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Tous droits réservés © Société de philosophie du Québec, 1998 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 29 juil. 2021 10:24 Philosophiques Les tâches d’une philosophie pratique à l’âge de la technoscience Lazare Marcelin Poame Volume 25, numéro 1, printemps 1998 URI : https://id.erudit.org/iderudit/027474ar DOI : https://doi.org/10.7202/027474ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Société de philosophie du Québec ISSN 0316-2923 (imprimé) 1492-1391 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Poame, L. M. (1998). Les tâches d’une philosophie pratique à l’âge de la technoscience. Philosophiques, 25(1), 91–109. https://doi.org/10.7202/027474ar Résumé de l'article Ce texte est un ambitieux programme qui se résume en trois idées-forées. (1) Nourri aux sources d'Aristote, de Kant et de Habermas, l'article s'offre avant tout comme un effort de reconstruction-réhabilitation du champ de la pratique face à l'invasion de la rationalité technique. (2) Sur la base de cette reconstruction, il tente une transformation de la philosophie de la technique (Technikphilosophie) qui prend ici la dénomination de praktische Philosophie der Technik. (3) Fort de ce qui précède, l'article ambitionne de déterminer les tâches de la praktische Philosophie der Technik qui se réduisent à trois principales : d'abord proposer une définition systématique de la technique qui prenne en compte la spécificité de la technique contemporaine (technoscience) ; ensuite, élaborer une méthode d'approche du phénomène technique et enfin, évaluer la technoscience. PHILOSOPHIQUES, VOL. XXV, N0 1, PRINTEMPS 1998, P. 91-109 LES TÂCHES D'UNE PHILOSOPHIE PRATIQUE À L'ÂGE DE LA TECHNOSCIENCE PAR LAZARE MARCELIN POAME RESUME : Ce texte est un ambitieux programme qui se résume en trois idées-forées. (1) Nourri aux sources d'Aristote, de Kant et de Habermas, Varticle s'offre avant tout comme un effort de reconstruction-réhabilitation du champ de la pratique face à l'invasion de la rationalité technique. (2) Sur la base de cette reconstruction, il tente une transformation de la philosophie de la technique (Technikphilosophie) qui prend ici la dénomination de praktische Philosophie der Technik. (3) Fort de ce qui précède, l'article ambitionne de déterminer les tâches de la praktische Philo- sophie der Technik qui se réduisent à trois principales : d'abord proposer une définition systématique de la technique qui prenne en compte la spécificité de la technique contemporaine (technoscience) ; ensuite, élaborer une méthode d'approche du phénomène technique et enfin, évaluer la technoscience. ABSTRJ\CT: This text is an ambitious programme which can be summed up in three idées-forces. (1) Originated from the sources of Aristotle, Kant and Habermas, this paper is first of all an effort of reconstruction-rehabilitation of the practice field with regard to the invasion of the technical rationality. (2) On the basis of this reconstruction, this text attempts a transformation of the philosophy of technology which we may call praktische Philosophie der Technik. (3) In consideration of what precedes, the paper intends to determine the works of praktische Philosophie der Technik that come to three main point: first, to propose a systematic definition of the technology which really takes into account the specificity of the contemporary technology, then to work out an approach method of the technical phenomenon and finally to evaluate the technoscience. La crise que traversent les sociétés contemporaines est, par-delà sa dimension économique qui n'est que la face visible de l'iceberg, une crise de valeurs. Cette crise nous apparaît en effet comme un défi lancé à la philosophie pratique par la technoscience, l'autre nom de la technique contemporaine. Paradoxalement, nous constatons une atténuation de la philosophie pratique au m o m e n t où on a le plus besoin d'elle. La conscience de cette atténuation, qui tient à la 92 PHILOSOPHIQUES liquidation insidieuse de la sphère « pratique » par la technoscience, n o u s c o n d u i t ici à m é n a g e r à la pratique (au sens kantio- habermassien de Praktisché) une certaine prééminence par le jeu d'une reconstruction de la philosophie pratique dans le sillon de la réflexion éthico-technique. Du concept pratique La philosophie pratique est une réalité qui peut prêter à équivoque à cause des multiples usages du mot pratique qui en font une donnée généralement bien connue. Or, nous savons depuis Hegel que le bien-connu en général, justement parce qu'il est bien connu, n'est pas connu. La philosophie pratique est pour ainsi dire une réalité peu ou mal connue. Pour en découvrir le sens cl la thématique, il faut remonter à Aristote et à Kanl, ces deux grands classiques de la philosophie. La clef de voûte de leur conception de la philosophie pratique est le concept de pratique. Interrogeons, pour commencer, le concept de pratique chez Aristote. Pour une meilleure appréhension de ce concept, il faut recourir à la distinction que l'auteur opère entre poièsis et praxis. Cette distinction s'effectue suivant un critère qu'on pourrait qualifier de téléologique. En effet, partant du principe que toute action ou tout faire est orienté vers une fin, Aristote parvient à distinguer parmi les actions, celles dont les fins leur sont extérieures et celles ayant leurs fins en elles-mêmes. Les premières relèvent de \R poièsis, les secondes de la praxis. Alors que la poièsis en se réifiant dans une fin et des objets particuliers reste étroitement liée à la teelmè transformatrice de la matière hors de soi, la praxis quant à elle s'attache à l'éthique, au bien vivre par une action de soi sur soi orientée vers une fin supérieure : la vie morale de \& polis. Comme telle, la praxis implique une idée de valeur que VEthique ci Nicomaque tente de mettre en exergue en établissant une très nette distinction entre production (technique) et action (morale). « La production, écrit Aristote, n'est pas une fin au sens absolu mais quelque chose de relatif el production d'une chose déterminée. Au contraire, dans l'action, ce qu'on fait est une fin au sens absolu, car la vie vertueuse est une Hn et le désir a cette fin pour objet1 ». Des philosophes platoniciens pourraient trouver ici le signe d'une dette théorique d'Aristote à l'égard de Platon. On sait que Platon, clans le Charmide (163b-163e), exprimait cette idée de valeur en faisant de la praxis une espèce de la poièsis, c'est-à-dire une poièsis bonne et utile. La praxis était alors décrite comme une partie de la poièsis. Mais Aristote, sans rejeter systématiquement l'idée de valeur inhérente à la poièsis, va sceller le cordon qui pose praxis et poièsis comme deux aspects (l'un positif, l'autre négatif) d'une même réalité. Il fait alors remarquer avec véhémence que praxis et poièsis « ne sont 1. Aristote, Éthique à Nicomaque, VI, 2 1139b, trad, de J. Tricot, Paris, Vrin, 1990. LES TÂCHES D'UNE PHILOSOPHIE PRATIQUE 93 pas une partie l'une de l'autre, car ni l'action n'est une production, ni la production une action2 ». Poièsis et praxis sont deux types d'action qu'on peut valablement rattacher aux activités de YHomofaber et de VHomo et/uciis. La praxis en tant que réalité axiologique constitue chez A ri sto te l'objet par excellence de la philosophie pratique ; et c'est par là que la pensée de Kant rejoint (sur la question de la philosophie pratique) la doctrine classique d'Aristote. Mais Kant pousse plus loin l'analyse en faisant éclater de façon lumineuse le concept même de pratique. Il en vient ainsi à distinguer le techniquement pratique {technisch-praktisch) et le moralement pratique (mora/isch-praktisch). Ecoutons-le à ce sujet : Aussi peu donc que [...] l'art mécanique ou chimique des expériences ou des observations doit-il êlre considéré comme une partie pratique de la doctrine de la nature, et enfin l'économie domestique, rurale, politique, l'art des relations sociales, les prescriptions de la diététique, même la doctrine générale du bonheur, pas même l'art de refréner et de dompter les passions à son profit, doivent-ils être comptés comme appartenant à la philosophie pratique ou être considérés, du moins ces dernières disciplines, comme constituant la seconde partie de la philosophie en général ; c'est en effet, qu'elles ne comprennent toutes que des règles de l'habileté, par conséquent seulement techniquement pratiques [...] ces règles puisqu'elles appartiennent à la philosophie théorique [...] ne peuvent prétendre à occuper une place dans une philosophie particulière, dite pratique. En revanche, les préceptes moraux pratiques [...] constituent une espèce toute particulière de prescriptions, qui, tout de même que les règles auxquelles la nature obéit, s'appellent simplement des lois ; mais elles ne reposent pas, comme celles-ci, sur des conditions sensibles, mais sur un principe supra-sensible et elles exigent pour elles seules, à côté de la partie théorique de la philosophie, une autre partie sous le nom de philosophie pratique1. Nous avons ici longuement cité Kant parce que cet extrait nous semble révélateur de ce que l'on pourrait nommer uploads/Philosophie/ les-taches-d-x27-une-philosophie-pratique-a-l-x27-age-de-la-technoscience.pdf

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