine que chaque sujet mène pour devenir meilleur. « La victoire sur soi-même, dit Platon dans le Lachès (qui est aussi le dialogue Sur le courage), est de toutes les victoires la première et la plus glorieuse, alors que la défaite où l’on succombe à ses propres armes est ce qu’il y a à la fois de plus honteux et de plus lâche » (191c-d). Dans l’Antiquité, le courage renvoie ainsi essentiellement à la forme virile du rapport à soi : il faut vaincre toutes les résistances en soi pour agir droitement, c’est-à-dire selon ce que dicte la raison2. Ce rapport fondamental à soi-même, dans la résistance aux difficultés du dehors comme du dedans donnera naissance – assez « naturellement » finalement – à 2 Cf. Op.cit, 1 ère partie, chap. 1 : « Naissance d’une uploads/Philosophie/ dissensus.pdf
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- Publié le Mai 05, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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