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SAGESSEetFOLIE_BAT.indd 1 15/02/19 13:07 SAGESSEetFOLIE_BAT.indd 2 15/02/19 13:07 Sagesse et folie du monde qui vient SAGESSEetFOLIE_BAT.indd 3 15/02/19 13:07 © XO Éditions, 2019 ISBN : 978-2-37448-040-4 SAGESSEetFOLIE_BAT.indd 4 15/02/19 13:07 Luc Ferry Nicolas Bouzou Sagesse et folie du monde qui vient Comment s’y préparer, comment y préparer nos enfants SAGESSEetFOLIE_BAT.indd 5 15/02/19 13:07 SAGESSEetFOLIE_BAT.indd 6 15/02/19 13:07 Avant-propos Le pessimisme, cette joie mauvaise SAGESSEetFOLIE_BAT.indd 7 15/02/19 13:07 SAGESSEetFOLIE_BAT.indd 8 15/02/19 13:07 9 C’est une véritable énigme : dans toutes les enquêtes conduites au cours des dix dernières années sur le degré d’optimisme qui règne parmi les différentes nations, la France figure régulièrement dans les tout derniers rangs. Selon une étude publiée en 2018 dans Le Point, les chiffres sont accablants : seuls 50 % des Français se déclarent heureux ou très heureux, contre une moyenne de 59 % sur l’ensemble des 55 pays pris en compte. Au total, ils se classent au 41e rang, juste devant des États en guerre ou en faillite. Plus significatif encore, il n’y a dans cette enquête que 26 % de nos concitoyens pour penser que l’avenir sera meilleur. Un sondage IFOP publié fin 2018 montre que 37 % des Français s’inquiètent de ­ l’intelligence artificielle et que 32 % d’entre eux craignent la potentielle destruction des emplois qu’elle engendre en remplaçant les humains par des robots – un premier pas vers la fin de l’humanité… SAGESSEetFOLIE_BAT.indd 9 15/02/19 13:07 10 Le pessimisme, cette joie mauvaise Il faut dire que nos pessimistes professionnels, qui sous les dehors d’une marginalité tout affectée dominent en réalité presque sans partage le paysage intellectuel fran- çais, surfent sur la vague, évoquant à longueur de livres ou d’articles le thème populaire du déclin, de « l’entrée dans le pire des mondes », comme l’annonçait sérieu- sement un récent ouvrage collectif : effondrement du système éducatif, horreur économique, réchauffe- ment climatique, mort de la civilisation européenne, malbouffe, fin des paysans, élevage industriel, victoire de la communication sur l’information, érosion du lien social, éclipse du bien commun au profit de l’individua- lisme, déconstruction des traditions liée à la logique mercantile du libéralisme, suicide français, défaite de la pensée, bilan de faillite, suprématie des techno- crates de Bruxelles, insécurité culturelle, abandon de la France périphérique, de l’identité nationale, voire de la France tout court, mondialisation malheureuse qui emporte tout sur son passage, depuis la famille tradition- nelle jusqu’à l’enseignement du grec et du latin en passant par les principes les plus élémentaires du savoir-vivre et de ­ l’orthographe. Bref, tout y passe… Pas de malentendu : il y a évidemment du vrai dans ces constats et notre propos n’est ni de défendre l’opti- misme contre le pessimisme ni de nier la part de vérité qui anime aujourd’hui la nostalgie que l’on peut à juste titre éprouver pour certains aspects des temps anciens. Le titre de notre ouvrage l’indique assez puisqu’il y est question de sagesse (nécessaire) et de folie (évidente). Pascal affirmait qu’il y a toujours une part de vérité à SAGESSEetFOLIE_BAT.indd 10 15/02/19 13:07 11 Le pessimisme, cette joie mauvaise entendre dans les opinions même les plus fausses. Pas plus insensibles que d’autres aux défauts de l’époque (mais quelle époque n’en a point ?), nous pourrions nous aussi broder, et à vrai dire sans grande difficulté, sur l’un ou l’autre de ces thèmes d’affliction médiatique- ment porteurs, sur la crise de l’école dans l’après-68, sur l’abandon des banlieues, du monde paysan, du latin et du grec, sur la montée du fanatisme islamiste, de l’antisémi- tisme, comme sur certains méfaits d’un libéralisme dont Schumpeter lui-même dénonçait déjà la part d’ombre et de destruction. Tout n’est pas rose dans le monde moderne, c’est l’évidence ; les valeurs et les autorités traditionnelles subissent une érosion dont les effets sont parfois émancipateurs (liberté des femmes, des homo- sexuels…), parfois dévastateurs (montée des incivilités, déclin des fondamentaux à l’école…). Nous aimerions simplement que nos déclinologues fassent preuve d’un peu plus de rigueur et qu’ils relativisent le propos, qu’ils comparent les époques, qu’ils fassent la part des choses, qu’ils se souviennent, par exemple, de ce que furent les années 1930, le nazisme et le stalinisme qui firent des dizaines de millions de morts, mais aussi du maoïsme, du castrisme ou des régimes fascistes d’Amérique du Sud, qu’ils pensent au temps de l’Occupation, et même à cet après-guerre, que l’un de nous deux a bien connu, où l’on manquait de tout, à commencer par ceux que l’on avait perdus, morts au combat, dans la Résistance ou dans des camps au cours des années terribles. Nous aimerions qu’ils se rendent compte que la génération des 60-70 ans, celle qui avait vingt ans en 1968, est la première dans notre histoire moderne à ne pas avoir connu la guerre. SAGESSEetFOLIE_BAT.indd 11 15/02/19 13:07 12 Le pessimisme, cette joie mauvaise Nous aimerions qu’ils admettent que les famines ont presque disparu, que l’extrême pauvreté est devenue marginale et que le monde, contrairement à ce qui est dit ici ou là, est moins inégalitaire que l’on ne pense (nous allons y revenir, car l’idée selon laquelle toutes les inéga- lités se creusent est aussi fausse que répandue). Mais il est vrai que l’on ne fait pas de bons articles sans invoquer le désastre, ni de bonnes unes sur les trains qui arrivent à l’heure. Annoncer l’apocalypse est désormais un passage obligé, un préalable indispensable à cet air de profondeur morose qui sied à l’intelligence. Émettre un bémol sur la noirceur de l’époque, sur sa déréliction et sa bassesse, c’est déjà passer pour l’imbécile heureux de service, voire pire encore, pour un optimiste libéral, un collabo de la modernité. Nous aurions bien aimé pouvoir profiter nous aussi, comme tant de nos collègues, de cette joie mauvaise qui donne des ailes à tout penseur digne de ce nom, mais pour notre malheur, nous ne parvenons pas à voir tout en noir, en tout cas pas assez pour partager cette obscure euphorie. Nous voyons bien tous les bénéfices que nous pourrions tirer d’une vision du monde apoca- lyptique, tous les livres que nous pourrions écrire la rage au cœur, avec l’énergie du désespoir et l’esprit de finesse que donne la nostalgie. Mais rien n’y fait. Pourtant, c’est vrai, certains constats posés par nos éminents confrères antimodernes et antilibéraux sont loin d’être erronés. Par exemple, ce n’est pas douteux, nos enfants, l’un d’entre nous fut le premier à le dire haut et fort au sein du minis- tère de l’Éducation nationale, ne maîtrisent plus les bases SAGESSEetFOLIE_BAT.indd 12 15/02/19 13:07 13 Le pessimisme, cette joie mauvaise de la lecture, de l’écriture et de la grammaire comme par le passé : la démocratisation du système éducatif n’a pas bénéficié à tous de manière égale. Nous pourrions ajouter bien d’autres griefs encore, à commencer par la superfi- cialité des médias et l’indigence du monde politique en matière de science, d’économie et d’histoire. Sauf que, voyageant beaucoup de par le monde, il nous semble difficile de nier qu’il n’y a malgré tout jamais rien existé de mieux dans toute la galaxie que notre vieille Europe en termes de liberté, d’égalité, de niveau de vie et de protection sociale, ni avant ni ailleurs. Les lamentations pessimistes, à force d’être partiales et partielles, pèchent sans s’en rendre compte par un nombrilisme aveugle qui frise, au sens propre, le délire : l’idéologie n’a plus aucun rapport sérieux avec la réalité. Si l’on refuse, contrairement à Rousseau, d’écarter tous les faits, il est incontestable que le monde en général n’a jamais été aussi accueillant qu’aujourd’hui. C’est parti- culièrement vrai pour la France, et pour l’Europe de l’Ouest qui est devenue et reste comme jamais le conti- nent phare de l’humanité. Malgré le développement fulgurant de la Chine et la domination américaine, elle demeure un espace unique de prospérité, de protection sociale, de liberté politique et religieuse, de création artistique, littéraire, philosophique et scientifique, mais aussi de laïcité, d’autonomie, de respect du droit des femmes comme il n’y en eut nulle part auparavant et comme il n’en existe toujours pas dans le reste du monde aujourd’hui, pas même aux États-Unis. Du reste, les flux migratoires en témoignent assez qui vont rarement de SAGESSEetFOLIE_BAT.indd 13 15/02/19 13:07 14 Le pessimisme, cette joie mauvaise l’Europe vers la Syrie, l’Irak, le Yémen ou la sous-région du Sahel. Si nos vieilles démocraties républicaines sont aujourd’hui menacées, c’est surtout du dehors, par le fanatisme religieux. Et si elles le sont pour une part aussi de l’intérieur, ce n’est pas par excès de libéralisme, mais bien davantage par son défaut : le pessimisme généralisé qui tourne les yeux vers nos splendeurs passées au lieu de nous pousser à investir dans l’intelligence et l’innova- tion ne fait qu’aggraver la situation. N’étaient le sida, le cancer et Daech, les pleureuses ont beau dire, la vérité est que nous pourrions être au paradis ou peu s’en faut, du moins si nous avions l’intelligence et le courage de relever les défis de la troisième révolution industrielle1, celle de la convergence du numérique, de la robotique et uploads/Philosophie/ sagesse-et-folie-bat-original.pdf

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